de la justice des banques.

 

Document Le Monde.fr, AFP/MARTIN BUREAU

Jérôme Kerviel, jeudi 10 juin à son arrivée au tribunal de Paris.

Il fallait frapper fort, et cela a été le cas, mais qui s’attendait à une peine de 4,9 milliards d’euros à rembourser ? Invraisemblable que l’on puisse infliger une telle peine, c’était donc convenu d’avance, une parodie de justice en quelque sorte, une hypocrisie. Les juges sont des personnes responsables et je pense qu’ils ont la notion de la gravité des peines qu’ils infligent, c’était donc cousu d’avance, on ne touche pas aux banques même si elles font des fautes. J’avais déjà évoqué l’affaire Kerviel dans un article général sur les banques et les traders «Écureuil 600 millions perdus, pas pour tous». Certes Jérôme Kerviel est coupable d’avoir outrepassé les consignes qui lui étaient fixées et d’avoir déjoué les contrôles informatiques. On n’a pas le droit d’engager sa banque dans des opérations qui la mettrait en danger sans une autorisation écrite. Un homme à cette position, et responsable eu égard à la confiance que la banque lui donne d’agir sur des marchés à termes engageant de forte sommes, doit penser à sa banque avant de penser à lui. C’est donc très grave car il savait très bien qu’il n’aurait pas cette autorisation, il a donc passé outre espérant des gains à hauteur du risque si tout se déroulerait correctement. Il a commis cette faute par ce que probablement il en commettait du même type depuis longtemps, c’était pour lui un fait acquis, une normalité qui tant qu’elle était rentable pour la banque celle-ci acceptait implicitement ses agissements, elle ne pouvait ne pas le savoir, et c’était implicitement accepter les agissements du trader.

C’est sur ce point précis que la banque est responsable moralement mais en termes de responsabilité un trader est libre d’agir sur les marchés il est payé pour cela, et grassement payé, dès lors qu’il reste dans les bornes fixées. Sa rémunération principale est fonction de ses performances, en d’autres termes c’est un contrat qui le lie à sa banque, et dans ce cadre, il a toute liberté d’agir. Ce qui est grave, c’est le laxisme du contrôle et la passivité des contrôleurs de la banque sur le respect des consignes et là, la banque est responsable de la perte de l’argent, elle n’a donc pas le droit de le réclamer puisqu’il est évident que si elle savait, elle aurait arrêté l’escalade. On ne peut admettre qu’une banque ne sache pas par un système automatique de surveillance qu’un de ses traders dépasse les bornes fixées.

Le site LeMagit développe un article sur la Société générale qui depuis a revu son système informatique puisque qu’elle indique avoir engagé un plan d’action en trois chantiers prioritaires, sans en détailler toutefois l’état d’avancement, «le renforcement de la sécurité informatique, par le développement de solutions d’identification forte, biométrie, l’accélération de projets structurels en cours en matière de gestion de la sécurité des accès ainsi que des audits de sécurité ciblés», «une révision des procédures d’alerte afin de s’assurer que l’information circule bien entre les différents services de contrôle et au bon niveau hiérarchique ainsi que de nouveaux contrôles», enfin, «une nouvelle organisation de gestion des risques opérationnels». C’est donc un aveu qui montre une défaillance de sa part, elle porte donc une responsabilité. En outre, la société générale avait implicitement reconnu ses fautes puisqu’elle a viré la quasi totalité de son état major dont le PDG Daniel Bouton en premier, et c’est à ce titre que la banque s’est vue infliger le 04 juillet une amende de 4 millions d’euros par la Commission bancaire de la Banque de France pour fautes graves dans le contrôle interne.

Jérôme Kerviel déjouait la vigilance des services par des techniques diversifiées lui permettant d’avoir affaire à des contrôleurs différents et par sa capacité à fournir aux agents qui l’interrogeaient des réponses rapides. «L’absence d’identification de la fraude jusqu’à cette date, janvier 2008, peut s’expliquer, d’une part par l’efficacité et la variété des techniques de dissimulation utilisées par le fraudeur, et d’autre part par le fait que les opérateurs n’approfondissent pas systématiquement leurs vérifications, enfin par l’absence de certains contrôles qui n’étaient pas prévus et qui auraient été susceptibles d’identifier la fraude», précise l’article.

Jérôme Kerviel travaillait dans un service spécialisé dans l’arbitrage autrement dit, il devait prendre des positions par paires, une à l’achat l’autre à la vente, jouant sur des écarts très faibles ce qui explique les sommes sur lesquels il s’engageait par des contrats à terme sur indices d’actions s’élevant à cette époque à 50 milliards d’euros conduisant la banque à une perte à hauteur de 4,82 milliards d’euros due à la liquidation immédiate de ses positions. Cette liquidation est la cause de cette perte dont une partie ~ un milliard d’euros est due à Kerviel et le supplément à l’arrêt des positions, on comprend aisément quand il s’agit de 50 milliards d’euros, qu’une banque puisse avoir peur, et d’engager de suite l’arrêt des positions.

Le jugement condamne Jérôme Kerviel sur la totalité des faits, abus de confiance, pénétration du système informatique, faux et usages de faux, par une condamnation à 5 années de prison dont deux avec sursis, à 4,9 milliards d’euros et que la Société générale entièrement blanchie exclue d’en réclamer l’intégralité et se dit entièrement ouverte à trouver une solution sans renoncer à toute indemnisation. Pour la Société générale il faut attendre le jugement en appel.

On n’aura pas fini de parler de cette affaire puisque Jérôme Kerviel à fait appel, et quelques soient les décisions de cet appel qui devrait intervenir fin 2011 le jugement ne devrait pas prononcer une peine supérieure à celle prononcée. Cette affaire restera dans les annales judiciaires et bancaires par le fait que cette peine constitue une mise à mort civile avec en plus l’interdiction d’exercer, pour Jérôme Kerviel, sur tous marchés financiers en tant que trader et par le laxisme d’une banque dans son contrôle informatique qui risquait sa faillite.

On a tué le soldat Kerviel

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