A quelques jours du sommet de Bucarest, où les membres de l’Otan décideront du renforcement de leur contingent en Afghanistan, personne ne s’est encore porté volontaire pour assumer la courageuse, mais dangereuse responsabilité d’occuper la province de Kandahar, renforçant les troupes déjà présentes sur le terrain. L’interminable ballet diplomatique au sein de l’OTAN augure d’un mauvais présage, mettant la vie des soldats de l’alliance en danger, mais aussi la survie de l’alliance elle-même. 

Le général John Craddock,  commandant en chef des forces de l’Otan, n’a pas caché sa déception, mais surtout son appréhension face à la suite des choses : « L’Afghanistan et la Force internationale d’assistance et de sécurité (Isaf) de l’Otan sont à un tournant critique» a-t-il déclaré, mardi dernier, devant le comité des Affaires étrangères du Sénat. 

Tandis que tous les yeux sont tournés vers la France, cette dernière se laisse désirer ; quant à l’Allemagne, le désistement est déjà assuré. L’Union européenne de Sarkozy et Merkel peut-elle avoir une quelconque autorité à l’intérieur des décisions de l’OTAN, si ni l’un ni l’autre n’ose s’impliquer quand cela est nécessaire ? Au-delà du rêve des alliances et autres unions européennes ou méditerranéennes, encore faut-il que cela serve à autre chose que d’organiser de pontifiantes rencontres, où rires et champagne fusent à profusion. Paris et Berlin vivent le rendez-vous raté avec leurs ambitions de s’imposer en décideurs sur la scène internationale.

Éluder le discours sur la guerre en Afghanistan faisait peut-être parti du plan du gouvernement Sarkozy, question de ne pas affoler l’électorat lors des municipales et d’avoir à en tirer les douloureuses conséquences. Mais qu’en est-il de ses engagements envers ses partenaires internationaux ? « Le président Sarkozy examine les options dont il dispose et nous travaillons avec les Français» a souligné le secrétaire d’Etat adjoint des Affaires européennes Daniel Fried.  Si cela semble suffire aux Etats-Unis, qui ont salué  «l’engagement à long terme» en Afghanistan annoncé par la France, cela ne semble guère réjouir le Canada, qui a réitéré sa menace de se retirer d’Afghanistan si des renforts ne lui sont pas envoyés dans le sud, à Kandahar. Actuellement, les garnisons de l’OTAN se regroupent massivement dans l’Est et le Nord du pays, soit des régions beaucoup plus tranquilles et sécuritaires, laissant la population du sud à la merci des talibans. A cet égard, le parlement d’Ottawa a autorisé,  ce jeudi, une prolongation de la mission canadienne en Afghanistan, mais sous la condition d’obtenir de l’équipement militaire et 1000 soldats d’un autre pays membre de l’OTAN. Rien n’est donc assuré. Et selon le sénateur américain, Joseph Biden : « l’avenir de l’Otan est en jeu en Afghanistan autant que l’avenir de l’Afghanistan lui-même. »

 

femme_darfour.jpgL’OTAN n’est-elle devenue qu’un apparat ? Une police mondiale défroquée, qui par peur d’afficher ses ratés à la face du monde, choisit aujourd’hui les défis qu’elle veut bien relever?  En effet, après ses déboires dans les Balkans; provoqués par un bombardement inutile du Kosovo en 1999, l’OTAN a laissé derrière elle une région en ruine et au bord de la catastrophe humanitaire. Puis il y a eut sa scandaleuse inaction au Darfour, en Afrique, déchirée par la guerre. Certains diplomates et observateurs du conflit israélo-palestinien, ayant depuis longtemps perdu confiance en la légitimité de l’ONU, fondent d’ailleurs beaucoup d’attentes sur l’OTAN pour devenir le nouveau gendarme en Palestine, mais ils risquent encore d’être bien déçus…  

Le fait est qu’au sein même de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, trop de membres, formant pourtant la colonne vertébrale de ce groupe,  préfèrent l’acondieice.jpgbstention à l’action. C’est le cas de l’Allemagne, qui depuis le temps de la RFA, s’est vue affublée l’épithète  de «naine politique». Encore une enfant dans une ligue d’adultes, elle ne sait trop comment s’imposer; «Pardonner la Russie […] et ignorer l’Allemagne » tels étaient les mots de  Condoleezza Rice à l’égard de l’outre-Rhin en 2003. Pas étonnant que l’Allemagne n’ait toujours pas de siège permanent au conseil de sécurité de l’ONU ;  puisqu’un tel privilège vient avec des responsabilités. Et pour cause, la chancelière Merkel déclarait, en octobre dernier, être prête «à assumer plus de responsabilité en acceptant un siège permanent au Conseil de sécurité ». L’Afghanistan était pour elle l’occasion d’en faire la démonstration, mais devant l’ampleur de la mission, elle préféra se mettre la tête dans le sable et passer son tour…  

 

 

Le sommet de Bucarest qui se tiendra du 2 au 4 avril sera donc le moment de vérité. Non seulement pour le peuple afghan, dont le sort repose sur les décisions de nos gouvernements, mais aussi sera fatidique pour plusieurs pays dont l’autorité au sein de cette communauté internationale ne pourra être bafouée par de pusillanimes décisions. N’en déplaise à certains, peut-on s’exonérer, en tant que pays riches et puissants, de nos responsabilités de protection et de défense envers les pays faibles, proies des terroristes qui y trouvent refuges ? J’ose espérer que non ; autrement quelle belle bande d’égoïstes nous serions…