La « grotte rose » de Dargilan, en Lozère.

Une concentration particulière d’oxyde de fer et de matières organiques donnant aux concrétions et aux nombreuses draperies roses qui la recouvrent, des teintes très variées, lui attribuant ainsi beaucoup de charme, la grotte de Dargilan, du nom du hameau voisin, se situe à 7 kilomètres à l’Ouest-Nord-Ouest de Meyrueis. Elle s’ouvre à 860 mètres d’altitude, dans la grande falaise dolomitique du Causse Noir, sur une terrasse, en surplomb de la rive gauche de la Jonte.

Cette caverne à deux étages, entre Gorges de la Jonte et Gorges du Tarn, était totalement ignorée quand, incidemment, vers la fin de l’automne de l’an 1880, elle fut découverte par un jeune berger, commis à la garde du troupeau de l’une des fermes voisines, répondant au nom de Sahuquet.


La légende de la découverte de la « grotte rose » de Dargilan.


Le légende dit qu’un jour le jeune pâtre aperçut un renard pénétrer dans une étroiture de la roche et disparaître de sa vue. Mais comme tout caussenard, chasseur d’instinct dans l’âme, il s’était mis en devoir de capturer maître goupil, un canidé malin, retors, roublard et rusé. Après plusieurs heures d’un travail long et fastidieux, la fissure allait s’élargissant.

Le déblayage auquel il s’astreignait, lui permit, enfin, de se glisser par l’ouverture qu’il avait, avec la patience, la ténacité et l’obstination qui sublimaient sa volonté juvénile, ainsi agrandie. Après quelques pas à peine, il se trouva dans l’antre de la grotte, au seuil de la première salle.

L’univers qui s’offrit à lui était tout autant fascinant qu’effrayant. Passé le seuil, il s’était trouvé dans une immense salle, au sol encombré d’un chaos de roches entrelacées et difficilement praticable, où scintillaient de nombreuses stalagmites et fistuleuses de toutes tailles qu’il avait pris, précise la légende, pour des fantômes. La résonance de sa voix, dans l’immense nef obscure, l’avait glacé de peur. Paniqué, se découvrant dans les entrailles de Satan et craignant d’y perdre son âme, il avait fui.
Une seconde légende reprenant le même thème du jeune berger à la poursuite d’un renard et, ainsi, découvrant accidentellement la grotte, précise que le pastouret raconta son incroyable histoire à des godelureaux des environs. Excités à l’idée de vivre un événement exceptionnel et rare, ceux-ci parvinrent à convaincre le jeunot de les y mener. Tous se rendirent donc, sous sa conduite, à la grotte mais, ayant investi les lieux, la peur nouant leurs entrailles, ils n’osèrent réellement s’y aventurer.

La première exploration, digne de ce nom, de la grotte de Dargilan.

C’est en 1884, qu’Édouard Alfred Martel, un jeune homme de 25 ans arborant une courte barbe sombre et développant un goût passionné pour la géographie et le domaine souterrain, décida de visiter la grotte de Dargilan. Il en vit la première grande salle, la salle du chaos, où il y reconnut l’existence de cinq puits profonds. Mais ce n’est qu’en 1888, une année marquante pour la spéléologie mondiale, la même année où il explora l’abîme de Bramabiau, dans le Gard, qu’il en leva, quatre jours durant, les données topographiques.
Lors de son expédition découverte, Édouard Alfred, accompagné par son équipe, disposait de matériel rudimentaire : minces cordages pour s’assurer et simples bougies pour s’éclairer. En outre, le sol de la grotte et de ses boyaux était plus difficilement praticable qu’ils ne l’est de nos jours, d’où les difficultés d’exploration et d’investigations sur plus de 1.200 mètres de dédales caverneux explorés.

Et, propre aux inventeurs(1) de baptiser les sites, par eux, découverts, bien qu’une éponymie puisse paraître évidente, un lieu dit « Lou Darzillan » étant existant sur le terrier seigneurial de 1688, commune de Meyrueis en Lozère, l’aven fut dénommé « Dargilan » par le fait qu’il se localise sur le territoire, à moins de 600 mètres, de la ferme-hameau de même nom.

L’électricité, installée en 1910, permit d’accueillir les premiers visiteurs, dans ce labyrinthe souterrain aménagé dès 1890. Et, depuis 1982, grâce aux travaux entrepris par la société d’exploitation des Gorges du Tarn, muée aujourd’hui en Société Anonyme de Dargilan, Dargilan est l’une des grottes les mieux aménagées pour la visite.

La « grotte rose » de Dargilan.

La Grotte de Dargilan captive par ses dimensions impressionnantes, solennelles, déroutantes et stupéfiantes et par la multiplicité de ses agrégats, de ses pétrifications et de ses concrétions aux couleurs et aux patines naturelles baignées d’une palette safranée d’ocres, de jaunes et de roses.
Tout au long de ses 1.200 mètres de galeries, toutes en circonvolutions et méandres, s’enfonçant, s’insinuant et s’effilochant à 120 mètres de profondeur sous le plateau karstique du Causse Noir, la diversité ravit et enthousiasme les visiteurs.

Si le chaland ne retenait que l’insignifiante étroiture qui permit au jeune berger de pénétrer dans les entrailles dolomitiques jurassiques et de violer leur clandestinité et leur mystère, il outragerait la magnificence d’une cathédrale de pierre façonnée, sans relâche depuis de centaines de millénaires, par l’eau infatigable besogneuse silencieuse.

Les premiers pas posés mènent directement à une imposante basilique pétrée, 142 mètres de long, 50 de large et 25 de haut,
la Salle du Chaos, où, diaprant un effondrement conséquent de roches entrelacées et répondant aux clignements engourmandis de fistuleuses et de stalactites dévalant, en ressaut, de la voûte, scintillent une myriade de stalagmites de toutes tailles.

Passée la salle immense de l’entrée et s’engageant dans le lit d’une rivière asséchée, les colonnes, les cascades pétrifiées, la Mosquée, les draperies, les stalactites, les fistuleuses, les orgues calcaires et les coulées de calcite, ciselées et nacrées par un essaim de petits lacs, se succèdent, pour l’émerveillement et la béatitude du regard et des yeux, sans interruption, jusqu’à la sortie, magnifique débouchant sur le panorama grandiose des gorges de la Jonte.

Notes.

(1) En archéologie et en spéléologie, quelqu’un qui découvre un site ou un objet important n’est pas nommé découvreursouvent utilisé faussement à la place – mais inventeur

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