La Libye entre rêve d’autonomie, réalités politiques et enjeux stratégiques : quelques considérations sur la guerre, les aspirations du peuple insurgé et le rôle de l’occident, entre devoir moral, intérêts politiques et propagande multilatérale.
où comment le peuple libyen risque de passer d’une tyrannie à une autre, ce qu’il a à perdre et ce qu’il a à gagner
La guerre fait rage en Libye depuis plusieurs mois. Les événements ont débuté en Février dernier, dans la continuité de ceux de Tunisie, d’Égypte et de l’ensemble du monde arabe. Des manifestations, faisant suite à celles des voisins tunisiens et égyptiens, ont été violemment réprimées de même qu’en Syrie ou à Bahrein où, encore à l’heure où j’écris ces lignes, l’on massacre à huis-clôt. Comme en Tunisie ou en Égypte, le régime a répondu par une répression sanglante, plus intense même que dans ces pays voisins puisque lorsque Kadhafi a ordonné à l’armée de tirer sur les émeutiers, celle-ci n’a pas fait défection comme ce fut le cas en Tunisie ou l’armée protégeait les manifestants de la police. Après les premiers tirs à balles réelles de la police sur les manifestants et le déclenchement des premières émeutes, l’armée a férocement réprimé la population, ce qui a précipité les événements. Contrairement à la Tunisie et à l’Égypte, ce n’est pas une révolution que connaît actuellement la Libye mais bien une guerre civile qui oppose non seulement les insurgés au pouvoir en place mais également une partie de la population à une autre.
L’0NU a répondu en Mars à l’appel des rebelles menacés d’être massacrés par les troupes kadhafistes. Avec le soutien de l’0TAN et de la Ligue Arabe (qui a finalement émis des réserves sur la conduite des opérations par l’Alliance Atlantique), les insurgés prennent en quelques mois le contrôle du pays. Kadhafi est en fuite. Tout semble se passer pour le mieux dans le meilleur des mondes.
0r depuis quelques semaines, des voix de plus en plus nombreuses et vindicatives s’élèvent contre notre présence en Libye, voire contre notre soutien aux insurgés. 0n lit ici que l’0TAN aurait bombardé des civils, là qu’il aurait outrepassé son mandat, ici encore que la Libye de Kadhafi serait un paradis sur Terre, ou encore, plus prosaïquement, que les rebelles sont un ramassis de terroristes d’Al Quaeda. Qu’en penser ? Il est certain que l’0TAN n’est pas allé en Libye par simple souci humanitaire, et un certain nombre de réserves peuvent être formulées quant à la façon dont a été mené jusque là cette opération. D’un autre côté, l’intervention occidentale semblait indispensable pour éviter l’écrasement de la rébellion. Mais sa victoire est-elle souhaitable ?
Alors fallait-il intervenir ? Devions-nous aller en Libye ? Devons-nous rapatrier nos avions et nos soldats ? Devons-nous abandonner la rébellion, voire comme le clament certains soutenir le régime contre l’insurrection qui vise sa chute ?
Le régime de Kadhafi et la Jamahiriya libyenne, entre belles promesses et réalité
0fficiellement, la grande Jamahyriya démocratique et socialiste libyenne est une démocratie directe et sociale : l’on ne peut nier que la Libye est le pays africain ou le niveau de vie est le plus élevé, notamment pour les classes populaires. De réels efforts on été fait par le régime pour fournir une aide sociale considérable à tous les Libyens. D’autre part, la chose politique est – officiellement – confiée aux conseils démocratiques, ou comités populaires, assemblées de citoyens auxquelles tous peuvent participer. Dans les faits, ces conseils ne décident de rien : les décisions d’importance sont prises par un régime parallèle, les conseils révolutionnaires soumis à Kadhafi qui y a placé, comme à la tête des administrations, ses hommes les plus fidèles. Ce système conserve aussi l’organisation tribale historique du pays, le soutien des tribus étant indispensable pour assurer la pérennité du régime. Kadhafi a cependant affaiblit ces tribus en créant des administrations nationales et en favorisant son propre clan qui est notamment la tribu la plus armée et détient les postes clé dans ces administrations.
De la même manière, l’armée est divisée en deux branches : l’armée populaire, sous-payée, sous-qualifiée et sous-équipée, et les corps d’élite fidèles à Kadhafi, dirigés par ses proches, bien équipée, entraînée et grassement payée. Si Kadhafi porte toujours le titre de guide de la révolution, sans avoir de poste officiel au gouvernement, l’armée d’élite est son bras armé, la gardienne de la révolution kadhafiste. Le Guide s’est du reste toujours méfié de l’armée régulière, responsable de la moitié de la quarantaine de coups d’État qui ont eu lieu depuis 1969. Lui-même n’a pas fait exception à cette règle puisque c’est en tant que capitaine, autoproclamé colonel, qu’il a dirigé le coup d’État qui l’a propulsé au pouvoir cette année là en renversant le roi Idris 1er.
La Libye étant officiellement auto-organisée, les partis politiques y sont interdits. Les universités sont sous la coupe de « docteurs de la révolution », fidèles de Kadhafi et mis en place par lui. De plus, les libertés individuelles, notamment d’information et d’expression, y sont réduites à néant. Le premier journal libre a ainsi été édité par la rébellion il y a quelques semaines, et les prisons regorgent de prisonniers politiques qui ont eu pour seul tort de vouloir s’exprimer publiquement.
La tribu Warfalla, concentrée autour de Benghazi d’où est parti la rébellion, a fait les frais du coup d’État manqué de 1993 : nombre de Warfallites occupant des fonctions dirigeantes dans l’armée ont été emprisonnés ou tués. La Libye a connu nombre de coups d’État avortés et d’insurrections violemment réprimées depuis l’accession au pouvoir de Kadhafi. Le 29 juin 1996, le chef des services secrets libyens ordonne l’exécution de 1270 des 1700 prisonniers rebelles de la prison d’Abou Salim. Les relations sont dès-lors tendues entre le régime et l’opposition et des insurrections éclatent périodiquement dans l’Est du pays durant les années suivantes.
Une révolution ? Non une guerre civile : la particularité du mouvement libyen en ce printemps arabe qui se prolonge
Sous l’influence de la révolution tunisienne, qui n’est alors qu’en voie de réussir, les premières manifestations ont lieu le 13 janvier en Libye. Les manifestants exigent plus de libertés et de démocratie, un meilleur respect des droits de l’Homme, une meilleure répartition des richesses ainsi que l’arrêt de la corruption au sein de l’État et de ses institutions. Le « Guide de la Révolution » libyen, Mouammar Kadhafi, est le plus ancien dirigeant du monde arabe toujours en fonction : il est à la tête de la Libye depuis le premier Septembre 1969, soit près de 42 ans de règne.
Le pouvoir prend d’abord des mesures préventives : interdiction des rassemblements, annulation de rencontres sportives, suppression des taxes et droits de douane sur les aliments, et quelques mesures sociales, comme une prime de 324 euros par famille. Le 19 janvier, le colonel Kadhafi apporte son soutien au président tunisien Ben Ali, pourtant en fuite depuis cinq jours.
