La « gôche » qui vote pour la Marine…

Vous avez lu Rue89 et d’autres qui ne cessent de s’entretenir avec des électrices et électeurs du Front national (ou plutôt de Marine Le Pen) ? C’est mode. « Tu es le premier et sans doute le dernier à qui je le dis : je vais voter Marine Le Pen dès le premier tour ». J’ai juré de ne rien répéter à personne de ce qu’elle a pu me dire. Raté. Encore un « gaucho » qui ne tient pas ses promesses, vote pour Maastricht et pour Chirac ? Non, ce n’est pas mon cas, enfin, pour Maastricht et Chirac. N’empêche, j’étais assis. C’est un coup à se casser le col du fémur… Tenez vous bien, accrochez-vous, je la comprends à demi. 

Zabou (appelons-là ainsi), je t’ai vue, et je te montre du doigt, tralala… Nan, pas toi…
Si ? Tu vas vraiment… Ok, comme moi, tu étais prête à voter pour Marine Le Pen, si elle arrivait au second tour, derrière ou devant Sarkozy. Quitte à voter Poutou, Mélenchon, je ne sais qui, même Dupont-Gnangnan ou je ne sais qui, d’abord. Tout sauf Sarkozy… Mais dès le premier ? Bon, Zabou plaisantait ? Nan, même pas…

Elle n’est pas très politisée, Zabou, plutôt très bien informée, documentée, et elle n’exclut pas que Marine Le Pen ne puisse obtenir ses 500 signatures. Pas vraiment xénophobe non plus. Une carrière à l’international, des amis de tous les continents, &c., et vivant très harmonieusement pendant très longtemps dans un quartier multicolore, sympa, et tout cela… Pas non plus souverainiste vraiment, mais elle n’ignore rien des thèses de Chevènement.

« C’est l’après-coup du traité de Maastricht, tu sais… ». Elle avait voté non, elle a vu ce que la gauche PS et la droite UMP en ont fait.
Pourquoi donc la Marine ?
« Pour les emm… ». Aussi simple que cela.

Et le summum du rejet, pour elle, c’est de donner toutes ses chances à Marine Le Pen dès le premier tour. En espérant un correctif drastique aux législatives ? « On verra… ».

En fait, elle verrait fort bien Hollande-Le Pen au second tour, et elle estime que voter direct pour Marine, c’est le plus efficace. Son raisonnement est qu’il y aura suffisamment de votes pour Hollande de toute façon, sans elle. Bon, la discussion a tourné court, je n’aime pas mélanger les genres et j’étais hors service. Pour elle, la pourriture affairiste à la Pasqua, basta. Tel quel. Elle la croit sincère, la Marine ? Oui. Pas comme son père qui n’avait aucune envie de se faire élire si ce n’était à la chambre et préférait battre les estrades. Elle est cette fois persuadée que Marine est là pour rester, et faire du travail au moins législatif. Mais au fond, elle s’en contrefiche. Trop déçue par le PS, elle en veut encore davantage à Sarkozy. Alors, hein, quoi !

Tout cela pour vous dire que la diabolisation du FN et de Marine Le Pen, mode Julien Dray ou Harlem Désir (qui lui est vaguement sympathique, à Zabou), cela ne passe plus. Y compris auprès d’un électorat informé, assez lucide. C’est la seconde fois que cela m’arrive. La première, c’était un ex-officier de la Royale. Pas vraiment de droite du tout. Le « tous dehors » de Mélenchon ne le convainc pas trop. Donc…

Ah bien sûr, deux entretiens non-directifs ne valent pas sondage. Je le concède très volontiers. Mais quand même… l’habitude commence la seconde fois. Eva Joly ? Elle m’a mentionné je ne sais plus quelle mission à l’étranger où Joly s’était montrée assez complaisante avec le pouvoir. Je ne prenais pas de notes, je ne vais même pas aller fouiller les archives pour vérifier. Peu importe, son opinion est faite, Marine est la mieux à même de flanquer une dérouillée à l’UMP. Je ne m’y attendais guère, et c’est peu dire. Mais je m’attends à ce qu’une ou un troisième, à l’approche du scrutin, me développe à peu près la même chose. Assez cocassement, un copain commun, plutôt droite-sociale, serait prêt, lui, à voter direct Hollande. Pour les mêmes raisons : virer Sarkozy. Efficacité d’abord.

Imaginez que toutes celles et ceux plus d’une fois tentés par le vote blanc massif se prennent, pour les mêmes raisons, à voter Le Pen. Je m’attends à tout. Avec l’idée que beaucoup pensent que le pire, Sarkozy, est de toute façon derrière nous. Cela fera-t-il réfléchir un Brutus-Juppé ?
Ne croyez pas cependant que le discours social du FN a pris. Certes, marginalement. Pour les allocations familiales, par exemple. Trop proche des cathos pour y toucher, la Marine, pense-t-on. Mais dépouiller Paul le banquier pour habiller Pierre le prolo, vous y croyez vraiment ? J’ai comme encore de sérieux doutes. Mais qu’importe, l’anti-Sarko, y compris aux marges de la gauche, ce serait elle, Marine, par excellence ? On verra.

Ce qui me semble probable, mais quand même incertain, c’est que si le FN ne recueillait pas ses signatures, le nihilisme risque de guetter pas mal de gens. Pas franchement gouvernable, gérable, tout cela. Là, je pense que Zabou ne se sentira pas trop trahie. Peut-être même qu’en son for intérieur, elle n’est pas trop fâchée que j’ai trahi sa confiance. D’autant que, le moment venu, finalement, elle ira peut-être à la pêche à la ligne, ou aux puces. Pour le moment, j’ai dû lui faire répéter au moins trois fois. « Si, sans rire, Ma-ri-ne. ». Je préfère en sourire…

Tiens, je n’ai pas encore lu le Marianne de ce samedi. Je ne serais pas surpris d’y trouver une autre Zabou… Valérie Rosso-Debord (lointaine cousine de Guy Debord), a estimé sur RCJ qu’il fallait que l’UMP fasse bien comprendre que «  toute personne qui est de sensibilité de droite républicaine intègre bien que voter Marine Le Pen au 1er tour, c’est voter, quelque part, pour François Hollande… ». Ben alors… Zabou, tout est pardonné !