Au XIXe siècle, la question familiale se structure à partir d'une interrogation plus générale sur le lien social. Il s'agit de penser l'ordre et la cohésion sociale dans le contexte de changement qui affecte la société libérale, industrielle et démocratique. La famille est définie comme une institution, c'est-à-dire qu'elle constitue une forme établie et durable de pratiques et de normes sociales. Les sociologues de l'poque se rejoingnent pour souligner son historicité et sa variabilité. La famille évolue dans le temps et dans l'espace, elle est indissociable du contexte social dans lequel elle s'inscrit. Durkheim s'attache à décrire, dans La Famille conjugale (1892), les caractères de la famille contemporaine "tels qu'ils sont dégagés d'une longue évolution pour se fixer dans notre code civil". Le changement social est là encore étudié à partir du droit. Pour Durkheim, en effet, le code civil permet de saisir les transformations du lien social puisqu'il est l'aboutissement de mutations familiales déjà avérées. La sociologie de la famille se développe au XXe comme au XIXe siècle à partir du sentiment d'une rupture du lien familial et social. La famille s'impose comme objet d'étude lorsqu'elle peut être perçue comme une institution en "crise". A partir de 1965, la question familiale revient dans les débats. Le contexte est particulier : l'augmentation du chômage, le recul des emplois stables, le développement du travail précaire font craindre une néo-paupérisation de la société. Or cette nouvelle pauvreté est pécisement pensée en relation avec les restructurations familiales et le développement de phénomènes d'isolement. Dans ce nouveau contexte, la famille constitue-t-elle à intégrer les individus à la société?

Le recul de la fécondité est le premier facteur qui explique le retour de la question familiale sur le devant de la scène. L'indice conjoncturel de fécondité est estimé à 1,45 enfant par femme en moyenne européenne contre 2,72 en 1965. Dans de nombreux pays européens, le seuil de remplacement des générations (2,1 enfants par femme) n'est plus atteint. Ces données démographiques ont un retentissement particulier en France, où l'inquiétude populationniste est réccurente. Depuis la fin du XIXe siècle, l'expertise médicale regroupait sous la catégorie de familles "incomplètes" ou "dissociées" un ensemble hétéroclite constitué d'orphelins, d'enfants abandonnés, d'enfants naturels, d'enfants ne vivant pas chez leurs parents, d'enfants dont les parents sont séparés ou divorcés. La sociologie va tenter de rompre cette vision moralisante en inventant un nouveau vocabulaire pour rendre compte des transformations de la famille. Dans les années 1970, la catégorie des "familles monoparentales" apparaît, suivie dans les années 1980 par les "familles recomposées. Le désinvestissement de l'Etat favorise la redécouverte des vertus familiales. Le réseau des solidatirs privées pourrait en effet compenser le retrait des solidarités publiques. Cependant, à rebours de ce nouveau familialisme, il faut souligner que la famille est loin de constituer un modème de solidarité sociale : elle n'est pas en mesure d'assurer une véritable péréquation des ressources et peut même contribuer à accentuer les inégalités sociales.

Le déclin du mariage et la fragilité du lien matrimonial peuvent être lus comme les indicateurs d'une fragilisation du lien familial. Dès lors, on peut se demander si les profonds changements qui affectent l'institution familiale ne remettent pas en cause sa fonction régulatrice. François de Singly met en évidence la fonction de soutien identitaire de la famille contemporaine : la famille trouve aujourd'hui sa justification si elle parvient à créer les conditions de l'épanouissement de chacun.