Puis, le 24 janvier, le pouvoir bloque l’accès à Youtube. Afin d’éviter l’effet domino des voisins tunisiens et égyptiens (qui descendent dans les rues le 25), le gouvernement prend diverses mesures. Il commande plus de 100 000 tonnes de blé, pour faire baisser les cours locaux. Il annonce le déblocage d’un fonds de 24 milliards de dollars pour fournir des logements et développer le pays. Le 9 février, Kadhafi affirme que la révolution égyptienne est une « conspiration orchestrée par Al-Jazeera et les services secrets israéliens », et déclare qu’il répondra par la force si le chaos s’installe dans son pays. Jusqu’à la mi-février, Kadhafi réussit donc à contenir la contestation. Mais le 15 Février, une manifestation a lieu à l’occasion du procès de prisonniers morts en détention et dont les mères se sont rassemblées devant le tribunal. Elles sont rejointes dans la soirée par des avocats protestant contre l’arrestation de leur collègue, Fathi Tirbil, qui défendait les prisonniers morts lors du massacre d’Abou Salim. Il est libéré dans la nuit. Entre temps, la police n’a pas osé disperser les manifestants, rejoints par des jeunes hommes qui ont commencé à affluer dans la soirée. Les rassemblements prennent de l’ampleur et se multiplient dès le lendemain.
Le pouvoir en place a déjà prévu l’insurrection des jours suivants : le PDG du constructeur français de véhicules militaires Panhard General Defense a confirmé dès le 2 Février avoir été contacté par les gardes-frontière libyens souhaitant négocier l’achat de 120 véhicules blindés légers VBR. Le pouvoir libyen est par ailleurs confronté à une guérilla intermittente menée par les islamistes principalement en Cyrénaïque. Mais le mouvement de Février constitue un soulèvement populaire, mené par des jeunes urbains, des mères de prisonniers et des intellectuels de professions libérales, mouvement d’abord non-organisé et prenant la forme de simples manifestations que la police va violemment réprimer, précipitant l’insurrection.
Des manifestations ont lieu à Benghazi le soir du 15 février, durement réprimées par la police qui utilise des armes à feu, en plus des canons à eau et des lacrymogènes, jusque tard dans la nuit. Les affrontements font au moins 38 blessés, dont dix policiers et 4 morts à Al-Baïda.
Le lendemain, les manifestants de Benghazi qui protestent contre la détention d’un avocat et activiste des droits de l’homme, sont attaqués par la milice défendant le pouvoir, les gardiens de la Révolution, armés de bâtons cloutés et de sabres. Les autorités payent des prisonniers pour réprimer les manifestants. Les manifestations jusque là pacifiques font place à des émeutes d’une rare violence. D’autres villes de l’Ouest du pays se soulèvent.
Le jeudi 17 Février, appelé « journée de la colère » par les opposants, les manifestations s’intensifient dans l’Est du pays, notamment à Benghazi où un kamikaze du nom d’Almahdi Ziou jette sa voiture bourrée d’explosifs contre le portail de la caserne. Les insurgés prennent les armes. Les loyalistes en se repliant font sauter les dépôts d’armes et de munitions. A El Beïda, les forces de police se rallient aux émeutiers. Dans cette dernière ville, treize manifestants auraient été tués par des tirs de francs-tireurs. À l’0uest du pays, une brigade est envoyée par Kadhafi pour reprendre la ville de Zenten tombée aux mains des insurgés, mais elle se heurte aux émeutiers qui emprisonnent douze mercenaires africains.
Les villes de Benghazi et d’El Beïda tombent avant la fin du lendemain entre les mains des insurgés. Des soldats et des policiers rejoignent la rébellion qui commence à s’organiser. Benghazi deviendra le fief du mouvement révolutionnaire dans les semaines qui suivront. Le 19 Février, l’on y dénombre une cinquantaine de morts. Forces de police n’ayant pas fait défection, quelques brigades militaires, milices loyalistes et mercenaires d’Afrique noire payés par le régime combattent les émeutiers. Une mutinerie permet à mille détenus de la prison de Benghazi de s’évader ; seuls cent cinquante sont repris.
Les autorités libyennes coupent l’accès à Internet dans la nuit du 18 au 19, puis de nouveau la nuit suivante. Le premier soutien international concret est fourni alors par les cyberhacktivistes du réseau Anonymous, qui fournissent des packs logiciels permettant de contourner la censure, et collectent des informations afin de les diffuser dans le monde, une initiative saluée par Reporters Sans Frontières.
Durant la journée du 20 février, deux tribus touaregs et la Warfala se rallient à l’insurrection ; des personnalités démissionnent de leur poste pour rejoindre la révolution : Abdel Moneim al-Honi, représentant de la Libye à la Ligue Arabe et un diplomate en Chine. L’ambassadeur en Inde démissionne quant à lui sans annoncer qu’il rejoint les insurgés.
Dans un discours retransmis par la télévision à minuit (dans la nuit du 20 au 21), le fils de Kadhafi, Saïf al-Islam (qui n’exerce officiellement aucune fonction politique), exige la fin des manifestations et menace de faire intervenir l’armée. Il promet des réformes politiques, et accuse les manifestants d’être ivres ou drogués. Le premier ministre Baghdadi Ali al-Mahmoudi affirme que « la Libye est en droit de prendre toutes les mesures » pour préserver le pouvoir en place et l’unité du pays. L’intervention télévisée du fils du colonel Kadhafi provoque le redoublement des assauts des manifestants. La maison du Peuple (où se tient le parlement) et des bâtiments officiels de la capitale sont incendiés. Le 21 février, Human Rights Watch fait état d’au moins 233 morts dans le pays, dont 90 en Cyrénaïque ; le bilan à Benghazi serait de 300 morts et 1 000 blessés selon l’ONG Libyan Human Rights Solidarity.
La Fédération Internationale des Droits de l’Homme annonce que les villes de Benghazi, Tobrouk, Misrata, Khoms, Tarhouna, Zliten, Zaouïa et Zouara seraient tombées partiellement ou en totalité entre les mains des insurgés qui réclament désormais le départ de Kadhafi et la démocratisation du pays. 0fficiellement, ce dernier n’occupe aucun poste politique depuis 1979 mais demeure le « Guide de la révolution ». C’est pourtant lui qui prend toutes les décisions importantes en Libye, n’hésite pas à dicter sa loi à la « justice », et il refuse fermement d’abandonner cette « fonction » de dirigeant de facto.
Il est également rapporté que des policiers et des soldats auraient rejoint les rebelles. Des informations concernant Syrte (ville natale de Kadhafi) sont contradictoires. Le soir, l’armée aurait commencé à bombarder la ville de Misrata et aurait prévu de bombarder Benghazi dès minuit.
Les 20 et 21 Février, la contestation s’étend à Tripoli, la capitale. Les 40 000 à 50 000 manifestants y affrontent les forces de l’ordre, qui auraient tué plus de soixante personnes en une journée. Selon Al-Jazeera, la plupart des commissariats de police du centre-ville ont brûlé et les émeutiers se sont emparés de l’aéroport de Tripoli en milieu de journée. Le siège du gouvernement est incendié, et le palais de Kadhafi est encerclé par les insurgés. En fin de journée, selon The Guardian et Al-Jazeera, des avions militaires ont ouvert le feu sur les manifestants de Tripoli. La chaîne qatarie évoque le nombre de 250 morts. Selon des témoins, l’armée a également bombardé des quartiers entiers et aurait ainsi tué une centaine de personnes. Deux colonels de l’armée de l’air libyenne à bord de deux Mirages F1 ont refusé de bombarder les manifestants et se sont réfugiés à Malte où ils ont demandé l’asile politique, ainsi que sept personnes dont au moins un ressortissant français, arrivées à bord de deux hélicoptères. L’Italie envoie au sud de la péninsule des avions militaires en cas d’alerte. Mohamed Bayou, ancien porte-parole du gouvernement, critique la répression et appelle le pouvoir à engager une transition. Le ministre de la Justice Moustafa Mohamed Aboud al-Djeleil démissionne pour « protester contre l’usage excessif de la force ». C’est le début d’une guerre civile qui durera (au moins) six mois.
