Laïque ou laïc, selon le Littré, est ce « qui n’est ni ecclésiastique, ni religieux ».
Le sens de ce mot a évolué au cours des siècles. Au début du XX ème siècle la laïcité signifiait la neutralité.
Il n’existe pas de définition de la laïcité. C’est un concept qui n’est pas univoque. Pour Ernest Renan (écrivan, philologue, historien – français – fin du XIXe siècle), c’est :
« L’Etat neutre entre les religions, tolérant pour tous les cultes et forçant l’Eglise à lui obéir sur ce point capital ».
Pour René Capitant (homme politique et juriste français – décédé en 1970) : c’est une « conception politique impliquant la séparation de la société civile et de la société religieuse, l’État n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Églises aucun pouvoir politique ».
Ce mot ne peut être traduit dans d’autres langues (sauf latines). C’est le synonyme de sécularisation. Mais par ce concept, on rejoint les interrogations de nombreux pays : Comment un état reconnaît-il et assure-t-il la liberté de conscience et la liberté de religion sur son territoire ?.
C’est un processus plus ou moins accompli dans la plupart des démocraties occidentales, plus ou moins achevé, mais qui a dû adopter des ajustements pragmatiques parfois importants pour maintenir la tolérance, à partir de valeurs parfois contradictoires.
La laïcité en France est avant tout pour les français la loi 1905
La loi du 9 décembre 1905 a défini le régime juridique des relations entre l’État et les cultes, sans référence explicite. La consécration constitutionnelle de ce principe est venue plus tard avec l’article 1er de la Constitution de 1946, puis l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, aux termes duquel « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». La notion de laïcité figure également, à propos de l’enseignement, dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel se réfère le préambule de la Constitution de 1958 :
« l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ».
Peu de concepts ont reçu des interprétations aussi diverses : chacun voit la laïcité à sa porte, jusqu’au refoulement du religieux.
Pour nombre de français, à notre époque, elle se résume à :
l’état ne doit pas intervenir dans les affaires religieuses, c’est une sphère qui relève du privé ;
le budget de l’état et des collectivités locales ne doit pas servir à financer des besoins liés aux religions.
Face aux nouvelles questions que suscite l’évolution de notre société, comme la place occupée par l’islam ou de façon plus générale un retour au religieux, on évoque tour à tour, la « nouvelle » laïcité, la laïcité « plurielle », « ouverte », « aménagée », « revisitée »…
C’est de fait un concept en constante évolution. Ce n’est pas une notion figée dans le temps. En un siècle, elle a subit de nombreux ajustements en fonction des attentes de notre société et des exigences de l’Etat de droit.
La portée du concept n’est pas non plus, cependant, susceptible de n’importe quelle interprétation.
Les règles applicables à l’exercice quotidien des cultes sont très largement le fruit d’une oeuvre jurisprudentielle dense pour l’interprétation des textes et l’application des grands principes qu’ils ont définis. D’où le rôle du Conseil d’Etat dans la définition de cette conception ouverte de la laïcité.
LES TROIS PRINCIPES DE LA LAICITE FRANCAISE :
Neutralité de l’Etat
Libertés religieuses
Respect du pluralisme.
NEUTRALITE : la neutralité à l’égard de toutes les opinions ou croyances, corollaire de l’égalité de traitement de l’usager du service public.
« Cesserait d’être neutre voire impartial l’État qui pourrait laisser à penser aux usagers du service public qu’il établit des distinctions, voire des préférences, selon les opinions religieuses » la jurisprudence s’oppose à une conception maximaliste de la neutralité. Le secteur de l’enseignement a fréquemment donné l’occasion au juge administratif de préciser les contours de cette obligation de neutralité.
LIBERTES RELIGIEUSES : Outre la loi de 1905, l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 impliquent le respect de la liberté de conscience. « Neutre et laïc, (l’État) ne saurait pratiquer la moindre discrimination à l’égard de tel ou tel mouvement religieux ni favoriser telle ou telle propagande qui pourrait nuire à l’un d’eux dans la mesure, bien entendu, où chacun respecte, dans sa manifestation sociale, les prescriptions étatiques de l’ordre public
RESPECT DU PLURALISME : la laïcité ne se résume pas à la neutralité de l’État, ni à la tolérance. Elle ne peut ignorer le fait religieux et implique l’égalité entre tous les cultes. Indissociable de la liberté de conscience et de la liberté religieuse, la laïcité doit permettre la diversité religieuse de la société, ce qui inclut la possibilité pour les différentes sensibilités religieuses ou non de cohabiter dans l’espace public, pour autant que ne se posent pas de problèmes d’ordre public. La religion n’est pas une affaire purement privée : l’exercice du culte peut être public et les manifestations religieuses en dehors des lieux de culte peuvent intervenir, sous réserve de l’ordre public. La liberté religieuse suppose la liberté pour chacun d’exprimer sa religion, celle de la pratiquer et,celle de l’abandonner.
