Au moment où vous lirez ce texte, j’aurai réintégré le monde du vacarme. Je quitte ma Drôme provençale, celle que je connais depuis toujours, les yeux fermés pour en avoir arpenté les alentours (combien de millions de fois ?).



La vallée du Jabron, que vous trouverez à l’entrée de Sisteron, est large au départ, puis se rétrécit, monte imperceptiblement et débouche sur mon village là où commence la première gorge. Cette vallée est une enclave qui nargue les Alpes de Haute-Provence.
Les claustrophobes, les mondains auront du mal à supporter cet endroit désertique qui porte à la rêverie et au bien-être : il n’y a rien! L’unique paysage, ce sont les montagnes. Rares sont ceux qui s’y sentent mal mais cela arrive et je conçois que l’horizon fuyant puisse les étouffer.

Le café-restaurant le plus près se trouve à 2,7 kilomètres. C’est "L’Etape", aux Omergues. Allez-y. Les jeunes propriétaires, Sylvie et Gaël, sont vraiment sympa et la maman de Sylvie, Rose, fait tous les vendredis en période estivale, un aïoli absolument excellent (réservez surtout). Vous le mangerez en terrasse, accompagnés par les piaillements qui crient famine (juste une impression) d’une horde de moineaux qui sont loin d’être craintifs.

Pour ceux qui ont l’odorat très sensible, cette région regorge de richesses odorantes telles que : la sarriette, le thym, la sauge, le genièvre, les pins aux senteurs si subtiles du sud, les tilleuls qui embaument quand le soleil commence à faire monter l’humidité du petit matin, l’hysope ancestrale, au bleu profond, et cette lavande qui se marie si bien avec les champs de blé et de sauge.

Beaucoup de randonnées à dos de cheval ou souvent d’ânes, dans ce pays de Giono. C’est beau pour nos cinq sens et surtout, pour l’âme des poètes, des fous de la Nature comme moi. C’est pour moi le seul endroit où le temps retrouve sa vraie valeur. Je m’explique : les heures s’écoulent sans l’impression de la rapidité du temps, normalement. Nous vivons au rythme du soleil, sans impératif, sans contrainte que nous nous imposons dans nos méga villes gérées par le stress et nos incessants "pas le temps!", "pas le temps"!
C’est une région où les automobilistes s’arrêtent pour laisser passer les piétons. Ce qui devrait être une chose normale, à force de ne pas être respectée, devient presque surréaliste parce que plus l’habitude et ceci, à cause de l’incivisme de ceux qui, du haut de leurs quatre roues, ne se soucient plus de ceux qui les entourent.
Chacun connaît son voisin dans ce genre de petit village, ce qui ne veut pas dire que parfois, ce dernier ne ressemble pas à "Clochemerle", souvent à la joie de tous.

Quand je suis là-bas, je suis ivre de liberté, je m’intériorise et je me libère en même temps de cette société qui nous brime et qui nous supprime ce confort moral et cet équilibre que nous procure la vie simple. Pas de radio, pas de télévision (hé oui, cela aussi paraît surréaliste!) et le soir, nous n’en avons nullement besoin. Nous les passons chez nous, sur la terrasse, à manger, à discuter et à rire de tout, de rien, de nous, des autres et surtout des absents qui ne nous manquent pas. La chaleur des soirées est apaisante. Même l’automne est d’un réconfort extraordinaire.

Je viens d’y passer 3 semaines à arpenter mes pinèdes avec pour seuls compagnons pendant mes ballades, quelques rapaces et le chant des grillons. Moments de solitude bénéfique, loin de la frénésie citadine, de la horde sauvage, cette danse effrénée d’un va et vient incessant que je vais, hélas, retrouver sous peu.
Cet endroit est un luxe qui m’est offert et j’en suis consciente. Le reste du temps, je ne vis que pour y retourner.

C’est mon havre de paix, ce bonheur profond qui me fait planer au-dessus de votre monde si gris. Qu’il existe encore de tels lieux dans notre pays relève de la magie!