La contestation s’étend au champ social avec les personnels du champ de pétrole de Al-Nafoura qui se mettent en grève. De nombreuses autorités intellectuelles et spirituelles appellent au renversement du régime de Kadhafi, tandis que des groupes d’officiers appellent leurs troupes à faire défection et à rejoindre les insurgés. Des unités de l’armée fuient à l’étranger plutôt que de combattre les rebelles voire se rallient au mouvement. De nombreux ambassadeurs démissionnent ou affirment ne plus servir le régime de Kadhafi mais se mettre au service du peuple libyen. Dans la soirée, c’est le ministre de l’Intérieur Abdelfattah Younès qui démissionne et appelle lui aussi l’armée à rejoindre les insurgés. Selon The Guardian, les 7ème et 9ème brigades, qui avaient permis à Kadhafi de prendre le pouvoir en 1969, ont rallié les insurgés à Tarhounah. Kadhafi annonce avec véhémence son refus de se plier aux exigences des rebelles, se disant prêt à mourir en martyre, appelant ses fidèles à descendre dans les rues et promettant la peine de mort à ceux qui menacent l’unité du pays.
Le 22 février, plusieurs reporters d’Al Jazeera et occidentaux pénètrent en Libye, et signalent que les frontières ne sont plus gardées. L’Est du pays, de Benghazi à la frontière égyptienne, est sous le contrôle des insurgés, épaulés par des militaires. Les villes de ces zones sont administrées par les habitants. Enfin, les livraisons de gaz naturel par le gazoduc sous-marin entre la Libye et l’Italie sont interrompues le 22 février. Les compagnies pétrolières occidentales rapatriant leurs employés, les exportations d’hydrocarbures diminuent peu à peu. Dans les jours qui suivent, plusieurs nouvelles villes tombent aux mains des rebelles qui se cordonnent au sein de plusieurs organisations, souvent créées pour l’occasion, comme le fameux Conseil National de Transition qui sera reconnu par une grande partie de la communauté internationale comme seule autorité légitime en Libye dans les semaines qui suivent.
Kadhafi commence à armer les civils qui lui sont fidèles tandis que la rébellion progresse dans l’Est du pays. Le 25 février, les manifestants commencent une marche pour libérer la capitale défendue par la 32e brigade, unité d’élite de 10 000 hommes, considérée comme la plus performante des trois unités de protection du régime, et commandée par Khamis, le fils cadet de Kadhafi.
Le 26 février, de violents accrochages ont lieu dans les rues de la capitale libyenne, pendant la nuit. Le fils du colonel Kadhafi, Saïf al-Islam, propose dans la soirée devant des journalistes étrangers un cessez-le-feu qui ne sera pas respecté. Les rues de Tripoli sont désertées pendant la journée, on y voit seulement des soldats pro-Kadhafi qui effectuent des patrouilles en 4×4.
Le Conseil National de Transition est formé le lendemain, 27 Février, à Benghazi, fusionnant deux instances provisoires, le Conseil National Libyen et le gouvernement provisoire de l’ancien ministre de la justice Moustafa Mohamed Aboud al-Djeleil, qui a fait défection. La Libye est donc partagée entre deux pouvoirs concurrents. Les rebelles s’organisent dans les villes qu’ils contrôlent. L’information est relayée par des médias libres, les premiers de l’Histoire de la Libye, qui se montent ça et là.
L’armée loyaliste lance une contre-offensive le 1er Mars et reprend les villes de Sabratha, Zintan et Gharyan, situées aux environs de la capitale. Des bombardements ont lieu plus à l’Est, sur Ajdabiya. Marsa El Brega est attaquée le lendemain. Le terminal pétrolier et l’aéroport tombent entre les mains des loyalistes avant d’être repris par les rebelles. La ville est alors elle aussi soumise à des bombardements. De nombreuses victimes civiles sont dénombrées. La semaine qui suit voit toutefois une nette avancée des rebelles.
Le CNT tient sa première réunion le 5 mars dans un lieu secret et se proclame « seul représentant » légitime du pays. La France sera le premier pays à le reconnaître comme tel, le 12 Mars, et adoptera avec le Royaume-Uni une position commune pour le sommet européen du 11 mars.
La situation libyenne à la mi-Mars : l’urgence d’une solution
A partir du 7 Mars, la tendance s’inverse : l’offensive loyaliste chasse ville après ville les rebelles de leurs positions. La France aurait livré des armes aux rebelles dès le 6 Mars (information confirmée par le Canard Enchaîné), mais ceux-ci ne parviennent pas à résister à l’avancée de l’armée kadhafiste. Le 11, le « Guide » renforce sa contre-offensive sur le terrain, par air (bombardements), par terre (artillerie lourde), mais également par mer (tirs nourris sur la population depuis des navires de guerre). Les insurgés, sous-armés et accusant de lourdes pertes, sont alors contraints de se replier mais annoncent à la stupeur générale avoir repris Marsa el Brega deux jours plus tard. Les annonces anticipées de part et d’autre font qu’il devient plus difficile d’avoir une idée précise de la situation réelle. La bataille médiatique commence.
La Ligue arabe apporte ce même samedi son soutien à une zone d’exclusion aérienne demandée par l’opposition libyenne, en estimant que le régime de Kadhafi a « perdu sa légitimité » du fait des « violations dangereuses » commises.
la colonne sanglante et les réactions de la communauté internationale
Le CNT, principale organisation de l’opposition libyenne, et le gros des forces rebelles se trouvent bientôt pris au piège dans une Benghazi vers laquelle progresse l’armée loyaliste. Saïf al-Islam Kadhafi promet aux rebelles « des rivières de sang ». Les rebelles sont exterminés par les militaires fidèles au régime dans chaque ville reprise. Il semble que rien ne puisse plus arrêter le triomphe du colonel et un véritable bain de sang à Benghazi, avec exécutions sommaires à la clé pour les rebelles.
Le jeudi 17 Mars, la résolution 1973 du Conseil de Sécurité des Nations Unies est votée en fin de soirée pour protéger Benghazi d’un massacre. Cette résolution autorise des frappes aériennes destinées à mettre en place une zone d’exclusion aérienne, empêchant l’aviation kadhafiste de bombarder les villes rebelles, et permet de « prendre toutes mesures nécessaires […]pour protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaque en Jamahiriya arabe libyenne », le paragraphe 9 de la résolution 1970 fixant toutefois certaines limites aux moyens à employer.
Mouammar Kadhafi a déclaré au préalable qu’en cas d’intervention militaire, ses forces attaqueraient les avions et bateaux civils traversant la Méditerranée.
Les informations sur place se font rares, en raison tant de la fuite des journalistes des zones de combat que de la discrétion des informateurs autochtones inquiets à mesure de la progression de l’armée. Le difficile contact direct avec les insurgés donne de nouveau plusieurs informations contradictoires.
Le vendredi 18 Mars, le colonel Kadhafi annonce à nouveau un cessez-le-feu immédiat, et il promet l’amnistie aux insurgés qui feraient leur reddition. Son fils Saïf al-Islam Kadhafi déclare ne faire entrer que les forces civiles anti-terroristes à Benghazi sans se servir de l’armée. Mais ces engagements ne sont pas tenus. Le même jour, l’annonce de l’intervention imminente de pays membres de l’ONU provoque des manifestations de liesse et de remerciement dans les zones insurgées encore libres et amène les forces gouvernementales à se retrancher aux abords de Benghazi. La colonne sanglante est momentanément stoppée. Dans le reste du pays, les manifestations en faveur du régime de Kadhafi ont été modérées avec toutefois quelques coups d’éclat comme lors de la conférence aux médias convoquée à Tripoli de Saïf al-Islam envahie par une manifestation de ses soutiens.
