Les récentes propositions de lois tendant à réformer la prescription des infractions de presse démontrent à la fois une nouvelle atteinte à la liberté d'expression mais elles ne sont surtout que des interventions très partielles afin d'éviter l'organisation d'un vrai débat sur la consistance de la liberté d'expression en France.
COMMENTAIRE D’ARRET :
Les dépôt de la proposition de loi n°423 devant le Sénat par une pluralité de sénateurs ainsi que d'une proposition n°1077 déposée par Mme Marie-Jo Zimmermann auprès de l'Assemblée Nationale illustrent la tentation du législateur de réformer le principe de la répression des infractions de presse.
La loi du 29 juillet 1881 est le symbole d'une véritable liberté de la presse. Elle se contente d'en réprimer les abus qui font l'objet d'une définition très précise et délimitée. Seules certaines formes d'abus considérées comme les plus grave sont donc réprimés. On parle d'abus à l'égard des personnes, les critiques excessives portant contre les produits et services, sauf celles atteignant indirectement la personne même de la victime, ne faisant l'objet que d'une responsabilité civile pour dénigrement.
Les infractions de presse sont définies d'une certaine manière. Ce qui est prohibé est le fait de porter, pour la première fois, à la connaissance du public un propos diffamatoire, injurieux, provoquant à la haine, faisant l'apologie d'un crime…
Or, la répression des infractions de presse est soumise à une procédure pénale particulière qui ne simplifie pas la répression. Et en particulier, les infractions de presse se périment 3 mois après la première publication. L'idée étant un droit à l'oubli passé ce délai.
La jurisprudence comme le législateur ont tenté de modifier cet état des choses. Et il est vrai que la doctrine juridique contemporaine a parfois tendance à critiquer ce régime spécial de faveur que l'on accorde à la liberté d'expression.
Mais il est également vrai que le sujet de la liberté d'expression est en France extrêmement délicat et que toute tentative d'en durcir le régime (au nom de la protection des victimes) apparaît comme un risque de retour à la censure et comme liberticide. Mais à l'inverse, le développement des nouvelles technologies rend semble-t-il inéluctable l'évolution de certains textes de lois. Tout simplement parce que si Internet permet le meilleur, il permet également le pire. Le législateur en est bien conscient qui, s'il tente de modifier progressivement cette loi ancienne, ne le fait que de manière timide, par petites touches noyées dans des textes de lois gigantesques.
On n'y gagne pas à réformer la loi de 1881 par petites touches. Il serait sans doute préférable de lever les démons et d'oser organiser un vaste débat sur ce que doit être la liberté d'expression. La multiplication des réformettes rend difficile la pratique juridique de ces textes de lois qui évoluent régulièrement. Mais surtout, on oublie sans doute un peu trop que l'un des buts de la loi pénale est, d'une manière toute pédagogique, d'indiquer ce qui est autorisé et ce qui est interdit. D'une manière claire et accessible à tous… On en est loin.
Enfin, ce grand débat est sans doute de plus en plus nécessaire à notre époque contemporaine où le juge national prend de plus en plus en compte les principes de droit européen. Or, le principe de liberté d'expression est apprécié plus souplement en droit européen qu'en droit français. Notre droit évoluera, il vaudrait mieux que nous puissions maîtriser cette évolution plutôt que la subir…