Quelques mots, juste quelques mots sur cette fameuse affaire qui secoue le monde politique comme le monde associatif, qui enflamme toute les conversations, qui fait crier au scandale : le fameux mariage annulé par la justice française et qui concernait deux personnes de confession musulmane. Chacun crie à l'ignominie, l'on évoque parfois le droit des femmes à disposer de leurs corps… Le garde des sceaux, qui pourtant a bien autre chose à se faire pardonner est mis à l'index, bien qu'en l'occurrence il ait parfaitement raison dans sa démarche : le jugement rendu est bien en accord avec la justice actuelle et porte sur le mensonge et l'aveu de l'épouse que la virginité importait dans la décision du marié…

Si tout le monde politique s'est insurgé au point d'envisager de changer les lois, si l'on a pu quasiment titrer que les droits des femmes sont menacés, qu'il faut être vierge au yeux de la justice pour épouser, ou encore que les lois françaises sont tout à fait médiévales, le jugement est tout autre si l'on en croit l'excellent blog de Maître Eolas.

Comme tout contrat, le contrat de mariage se base sur un accord commun entre deux parties, mais la loi ne spécifie pas ce qu'il en est exactement des accords pris, ces fameuses qualités essentielles : cela se passe entre les futurs mariés. Il se trouve dans cette affaire que la jeune femme a admis avoir menti sur sa propre situation auprès de son futur (ex à présent) mari. Elle a prétendu à tort être vierge, mentant sur son propre passé. C'est le mensonge sur elle-même que la justice a pris en compte, d'autant que la mariée était d'accord pour l'annulation du mariage et sur l'importance de la virginité dans l'accord.

Maître Eolas a eu la très bonne idée de donner des détails sur le cheminement finalement fort long de la procédure et de faire paraître des extraits du jugement rendu :

"- Attendu qu'en second lieu il importe de rappeler que l'erreur sur les qualités essentielles du conjoint suppose non seulement de démontrer que le demandeur a conclu le mariage sous l'empire d'une erreur objective, mais également qu'une telle erreur était déterminante de son consentement ;"

"Attendu qu'en l'occurrence, [l'épouse] acquiesçant à la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à sa virginité, il s'en déduit que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de [l'époux] au mariage projeté ; que dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande de nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint."

Le juge n'a donc pas procédé à l'annulation du mariage pour virginité, les offuscations n'ont donc pas vraiment lieu d'être. En revanche ce jugement pose une autre question : la jeune femme était-elle libre de dire ce qu'elle voulait? Dans le cas présent il semble bien que oui, mais si une autre affaire de ce type se présentait, en serait-il de même? Il se sait que la médecine refait de plus en plus d'hymens à des jeunes femmes, notamment musulmanes.
On regrettera que toute la presse se soit jeté comme un seul homme sur cette affaire, sans se renseigner plus loin. Cette situation prouve s'il était besoin, que l'instantanéité de l'information, sa diffusion rapide, les différentes sensibilité, peuvent amener le lecteur ou le simple amateur d'information, à se renseigner de bonne foi et à être trompé sur la réalité de l'information. Cela s'est déjà produit  avec des journaux tout à fait sérieux qui reproduisaient une erreur sans forcément savoir.
 
S'agit-il d'islamophobie? Il ne faudrait pas non plus conclure trop vite que la presse s'est emparée de l'information par "phobie" de l'islam. Dans certains pays la non virginité d'une femme est une cause d'annulation de mariage, mais pas celle de l'homme, c'est aussi ce que ce jugement fait craindre ici : forcera-t-on les jeunes femmes non vierges le jour de leur mariage, a acquiescer à l'annulation réclamée par la famille de l'époux et par l'époux lui-même? C'est sans doute la seule question valable dans ce contexte, puisqu'une jeune femme non vierge peut représenter le déshonneur de la famille selon certaines traditions. Mais il n'est pas sûr non plus qu'un procès un peu similaire aboutirait à la même conclusion.