Qui sont les rebelles ?
Les manifestants de Février étaient essentiellement des jeunes hommes des grandes villes du pays, des intellectuels de professions libérales comme des avocats, et des mères de prisonniers, souvent politiques. Par ailleurs, le régime était depuis le milieu des années 90 aux prises avec une insurrection intermittente menée par les islamistes. Ces deux populations aux aspirations différentes voire souvent incompatibles se sont trouvées engagées côte à côte contre un ennemi commun : le régime de Kadhafi, ce qui illustre assez bien l’ambiguïté du mouvement révolutionnaire. S’il est incontestable que des groupes islamistes bien organisés combattent au sein des forces rebelles, et possèdent une certaine écoute de la part des dirigeants du CNT, le gros des rebelles représente une catégorie de la population assez jeune, généralement bien éduquée et aspirant à plus de libertés individuelles et de démocratie, ce qui est incompatible avec le conservatisme moral des islamistes. Pour ajouter à la confusion, certains dirigeants du CNT sont des transfuges du régime kadhafiste qui ont par le passé œuvré à l’oppression du peuple libyen. Ainsi, Moustafa Abdel Jalil, chef du CNT, est l’ancien Secrétaire du Comité général du peuple à la justice de Kadhafi. Il a du sang libyen sur les mains et c’est encore lui qui a fait obstruction tant qu’il le pouvait à la libération des infirmières bulgares, ce scandale qui nous donné l’occasion de voir un Kadhafi prêt à tout jusqu’à la mise à mort de nombreux innocents pour extorquer des fonds à l’Union Européenne. S’il est incontestable que l’Europe a une dette envers les peuples africains, ne serait-ce qu’au regard de la colonisation passée et du néo-colonialisme pas seulement économique actuel, souvenons-nous également que les infirmières bulgares furent les otages innocents, torturés durant de longues années et menacés de mort, d’un chantage dont les moyens étaient d’emblée incompatibles avec les fins revendiquées. Comment en effet justifier au nom du droit le massacre d’innocents ?
Plusieurs dirigeants du CNT sont ainsi d’anciens proches du régime ayant contribué activement à l’oppression du peuple de Libye, ce qui laisse planer de sérieux doutes sur ce qu’ils pourraient faire s’ils étaient au pouvoir. Les autres sont pour la plupart des membres de la tribu Harabi historiquement liée à Benghazi. Toutefois, le CNT n’est pas la seule organisation rebelle, n’en déplaise à BHL qui a tout fait pour qu’il soit notre seul interlocuteur sur place : de nombreux groupes coexistent, des groupes islamistes aux factions politiques libérales, socialistes, démocrates, nationalistes ou encore libertaires.
Par ailleurs, les forces politiques les plus organisées étant les organisations islamistes telles les Frères Musulmans, l’on peut craindre une certaine réaction morale qui menacerait les libertés individuelles… si les libyens en avaient : le fait est que sous le régime kadhafiste, celles-ci étaient radicalement absentes.
Mais le gros des forces rebelles, outre les mutins, et surtout de leurs soutiens nationaux, des personnes qui veulent le départ de Kadhafi, est composé de simples libyens, souvent jeunes et éduqués, qui aspirent comme leurs frères tunisiens, égyptiens ou syriens, à plus de liberté et de démocratie. Le risque est grand pour eux de voir ces rêves trahis par leurs leaders ou vendus à l’0ccident. Pour autant, pourrions-nous encore nous regarder en face si nous avions laissé le pouvoir en place les massacrer ?
L’organisationHuman Right Watch a rapporté des exactions (violences, pillages, incendies d’habitations) commises par les forces rebelles. Comme toujours dans ce type de situation, le climat de peur conduit à des déferlements de violence, de part et d’autre, à l’encontre de ceux qui sont soupçonnés de collaborer avec l’ennemi. Il convient toutefois, si l’on peut comprendre les causes de tels débordements, de ne pas excuser ces crimes. La France a réclamé une enquête et des sanctions. Le colonel rebelle El-Moktar Firnana assure qu’il s’agit d’actes isolés dont les coupables ont été punis. Le numéro deux de la rébellion libyenne, Mahmoud Jibril, a également admis « quelques incidents » qui auraient eu lieu selon lui uniquement durant les deux premières semaines de l’insurrection lancée à la mi-février. « Ce n’est plus le cas dans les zones libérées », a-t-il affirmé. A ce jour, et même si les rumeurs vont bon train, rien ne permet de faire état de violences massives de la part des rebelles, qui ont en revanche subis une répression sanglante de la part des troupes loyalistes dès le déclenchement des premières manifestations, répression qui a porté aveuglément sur les combattants comme sur les civils.
Alors, devions-nous aller en Libye ?
0ui, nous avions le devoir moral d’intervenir, sous peine de trahir tous les fondements de nos idéaux de Justice universelle et de Liberté, et de nous rendre coupables par notre inaction d’avoir laissé mourir des milliers d’insurgés, au premier rangs desquels, devant les leaders transfuges ou islamistes, une frange non négligeable du peuple libyen révolté après quarante ans de despotisme. Celui qui a soutenu la révolution tunisienne ne peut sans incohérence ne pas être solidaire des insurgés libyens, car si la situation est différente, les aspirations sont les mêmes. Cette conviction ne doit toutefois pas nous interdire de porter un regard critique sur le déroulement des opérations.
Pourquoi sommes-nous allés en Libye ?
Il y a à cela plusieurs raisons. Il est évident que si l’0TAN est en Libye c’est qu’il y possède quelque intérêt : favoriser le départ d’un Kadhafi qui joue les éternels trublions ; faire main-basse sur le pétrole libyen et en offrir l’exploitation clé en main aux compagnies pétrolières occidentales ; mettre ou remettre un pied au Maghreb pour certains, y renforcer sa présence pour les autres…
Pour autant, il faut prendre en compte un autre facteur : la sympathie des populations occidentales pour les mouvements du printemps arabe. D’une part, tout bon électoraliste vous dira qu’à moins d’un an des présidentielles il faut savoir aller dans le sens du vent. D’autre part, et même si cela n’en a pas l’air, les hommes de pouvoir ont aussi des émotions et de la compassion, même si celle-ci est souvent étouffée par leur arrivisme. Certes, « Toutes les vertus des hommes se perdent dans l’intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer » écrivait La Rochefoucault. Je ne sais pas si N. Sarkozy a de la sympathie pour le peuple libyen. Peut-être que oui ; peut-être que non. De toute façon ça ne pèse pas lourd face à son intérêt d’entrer en guerre et de s’assurer juste avant les élections une victoire facile sur un État de faible puissance militaire. En revanche, je crois que BHL a été sincèrement ému par la cause des rebelles et le massacre annoncé. L’on peut lui reprocher beaucoup de choses : son arrivisme, son manque d’honnêteté intellectuelle et de rigueur philosophique, son soutien à la politique colonialiste d’Israël, et jusqu’à ses erreurs de jugements sur la question libyenne (notamment en refusant tout autre interlocuteur que le CNT), mais il me paraît clair que sa motivation première était de soutenir une cause qu’il croyait juste… et de redorer son image bien écornée par ses dernières sorties en soutenant un peuple en lutte, cela va sans dire. Il a usé de son influence pour convaincre le président de la République d’intervenir en Libye. L’on peut le lui reprocher (mais que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre : à sa place, j’en aurais fait autant) ; au moins la cause était juste. Que l’0TAN ait des intérêts stratégiques en Libye, que Sarko cherche à se faire réélire, que Cameron cherche à renflouer BP avec le pétrole libyen, que BHL soit un con… tout cela ne doit pas nous rendre aveugles au fait que, pour le coup, leurs intérêts et ceux du peuple libyen soient allés dans le même sens : celui d’une intervention qui a sauvé la rébellion d’une mort certaine et particulièrement cruelle. Reste à voir combien de temps durera cette convergence d’intérêts, ce qui sera déterminé par les appétits des uns et des autres, les sacrifices que seront prêts à faire les libyens, leur capacité de résistance face aux ambitions de l’0ccident… et l’attitude concrète des populations occidentales lorsque débutera le partage du gâteau ! Ces populations qui ont accueilli avec sympathie la révolution tunisienne et crachent sur les rebelles libyens à présent que nous leur avons envoyé des troupes ou à tout le moins des avions et des armes, aurons je l’espère à cœur de peser sur leurs dirigeants pour défendre les intérêts du peuple libyen.
