L'affaire pourrait devenir emblématique: deux partis s'opposent au tribunal d'Epinal avec le même argument: la laïcité.

D'un côté "Fanny" (Yvette de son vrai prénom) Truchelut, ex-propriétaire d'un gîte vosgien, poursuivie pour discrimination envers une personne en raison de sa race, de son ethnie ou de ses origines, « refus de fourniture d'un bien ou d'un service pour motif ethnique, social ou religieux », et de l'autre Horia Demiati qui en août 2006, s'est vu refuser l'accès au gîte, sous motif qu'elle même et sa mère, ne souhaitaient pas ôter leurs voiles à la demande de la propriétaire. Le gîte avait été réservé sur internet, pour quatre jours.

"Je suis heurtée par le voile car je suis une femme et le voile est pour moi l'instrument de la soumission et de l'oppression de la femme", "Je lui ai demandé de retirer le voile dans les parties communes, partout où l'autre famille (ayant loué le gîte) était présente", a déclaré Mme Truchelut. "Le voile, je le mets où je veux", "Elle ne m'a jamais parlé de partie commune, et même si elle l'avait fait, je ne vois pas où aurait été l'obstacle" lui rétorque Horia Demiati.

De nombreux sites se déclarent pour Mme Truchelut, au nom de la laïcité, ou encore au nom du féminisme même si la plupart ont émis des regrets du fait de la présence à ses cotés de l'avocat de Philippe De Villiers qui donne une résonance un peu politique à cette affaire. Un procès coûte de l'argent, et si pour l'avocat, la question est réglée, pour les frais divers, la note serait déjà de 1000 euros.
Du côté de Horia Demati, les avocats du MRAP, de la LDH et de la Licra, tous partie civil, et du côté de Mme Truchelut, Me Varaut, avocat de Philippe de Villiers qui sans se porter parti civil, a mis à disposition son propre avocat, le débat fait rage, «Dans ce dossier, on se sert du masque de la laïcité pour défendre des idées d'exclusion et de discrimination», dénonce l'avocat de la Licra tandis qu'un autre partisan de Mlle Demiati y voit «un condensé d'ignorance et de racisme ordinaire», la prévenu répond «Je ne suis pas une cruche !» et son avocat la décrit comme progressiste et profondément laïque.
Mme Truchelut se défend de tout racisme, évoquant aussi des raisons plus personnelles devant la cour: " «Pour moi, le voile représente la soumission de la femme. J'ai été une enfant maltraitée, battue, opprimée. Je suis extrêmement sensible à tout ce qui tourne autour du droit des femmes". L'accusation de racisme qui est faite à la propriétaire de gîte peut sembler abusive: elle aurait fort bien pu réagir de la même façon envers une convertie originaire d'Europe.
Ce n'est plus le reproche d'un acte, c'est celui d'une pensée et il est difficile de prouver catégoriquement qu'une pensée est "mauvaise" ou simplement hostile pour motif racial. Le jugement ne sera rendu que mardi, et la prévenue risque six mois avec sursis.

La question soulevée par ce procès pourrait être plus vaste. A-t-on le droit à titre personnel de refuser une religion, non pas dans certaines valeurs humanistes, mais dans son expression?

La jeune femme voilée a tout de suite trouvé le soutien du MRAP, de la LICRA et de la LDH, il n'en a pas été de même pour Fanny Truchelut, qui a quand même reçu le soutien d'Anne Sugier, présidente de la Ligue du droit international des femmes, en tant que témoin.

Sur agoravox, un texte repris d’Anne Zelensky et Annie Sugier, la défend au nom de la laïcité et du droit des femmes.

Fanny Truchelut a fermé son gîte, et a déménagé, ayant mal supporté toutes ces accusations. Si le tribunal décidait de la condamner, cela pourrait représenter un précédent pour l'avenir, et admettre la présence plus marquée du port du voile dans la vie publique, avec le risque qu'il puisse être dans certains cas imposé, comme l'affirme Souad Sbai, d'origine marocaine elle-même, en Italie: "De nombreuses Marocaines sont contraintes de porter le voile parce que l'imam a dit à leur mari qu'il n'était pas un homme si sa femme s'y refusait. Elles restent analphabètes."