Pour Jean Carbonnier (juriste – professeur de faclté -français 1908-2003)
« Notre droit public des cultes, dans la loi du
9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, ne
distingue pas entre les religions suivant leur importance, leur ancienneté, leur
contenu de dogmes ou d’observances. Pas davantage notre droit privé du fait
religieux n’a à distinguer entre elles : il doit enregistrer la présence d’une
religion dès qu’il constate qu’à l’élément subjectif qu’est la foi se réunit
l’élément objectif d’une communauté, si petite soit-elle. Formuler des distinguos
reviendrait à instaurer parmi nous – quoique avec d’autres conséquences
– la hiérarchie du XIXe siècle entre cultes reconnus et non reconnus…
Cette égalité d’honneurs, toutefois, doit avoir sa contrepartie dans une égale
soumission au droit commun ».
ADAPTATION DU PRINCIPE DE L’INTERDICTION DE SUVENTIONS PUBLIQUES :
Le principe de l’interdiction de subventions publiques aux cultes s’accompagne de mesures diverses qui en tempèrent la sévérité.
En vertu de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905, les associations cultuelles ne peuvent recevoir aucune subvention publique, directe ou indirecte. Ceci est cohérent avec la philosophie même de la loi de séparation : toute subvention publique pourrait en effet être regardée comme la reconnaissance officielle d’un culte, ce que précisément la loi exclut.
La jurisprudence administrative a eu l’occasion à diverses reprises de préciser, dans des cas d’espèce, la portée de l’interdiction de subvention.
Une subvention publique est illégale même si l’association en plus des activités cultuelles a également des activités sociales ou culturelles. Ont été jugées illégales la décision d’un conseil municipal accordant une subvention à, par exemple, la délibération du conseil municipal de Reims décidant de financer des installations nécessaires à la célébration d’une messe papale ; une subvention décidée par un conseil municipal en faveur d’un élève pour ses études au grand séminaire d’Angers ; la décision par laquelle la commission permanente de la Région des Pays de la Loire a versé une subvention à la Ville de Nantes pour financer une visite pontificale, etc.
Mais ces interdictions comportent des limites. Certaines mesures en compensent la sévérité. Tel est le cas pour des charges grevant la construction ou l’entretien des édifices cultuels. Ainsi en est-il de la possibilité pour l’État, les départements et les communes d’accorder une garantie d’emprunt pour la construction d’édifices religieux, de l’exonération de la taxe d’habitation applicable à ces édifices, de l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les édifices affectés au culte s’ils appartiennent à une personne publique ou à une association cultuelle, de la possibilité de mettre un terrain à la disposition d’une association, par bail emphytéotique, pour la construction d’un édifice cultuel, de la possibilité pour une association cultuelle de recevoir des collectivités publiques des fonds destinés à la réparation des édifices qui appartiennent à ces dernières.
[la loi Debré du 31 décembre 1959 a donné lieu à une abondante jurisprudence sur la question de savoir quels établissements scolaires peuvent être admis à conclure un contrat et à quelles conditions.
La notion de « besoin scolaire reconnu » pour les contrats d’association a également donné lieu à jurisprudence : l’enseignement privé n’a pas seulement pour rôle de suppléer le manque de places dans l’enseignement public, il répond à une demande des familles .]
Voici une partie exposée de la complexité du problème. Le manque de transparence dans l’octroi des subventions n’aide pas à la simplifier.
Le régime des lieux de culte manquerait de transparence. L’interdiction de subventions publiques favoriserait le recours à des montages financiers dont la compatibilité avec cette règle ne serait pas évidente.
(à suivre)
sources : rapport 2004 : lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/044000121/0000.pdf
La partie 2 de ce billet concerne « Les exceptions à la règle ».