Dénoncer le risque d’une récupération de la révolution libyenne par les islamistes, l’élite politique du pays ou les États membres de l’0TAN est une chose plutôt saine. Cela en est une toute autre que de dire que l’on aurait du laisser Kadhafi agir à sa guise et massacrer son peuple. Certes nous avons bien fait d’intervenir, et le reconnaître n’exclut pas la vigilance à l’égard du déroulement des opérations.
Pourtant, des critiques de plus en plus nombreuses et virulentes se font entendre.
L’on nous dit que l’0TAN est une force impérialiste qui viole la souveraineté d’un État de droit. Le droit international a été bafoué. Nous ne contesterons certes pas l’impérialisme de l’0TAN, et rappelons à la vigilance quant à ses prétentions futures sur les ressources et la souveraineté libyenne. Mais quel État de droit, quel droit en Libye ? Quelle souveraineté populaire pourrait bien avoir été violée alors que le pays était tout entier sous la coupe d’un tyran ? Même les anarchistes libyens lorsqu’ils s’opposent à l’intervention internationale, craignant la main-mise future de l’0ccident sur les intérêts libyens, savent que Kadhafi est un problème qu’il faut de toute urgence régler. Ils étaient pourtant supposés vivre en démocratie directe ! Leur point de vue est que c’est au peuple libyen de régler seul ce problème, car ils sont conscients du risque que fait encourir l’ingérence de l’0TAN aux prétentions des libyens à l’autonomie. Certes, mais sans cette intervention nous savons bien que la révolution aurait été écrasée, et ce pour de longues années. En cela le CNT, quoique l’on puisse lui reprocher par ailleurs, a eu raison de demander l’aide de l’étranger, même si cette aide risque d’être chère payée. Il importe cependant de tout faire pour que la décision quant aux orientations futures du pays revienne aux libyens, non à l’0TAN, aux Frères musulmans ou aux anciens de l’administration Kadhafi. Et la tâche sera rude !
L’on entend encore que les révolutions arabes seraient montées de toute pièce et déclenchées par les services secrets américains. Ce n’est bien sur un secret pour personne que les États-Unis, comme d’autres nations impérialistes, influencent dans la mesure de ce qui leur est possible (et leurs possibilités sont certes grandes mais non infinies) les destins des peuples dans le sens de leurs intérêts, arment les révolutions quand elles les servent et les minent lorsqu’elles les desservent. Cependant, prêter aux États-Unis la capacité de monter de toute pièce le mouvement de contestation qui se déroule cette année dans tout le monde arabe serait au mieux surestimer leurs capacités, au pire montrer un mépris total pour le peuple arabe, ses aspirations et sa capacité à s’autodéterminer. Soyons lucides : il est plus que probable que les services secrets américains aient soufflé dans le sens du vent par opportunisme. Mais la révolution tunisienne a surpris tout le monde, jusqu’à nos dirigeants qui n’ont pas senti le vent tourner. Ainsi, Nicolas Sarkozy a soutenu jusqu’au bout le régime du tyran Ben Ali, à qui Michèle Alliot-Marie a été jusqu’à proposer le concours de notre police pour mieux réprimer les manifestations ! La France n’a cessé de livrer des armes au régime du tyran libyen (qui contribue à protéger l’Europe des hordes de dangereux migrants africains) que trois semaines avant le déclenchement des événements. Certes, les Américains ont pour le coup été plus lucides que nous et ont réagi plus vite, certainement leurs espions les avaient-ils informés de la montée du mécontentement, mais faire de ces espions les maîtres d’œuvre des révolutions arabes serait faire fi de la colère de peuples depuis trop longtemps bafoués. Les Tunisiens comme les Égyptiens, les Libyens ou les syriens n’avaient pas besoin de cela. Les américains ont certes contribué à ces révolutions. Nous saurons peut-être un jour précisément de quelle manière, les langues se délient avec le temps. L’avenir nous dira s’il le souhaite si leurs intérêts allaient dans le sens de l’éviction ou du maintien, qu’ils ont vite su impossible au regard de la détermination des populations du Maghreb, de ces tyrans qui se sont révélés pour certains de fidèles alliés du capitalisme occidental (cela est vrai pour Ben Ali, et le paraît certes beaucoup moins pour Kadhafi). Ce qui est sur, c’est que la principale cause de ces révolutions n’est autre que la tyrannie à laquelle les peuples qui les ont mené – et les mènent encore – ont été soumis durant des décennies.
L’on nous dit encore que les rebelles sont des islamistes ou des criminels violents. 0r on l’a vu : le mouvement est pluriel. Il s’agit dès-lors de ne pas surestimer les groupes terroristes qui sont finalement minoritaires au sein d’un mouvement avant tout populaire.
L’0TAN est accusé d’armer des islamistes et de collaborer avec des factions d’Al Qaeda. C’est partiellement vrai. Dans la mesure ou des armes et du matériel militaire, ainsi que des données de renseignement, ont été fournis, notamment par la France, aux rebelles, et où un certain nombre de ces rebelles sont issus d’Al Quaeda au Maghreb Islamique, il est presque certain que certaines de ces armes se sont trouvées entre les mains d’intégristes. Il y a un risque certain de voir ces pièces armer des filières terroristes. C’est toutefois, jusqu’à preuve du contraire, au seul CNT que les armes ont été livrées, et le CNT n’est pas un groupement islamiste bien que certains de ses membres parfois haut placés soient connus pour avoir intégré de telles organisations. Le CNT est un mouvement composite voulant unifier la révolution : l’on y trouve tant des libéraux que des socialistes ou des nationalistes, tant des laïcistes que des islamistes, et certes il compte des terroristes dans ses rangs, qui côtoient des militaires ayant fait défection et des volontaires, hommes et femmes de tous horizons géographiques et politiques n’ayant pour la plupart jamais participé de près ou de loin à une entreprise terroriste. Quant à l’autre accusation faite à l’0TAN, de travailler avec des groupes islamistes, c’est en effet possible bien qu’à ce jour aucune preuve n’en ait été apportée. Ces affirmations sont essentiellement relayées par des auteurs tels Thierry Meyssan bien connus pour leurs élucubrations et le manque de fiabilité de leurs sources (lorsqu’elles sont communiquées, ce qui est rare). S’il est tout à fait crédible que l’0TAN « collabore » indirectement avec des terroristes, puisqu’il y en a parmi les rangs des rebelles, il est pour l’heure impossible de déterminer si cette collaboration s’étend à des groupes terroristes organisés (ce qui est régulièrement affirmé mais actuellement non-prouvé) ou seulement à des individus, islamistes non nécessairement connus comme tels, ayant intégré des groupes révolutionnaires tels le CNT. 0fficiellement, l’0TAN n’a d’interlocuteur que le CNT. Si, donc, il a collaboré avec d’autres groupes, il faudrait des faits pour étayer cette affirmation.
