L’ Ordre et la Morale de Mathieu Kassovitz

1988.  Mitterrand à l’ ÉlyséeChirac à Matignon. La France occupe la Nouvelle-Calédonie et encourage ses ressortissants à migrer sur l’île, afin de rendre la population Kanaks minoritaire. Un classique.
Les affrontements se répètent, jusqu’à la fameuse prise d’ otage de la gendarmerie d’ Ouvéamoi j’ avais 14 ans, et à l’époque, comme tout le monde, je pensais que les Kanaks était des cannibales dégénérés.

 

"Le vendredi 22 avril 1988 au matin, à Fayaoué, sur l’île d’Ouvéa, deux jours avant le premier tour des élections présidentielles, des indépendantistes kanaks et membres du FLNKS, attaquent la gendarmerie (les 3 gendarmes permanents étant récemment renforcés par 28 gendarmes mobiles), dans le but de l’occuper jusqu’au jour du deuxième tour en prenant les gendarmes en otage. L’attaque dégénère (un des officiers refuse d’être pris en otage, prend son arme et tire) et quatre gendarmes sont tués par balles et trois indépendantistes blessés. …Les vingt-sept autres gendarmes, désarmés, sont pris en otage et séparés en deux groupes. Le premier groupe, mené par Chanel Kapoeri, se rend dans le sud de l’île à Mouli, où les otages sont finalement libérés trois jours plus tard, à la demande des « vieux » et des coutumiers. Le second groupe de seize otages conduit par Alphonse Dianou (ancien séminariste s’occupant des jeunes du FLNKS) est emmené dans une grotte près de la tribu de Gossanah."

300 militaires pas foutus de trouver 30 gendarmes sur une île minuscule, un président et un ministre en pleine élection, des gradés militaires qui rêvent de guerre…voilà, à la moitié du film, on a déjà une idée du déroulement des choses: un pays et son armée défiés par une poignée d’ autochtones, et un gouvernement qui ne peut supporter l’ affront.
Du côté des Kanaks, les "rebelles" sont plutôt des pères de famille et des jeunes adultes, qui regrettent déjà les morts français et la situation dans laquelle ils se trouvent. "…si on cède sans être sûr de la position française, tous les morts l’auront été pour rien. Mes frères, les gendarmes(..) tous ces morts pour une seule raison: pour le nickel, qui couvre toutes nos montagnes(..), ce Nickel sans lequel vous ne connaîtriez même pas notre existence. Cette terre rouge, que tes ancêtres nous ont volés contre un paquet de cigarettes, et une bouteille d’ alcool. (..) quand vous aurez transformé la planète en argent, les dernier survivants de vôtre apocalypse, ce sera nous.", Alphonse, le chef Kanak.

Et les élections qui compliquent les choses. Toujours le même refrain, l’ Élysée tente de résoudre quand Matignon fait le blocus, Mitterrand joue l’honneur de la France et Chirac souhaite mater la rébellion pour satisfaire les électeurs d’extrême droite. La Nouvelle Calédonie est un véritable "bourbier" pour les deux présidentiables, et tous ceux qui craignent pour leur carrière. Une réponse militaire de grande envergure pour résoudre la prise d’ otage d’un petit groupe d’habitants.
Une situation qui dépasse tout le monde. Sauf  Mitterrand et Chirac…et tout cela sous les yeux de millions d’électeurs.

"...tout ce qui a été publié à l’époque est faux…il ne s’agit ni de terroristes, ni de cannibales…il n’y a eu ni massacre, ni viol, ni décapitation à la machette. C’est juste le résultat d’une panique.", Mathieu Kassovitz

Pour l’exemple, le Gign est sur place, prêt à intervenir. L’armée s’est repliée, mais reste en alerte. Le FLNKS ne veut pas se mouiller sauf si la France cesse de les désigner comme un groupuscule terroriste.
La suite… elle fut, en partie, dans certains livres et journaux. > Mitterrand fraîchement réélu choisira le dialogue, et les morts Kanaks de la grotte d’ Ouvéa ( assassinés après l’ assaut par l’armée française ) seront les sacrifiés d’une élection présidentielle.

Que ce film a dû être difficile à réaliser. Sur place, avec les résidents Kanaks, et sous les yeux de certains politiciens concernés encore en action.

l'ordre et la moral

 Il en fallait du courage, même lorsque l’on s’appelle Mathieu Kassovitz, qui décidément, est bien l’un des rare réalisateur français à prendre position dans ses films, même quand celles-ci vont à l’encontre de la version officielle de "son" gouvernement de l’époque.
150 000 entrées en France, trois récompenses…que pouvait-on attendre de plus d’un film un peu passé sous-silence ( l’ armée française bien sur, ne prêtera aucun équipement militaire ), et le film n’ est pour l’instant même pas distribué en Nouvelle Calédonie, par crainte des "représailles". La France sait aussi faire preuve de devoir de non-mémoire.

Merci à Mathieu Kassovitz, et au Capitaine Legorjus, le seul héros Français de l’histoire. Merci aux Kanaks, dernier peuple autochtone à s’être rebellé contre l’envahisseur français. Merci au 150 000 français qui sont allés voir ce film en salle. C’est parfois difficile de se savoir…français.

 

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