Vendredi, 20h30 : je suis sur la route, et j’ai bien du mal à me sentir en week-end. Ce soir, j’ai été convoquée comme témoin à un Conseil de discipline dans le Lycée où je travaille.

Alors, on attend, une prof, un CPE et moi devant cette salle où l’avenir d’un jeune se joue.

Ca semble peut-être fort comme image, mais c’est bien le cas, pour ce jeune de 18 ans, à 2 mois du diplôme, qui risque non seulement la porte du Lycée, mais dans le même temps l’impossibilité de passer son examen, ainsi que des difficultés sociales, familiales et financières.

Le conseil de discipline se réunit sur demande d’un membre de la vie scolaire ou pédagogique, et sur décision du chef d’établissement. Un dossier est monté avec tout ce qui est reproché à l’élève. Puis, les membres du Conseil de discipline (membres élus au Conseil d’Administration comprenant des représentants des élèves, des parents d’élèves, des professeurs et de la vie scolaire) sont conviés par courrier recommandé avec Accusé de réception à leur domicile.

Ensuite, l’élève, sa famille ou son représentant, ainsi qu’un possible avocat sont conviés de la même façon.

Puis, en dernier lieux, sont invitées comme témoin différentes personnes connaissant la situation et pouvant éclairer le conseil.

L’élève arrive, je vais discuter un peu avec lui afin de voir son état d’esprit et de tenter de le rassurer. Ce n’est jamais simple, car dans ce cas, l’élève est un jeune majeur, sans famille, et bénéficiant d’aides sociales conditionnées à sa scolarité. Ce jeune risque gros, bien au-delà du purement scolaire.

Puis l’attente commence. Enfin la porte s’ouvre, et l’élève convoqué au précédent conseil de discipline sort en pleurs. D’autres personnes sortent de la salle, l’air dépité… une ambiance d’enterrement règne.

Le deuxième conseil de discipline commence. L’élève rentre dans la salle, blanc comme un linge…

De nouveau, on attend qu’on nous appelle à témoigner, un par un, pendant quelques minutes. Que dire pour l’aider, voilà la question qui me taraude. Il est reproché à ce jeune une déscolarisation depuis 2 mois, un stage obligatoire non fait, et des comportements pas toujours adéquats.

Je sais que la professeur va témoigner des absences, tout en expliquant que le premier trimestre était bon. Je sais que le CPE va témoigner de la violence verbale de l’élève, et de ses mensonges répétés.

Je suis appelée. Je rentre dans cette salle, trop grande pour l’occasion : une ambiance malsaine de tribunal règne.

D’un côté l’accusé avec son éducateur, de l’autre, bien bien loin les 2 proviseurs, sur un autre coin les 3 professeurs, et enfin, à l’opposé les parents d’élèves et les représentants d’élèves.

Je signe ma feuille de présence, et m’assois à côté d’une élève. Je me lance dans mon témoignage, en mettant en avant les circonstances atténuantes de ce jeune à la vie familiale et sociale plus que tumultueuse. Les professeurs m’assaillent de questions. Je sens leur agacement face aux aides sociales… Je réponds, fidèle à ma profession.

Puis, je suis invitée à sortir. Je lance un dernier regard à l’ « accusé », qui me sourit timidement.

L’impression de malaise m’assaille. Ai-je assez dit ? Ai-je trop dit ? Mon témoignage apportera-t-il un éclairage positif ?

Je ne peux être pour l’exclusion d’un élève dans de telles conditions, même si je suis consciente que l’école doit avoir un cadre et des limites. Cela n’est jamais satisfaisant d’en arriver là et c’est un échec pour tout la communauté éducative.

Il existe bien sur d’autres sanctions que l’exclusion, mais en général, lorsqu’on en arrive à déployer ce dispositif, c’est rarement pour un blâme.

L’élève sera exclu avec sursis. Au moindre faux pas, c’est la porte. Malgré tout c’est une petite et fragile victoire….