Enfin, le mandat de l’0NU aurait été dépassé, en violation donc du droit international. Qu’en penser ? Il semble que ce soit finalement la seule objection fondée à la poursuite des opérations militaires en Libye. Le mandat concernait exclusivement la protection des civils, et autorisait en outre des frappes aériennes destinées à maintenir la zone d’exclusion. 0r de très probables attaques par hélicoptère ont été rapportées et violemment critiquées. Cela demeure toutefois des attaques aériennes, quoique l’ambiguïté soit soulevée puisqu’il ne s’agit plus de frappes menées par avions pour paralyser l’artillerie, l’aviation et la logistique militaire lybienne mais de tirs en combat direct. Il semblerait en outre que des troupes occidentales opèrent au sol parmi les insurgés, ce qui n’est cependant pas confirmé et demeure sujet à caution. Un certain nombre d’éléments vont pourtant dans le sens de cette affirmation. Eric Dénécé, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, considère que les insurgés étaient incapables de remporter la victoire à eux seuls, même appuyés par les frappes aériennes de l’0TAN. Un porte-parole du CNT a d’ailleurs reconnu que l’0TAN était « aussi impliquée » dans la prise de Tripoli par les rebelles. L’Alliance dément mais reconnaît avoir envoyé sur le terrain des conseillers militaires qui ont instruit, encadré et entraîné les insurgés. Des agents infiltrés seraient également présents en Libye. Cela est démenti par l’0TAN, mais les médias anglais ont dès la fin-Février fait état d’interventions de troupes des unités des forces spéciales SAS (Special Air Service) pour exfiltrer des employés de compagnies pétrolières situées dans le Sud. Les spéculations allaient alors bon train sur leur rôle exact. Le Guardian révèle en outre le 23 Août que d’anciens membres du SAS, « maintenant employés par des sociétés privées », agiraient en Libye pour le compte de l’0TAN. « Je peux vous dire, selon mes sources, qu’il y avait en Libye des agents infiltrés français, britanniques, américains, égyptiens, émiratis et peut-être même italiens », assure Eric Dénécé. « Parmi eux, il y avait des personnes des services secrets (français, britanniques et américains), des forces spéciales (anglais et américains), des sociétés privées, et des volontaires étrangers ». Le Guardian, sans le confirmer, pense savoir que la France, le Qatar et la Jordanie ont en effet envoyé des agents infiltrés. Le New-York Times affirme de son côté que la France y a largement participé. Pour la plupart des experts, c’est un classique de l’action militaire. « Pour la bataille de Tripoli et le reste, les éléments infiltrés ont fait une bonne partie du travail. Pour la destination des cibles, pour l’accompagnement des unités rebelles et même pour des actions directes au front. Ces hommes ont parfois été envoyés par la Tunisie, sont allés à Zawyiah et ont encadré les hommes dans le Djebel Nefoussa pour les aider à reprendre Tripoli », explique Eric Dénécé. Le Canard enchaîné précise que les « avions et drônes US ont bénéficié, lors des leurs raids, d’une aide militaire américaine chargée de leur désigner des cibles depuis le sol libyen », information confirmée par le Guardian concernant les agents britanniques. Le quotidien assure également avoir des informations indiquant que les forces spéciales du SAS ont conseillé les rebelles de Misrata pour sécuriser leur port. « Politiquement, on va répéter et répéter qu’il n’y a pas eu d’intervention au sol », estime l’ancien conseiller à la Défense de Lionel Jospin, Louis Gautier, « mais d’un point de vue de la planification tactique, voir même des appuis techniques aux insurgés, c’est incontestable qu’il y en a eu. Forcément de manière discrète ». Rien ne semble en revanche indiquer que des troupes d’infanterie de l’0TAN aient participé de manière directe aux combats au sol. L’on ne se dirige donc pas, pour l’instant, vers une occupation militaire occidentale de la Libye. Mais les services de renseignement occidentaux sont bien implantés et les rebelles du CNT paraissent leur faire plutôt bon accueil ce qui pourrait ouvrir la voie à une certaine ingérence.
De toute façon, il est clair que l’0TAN a cherché à évincer Kadhafi, ce qui n’entrait pas dans son mandat, comme lorsque fut menée la guerre en Irak sous le prétexte de stopper la fabrication d’armes de destruction massive (dont on n’a jamais trouvé aucune trace) et éventuellement d’arrêter quelques terroristes, guerre qui fut finalement menée jusqu’à l’arrestation et l’exécution de Sadam Hussein rediffusée sur toutes les chaînes du monde, et suivie d’une longue et pesante occupation américaine. Alors, oui, le droit international a été violé. Mais qu’en est-il de l’éthique, et par delà le droit positif déterminé par notre Histoire et nos cultures, du droit universel qui doit garantir à tout homme la possibilité de vivre en autonomie ? Considérant que la Libye n’était pas une démocratie souveraine mais que sa population vivait sous la tyrannie d’un despote et a demandé un soutien lorsque ce dernier menaçait d’écraser la rébellion (les groupes rebelles ont majoritairement demandé l’appui de la communauté internationale), si nous reconnaissons les rebelles comme représentants légitimes de la population libyenne, plutôt que Kadhafi, cette conclusion d’une violation du droit se maintient-elle ? Les Irakiens ne nous avaient rien demandé. Ici, ceux que nous reconnaissons comme la seule autorité légitime en Libye – le peuple libyen – nous ont appelé à l’aide. D’un point de vue éthique, pouvions-nous refuser ? Certes l’0TAN a dépassé son mandat en cherchant à se débarrasser de Kadhafi, et la principale raison est qu’il avait intérêt à le faire. Allons-nous nous en plaindre ? Certainement pas, car personne ne regrettera ce vieux Mouammar. L’avenir nous dira si les Libyens apprécieront. Il y a fort à parier que cette appréciation sera directement conditionnée par le degré d’ingérence ultérieure de l’0ccident dans les affaires libyennes.
Un dernier argument se fait entendre, relayé par de nombreux sites, blogs et sur les réseaux sociaux, argument tenu par des personnes qui se congratulent mutuellement de « relayer l’information que ne diffusent pas les médias mainstream ». Il s’agit des massacres prétendument commis par les forces de l’0TAN, essentiellement par des bombardements de cibles civiles. Disons-le tout net : il s’agit d’une duperie sans fondement : les seules sources de telles « informations » sont la télévision officielle libyenne et quelques « journalistes » autoproclamés qui n’apportent aucune preuve pour étayer leurs propos. Ainsi du bombardement d’un hôpital qui aurait fait cinquante morts parmi des enfants, relayé par toute la communauté sur Internet et dont la première source est le journal télévisé libyen, organe de propagande s’il en est, lequel montrait les images d’un bâtiment en ruine (sans qu’on puisse dire de quel bâtiment il s’agissait ni qui l’avait détruit) et d’un unique enfant légèrement blessé, on ne sait comment ni pourquoi ni par qui. L’on entend tous les jours que l’0TAN a tué ici cinquante familles, là 5000 civils, puis encore 500 enfants… sans jamais aucune preuve pour étayer de tels propos et alors que les sources de la rumeur sont presque toujours des proches du régime de Kadhafi. Reste que certains objectifs apparemment civils semblent bien avoir été bombardés, sans qu’il y ait de victime avérée (ce qui n’exclut pas qu’il y en ait eu, ce que devra déterminer une enquête si des éléments de preuve sont avancés). Reste à savoir ce qu’étaient véritablement ces cibles : nous n’en savons rien. Pour autant que l’on sache et connaissant la propension de Kadhafi au camouflage et au mensonge éhonté (ce en quoi il ne dépareille pas la classe politique internationale), ces cibles pourraient aussi bien être des bâtiments stratégiques camouflés. A l’heure qu’il est, rien n’autorise d’affirmer que l’0TAN « massacre la population civile » libyenne, ni qu’il « arme des groupes terroristes ». Toutefois, la vigilance doit être de mise quant à d’éventuelles implications de nos armées dans des bombardements de cibles civiles et à l’implication de terroristes islamistes dans le mouvement insurrectionnel, dont on a vu qu’il était pluriel. Mais que ceux qui affirment que l’0TAN se rendrait en Libye coupable du massacre d’une population avancent quelque preuve pour étayer leur propos.
Il est certain que nous devons émettre des réserves sur la forme prise par l’opération, sans pour autant perdre de vue notre devoir moral vis à vis des insurgés. Nous avions le devoir de répondre à l’appel des insurgés. Nous savons également que l’0TAN a profité de cette occasion pour se débarrasser de Kadhafi, et l’on peut s’attendre à ce que les États membres de l’Alliance cherchent à s’approprier tout ce qu’ils pourront des ressources et de la souveraineté, notamment économique, de la Libye. La vigilance s’impose donc quant à la suite des événements, sans remettre en question la nécessité de l’intervention elle-même d’un point de vue éthique. Il fallait soutenir la révolution ; Kadhafi devait partir ainsi que l’exigeait le peuple de Libye.
Des critiques sur la forme : le risque d’une dépossession de la révolution pour les Libyens
L’0TAN a pris la main. Il me semble que dans le cadre d’une opération du maintien de la paix, ce devrait être aux casques bleus d’intervenir, ou si l’on considère qu’il s’agit de soutenir un peuple en lutte contre son oppresseur, à la Ligue Arabe avec le soutien logistique de ses alliés occidentaux, mais le commandement des opérations n’aurait pas du revenir à l’0TAN, force impérialiste motivée essentiellement par ses intérêts géopolitiques et économiques (faire main-basse sur le pétrole, se débarrasser de Kadhafi, remettre un pied au Maghreb) et qui prétend s’imposer (et y parvient par la puissance de son armée) comme le gendarme du monde. L’0TAN est clairement devenu la police de la planète – et c’était son ambition – imposée par les grandes puissances occidentales comme le bras armé de cet 0NU noyauté par son conseil de sécurité, ce cercle restreint de membres permanents qui sont les vieilles puissances de l’ancien monde bilatéral, ce qui est fort pratique pour les États de l’Alliance alors juges et parties dans les conflits au sein desquels ils possèdent des intérêts. L’0TAN et ses États membres sont des habitués des coups tordus qui ne font pas dans la dentelle et n’hésitent pas à s’ingérer parfois très violemment dans la politique d’autres nations. Mais ils étaient quasiment les seuls à être prêts à aller en Libye, et s’ils ne l’avaient fait la rébellion eût été écrasée dans l’œuf. Force est alors de reconnaître que si, sur la forme, des critiques peuvent porter, et si nous ne devons pas nous faire d’illusions sur ce qu’attendent les États membres de l’Alliance du peuple libyen, sur le fond la question est tranchée : il est préférable que l’Alliance Atlantique, pour laquelle nous n’avons aucune sympathie, ait soutenu les rebelles. Nous savons cependant qu’avec elle, c’est donnant-donnant, et surtout qu’elle donne le moins possible et exige le plus possible, voire l’impossible. Nous pouvons nous attendre à une forte ingérence de la part des États membres dans le processus de (re)construction de la Libye d’après Kadhafi. Cela est absolument inacceptable et devra être dénoncé : nous réaffirmons haut et fort que seul le peuple libyen est souverain en son pays. Toutefois, puisqu’il a appelé à l’aide et parce que mise à part la Ligue Arabe seul l’0TAN y a répondu, quelques soient ses motivations, nous ne pouvons que soutenir le principe de l’intervention militaire en Libye, tout en demeurant critiques sur les méthodes employées et les intentions réelles des intervenants. Si nous devions intervenir, c’est au nom de la solidarité, et la solidarité consiste certes en l’attention aux fragilités de l’autre, mais aussi au respect de ses compétences, préférences et choix. Cela implique une attitude hospitalière et non paternaliste, qui exclut toute visée impérialiste. Il s’agit d’entraide, ni plus ni moins. Nous avons une responsabilité morale envers les peuples opprimés, et cette responsabilité s’il nous engageait effectivement à soutenir la rébellion et à protéger les civils, ne saurait être l’alibi de visée néo-colonialistes sans quoi elle serait dénaturée. Et cela, il faudra le rappeler aux États qui prétendront recevoir une contrepartie pour leur engagement ou profiter du pied mis en travers de la porte pour l’ouvrir en grand aux colons contemporains.
Le prix de l’intervention risque fort d’être bien cher payé par les libyens. Ceci étant dit, souvenons-nous qu’auparavant ils n’avaient rien, puisque celui qui ne possède pas son autonomie ne possède rien de lui-même.
Déni et propagandes : la guerre médiatique ou la rébellion entre front impérialiste, fidèles kadhafistes et espoir d’une difficile autonomie
S’appuyant sur quelques faits probables, certains se permettent de raconter n’importe quoi. L’on nous montre quelques ruines et l’on affirme sans le justifier que l’0TAN a bombardé ce bâtiment, qui était un hôpital et dans lequel se trouvaient cent, que dis-je mille bébés cancéreux ! Les sites conspirationnistes donnent dans la surenchère victimaire. La plupart du temps, l’on se contente de relayer la propagande officielle libyenne en se félicitant de ne pas relayer celle des télévisions institutionnelles de son propre pays. Pourtant, faut-il le rappeler : si ce n’est pas parce que ça passe sur TF1 que c’est vrai, ce n’est pas plus vrai parce que cela n’y passe pas ? Récuser les médias mainstream a-t-il encore un intérêt si c’est pour s’aliéner à la propagande d’autres gourous ?
De leur côté et comme à leur habitude, les médias institutionnels occidentaux ne font pas mieux, reprenant sans les vérifier les annonces du CNT et les documents transmis par l’0TAN. Il y a quelques jours, ils retransmettaient la « vraie fausse » (ou pas) chute de Tripoli, ce qui pourrait être en fait des images tournées par les rebelles dans un studio au Qatar comme l’aurait finalement avoué Moustapha Abdeljalil, du CNT… par téléphone, en mauvaise qualité sur la télévision officielle libyenne ! Difficile d’être certain de la véracité de ces aveux ! Une analyse comparative d’images prises à Tripoli de la place Bab Alaziziya et de celles diffusées par Al-Jazeera et reprises par les médias occidentaux ne permet pas de lever le doute : l’on y observe des différences significatives, qui pourraient toutefois être liées au décalage temporel entre les prises de vue (l’on ne sait de quand datent la plupart des photographies de Bab Alaziziya que l’on trouve sur les sites dénonçant la « supercherie »), alors que d’autres détails comme les traces de dégradation d’un mur sont rigoureusement similaires. Un détail troublant toutefois : des images de la BBC et d’Al-Jazeera prises pour les premières en Mars 2011, pour les secondes en Août 2011 et montrant le même avion… d’abord avec un drapeau américain peint sur son flanc, ensuite sans le drapeau. Celui-ci aurait pu être effacé entre-temps, mais le doute plane. Qu’importe, puisque Tripoli est finalement tombée, ce jour là ou les suivants, néanmoins la crédibilité des médias, institutionnels comme conspirationnistes ou « alternatifs », s’en trouve une nouvelle fois ébranlée. Aujourd’hui, ce sont des milliers de « libyens » que l’on voit dans les rues de « Tripoli » soutenir la révolution en agitant des drapeaux… indiens ! Images retransmises par la BBC et auxquelles il est pour le coup réellement difficile d’accorder foi. Comme souvent (l’on se souvient, exemple parmi tant d’autres, du fameux reportage de France 2 sur le prétendu suicide collectif de 147 collégiens japonais qui auraient avalés des poches de silicone… parce que la sortie de leur jeu vidéo était annoncée avec du retard ! « Reportage » qui reprenait sans vérification un canular posté sur le web.), ces médias diffusent les images, qu’ils reçoivent sans en vérifier l’authenticité et relaient ce qu’ils entendent sans s’assurer de la validité des propos tenus, se faisant les porte-parole de l’opération militaire occidentale.
Vidéo de la fausse manifestation à « Tripoli » :http://www.youtube.com/watch?v=R_-lzI8I0_0&feature=player_embedded
Les guerres contemporaines sont largement des guerres médiatiques. C’est propagande contre propagande, comme on a pu encore le constater lors de la séquestration de journalistes à l’hôtel Rixos de Tripoli…. par les soldats loyalistes selon les journalistes des médias institutionnels, et par les rebelles selon Thierry Meyssan et Mahdi Nazemroaya (qui étaient également sur place). Meyssan affirme que les soldats protégeaient les journalistes des rebelles et que certains des journalistes américains seraient en fait des espions de la CIA. Ces deux versions très dissemblables illustrent bien ce qu’écrivait il y a quelques jours le New-York Times à propos de la propagande bilatérale à laquelle se livrent rebelles et loyalistes : « les rebelles affirmaient avoir saisi plusieurs villes mais les perdaient quelques heures ou jours plus tard ; de leur côté, les forces loyales au colonel Kadhafi assuraient mardi contrôler Tripoli ». Pour le quotidien, les mensonges de Kadhafi s’expliquent par la nature autoritaire du régime : « En Libye, comme c’est généralement le cas pour les gouvernements autoritaires, les dirigeants sont habitués à dicter la manière dont les gens doivent penser […] peu importe que le mensonge paraisse extravagant ou manifestement bizarre (comme ce fut souvent le cas en Libye), il est souvent perçu comme la juste réalité par un public engourdi par l’isolation et l’oppression. […] Ce n’est donc pas surprenant que les rebelles qui combattent aujourd’hui le colonel Kadhafi agissent parfois comme lui, étant donné qu’il est le seul dirigeant qu’ils ont connu jusqu’à présent », et ce d’autant plus que les chefs du CNT sont pour certains issus de l’administration Kadhafi. Ce Kadhafi qui a accusé les rebelles de n’être constitués que de voyous adeptes de la violence et des drogues… quand le CNT dénonçait, lui aussi sans preuve, des « viols de masse de la part des troupes loyalistes utilisant des comprimés de Viagra ».
Face à cela, il s’agit de conserver un esprit critique en toute circonstance, de ne pas céder aux sirènes du manichéisme et de sa vision du monde binaire, de ne pas prendre pour argent comptant ce que l’on nous dit d’un côté comme de l’autre. Il nous faut encore porter haut et fort l’exigence de transparence, enjeu majeur de la guerre qui oppose les peuples à leurs dirigeants, qu’ils soient politiques ou économiques.
Demain..?
L’on ne peut qu’éprouver de la solidarité, mais aussi de l’inquiétude pour un peuple libyen écartelé entre Kadhafi, ses anciens bras droits aujourd’hui passés à la tête du CNT, les islamistes, et un 0TAN aux appétits démesurés. Les peuples occidentaux ont la responsabilité morale de peser de toutes leurs forces sur leurs dirigeants, non pour exiger l’arrêt du soutien aux insurgés libyens, mais pour veiller à ce que la souveraineté une fois Kadhafi éliminé (une bonne chose de faite !) soit bien restituée au peuple libyen qui en a été trop longtemps dépossédé et non à des ministres corrompus, à des intégristes réactionnaires ou, et cela serait pour nous autres occidentaux hautement inacceptable, à une tutelle américano-européenne. Les Libyens ont longtemps été privés de toute autonomie par le régime. Ils risquent malheureusement de ne pas gagner grand chose dans un avenir proche. Mais une chose demeure certaine : ils avaient encore moins à perdre. Et qui sait..?
Et pendant ce temps là, en Syrie ou dans ces ailleurs que l’on ne nous montre pas, l’on massacre en silence et nous n’y allons pas…
Très bon article, complet et bien documenté. Félicitations.
De l’expression factuelle à ta lucide interrogation conclusive, bien belle feuille.
Demain ?
– l’histoire en marche, qui n’a de cesse de nous interroger sur [i]nous-mêmes[/i] et le [i]vivre ensemble[/i], nous rappelle toujours combien, dans l’ordre de cette globalisation du monde – the economic world war -, les enjeux stratégiques et économiques pèsent dans la balance de l’émancipation des peuples et de leur souveraineté.
à suivre.
sourire
…
Une analyse tres pertinente; un style exemplaire! bravo!
Rare sont les français qui voient clair,sous la dictature de Sarkozy.
Félicitations pour l’auteur de cet article.
Y.Mérabet Journaliste indépendant de l’ASFIR
Merci beaucoup pour ces commentaires chaleureux ! Pour répondre à Sourire : oui, les enjeux stratégiques, géopolitiques et économiques pèsent bien lourds dans les luttes des peuples pour leur émancipation. Mais le peuple arabe est en train de nous montrer qu’ils ne sont pas tout et que les populations entendent désormais prendre leur destin en main. A nous, tous, de montrer qu’on peut peser plus lourds que les intérêts des puissants dans cette balance.
« auteurs tels Thierry Meyssan bien connus pour leurs élucubrations et le manque de fiabilité de leurs sources »
C’est ça le journalisme de Come4News?
Je crois que Thierry Meyssan n’a de leçon de journalisme à recevoir de personne, lui au moins est digne.
De toute façon les choses finissent toujours par se savoir.
11 septembre = démolition controlée
Evidemment les sites d’information étant souvent très attachés à la liberté d’expression, je ne serait pas étonné de voir mon commentaire supprimé.
J’ai lu un grand nombre d’articles de Meyssan. Je lui ai plutôt accordé crédit au départ. Que ce monsieur cite des sources fiables et vérifiables lorsqu’il avance des allégations tenues par lui seul et appuyées par aucune preuve, peut-être retrouvera-t-il ma confiance. La plupart du temps il s’appuie sur quelques vérités pour spéculer à tout va. Auteur donc à prendre avec des pincettes.
Les gourous du conspirationnisme ne sont pas plus fiables que ceux du système contre lequel ils prétendent se battre. Gardons l’esprit critique. Douer, oui, mais d’un côté comme de l’autre.
« douter, oui, mais d’un côté comme de l’autre ». Excusez la faute de frappe.
Quant à votre commentaire, je souhaite bien évidemment qu’il ne soit pas supprimé. Pour l’heure il est toujours là. Jouer le rôle de la victime à peine arrivé est une méthode de conviction quelque peu éculée.