Selon Alain Juppé, Michèle Alliot-Marie avait « assumé ses fonctions avec un grand sens du service public. ». Que du service public ? Il semble qu’Alain Juppé doit considérer que Le Canard enchaîné n’est lu que par une fraction négligeable de l’électorat. Le « volatile » en titrant sur sa dernière une « Feuilleton MAM : l’Élysée craint un épisode fiscal », avait soulevé ce que l’ensemble de la presse française (ou presque…) s’était bien préservé d’évoquer. Et si, demain soir, mardi, les rédactions prenaient connaissance d’une suite à l’éventuel volet fiscal des transactions de la famille Alliot-Marie en Tunisie ?   

Ne pas saluer d’une manière ou d’une autre la ministre des Affaires étrangères limogée par Nicolas Sarközy aurait été, de la part d’Alain Juppé, pris pour une goujaterie. Mais il lui suffisait sans doute de lui exprimer, à titre personnel, et non en tant que ministre régalien, son amitié (pour éviter d’employer « compassion »).
Ouvrez le ban :
« Un avocat fiscaliste (…) explique que le coup est classique. L’administration fiscale française n’a aucune raison de connaître l’existence, pas plus que la valeur, d’une société civile immobilière tunisienne. Au moment de la transmission par héritage, il suffit de justifier auprès des autorités locales de sa qualité d’héritier, et de changer ainsi le nom du détenteur des parts. Hop ! le tour est joué, sans payer un euro de droits en France. ».
Fermez le ban…
Cette question, que nous avions effleurée à deux reprises au moins dans nos précédentes contributions Come4News, n’a guère été approfondie par les rédactions de la presse française, c’est une litote.
Cherchez bien dans les archives en ligne de la presse française et les articles antérieurs à la diffusion, mardi dernier au soir, du daté mercredi 23 février dernier du Canard enchaîné. Vous trouverez certes cette dépêche AFP de juillet dernier : « La ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie a démenti tout "traitement de faveur" envers Liliane Bettencourt que ce soit sur le plan judiciaire ou fiscal, dimanche lors de l’émission de radio Le Grand rendez-vous Europe 1-Le Parisien-Aujourd’hui-en-France. ».

Vous retrouverez peut-être moins aisément ces contributions : « Tunisie : Levitte voulait garder Lagarde à Paris… et une dictature », « Le Tabarkagate de MAM… ». Je ne me targue pas d’avoir inspiré ces Messieurs du Canard : cela venait immédiatement à l’esprit. Mais le coup semblant avoir raté, du fait des investigations du nouveau gouvernement tunisien portant sur les affaires d’Aziz Miled et de Slim Chiboub, il se peut que la presse française n’ait pas voulu tirer sur une ambulance : il se peut fort bien que la villa achetée sur plan par les nonagénaires parents de MAM ne soit jamais érigée. Nous n’avons pas eu cette délicatesse. Pourquoi ?
Parce que MAM n’est certainement pas la première à s’intéresser à l’immobilier en Tunisie ou au Maroc. Baroin, ministre du Budget, va-t-il requérir des administrations fiscales tunisienne et marocaine tout renseignement susceptible de déterminer les conditions d’acquisition de biens immobiliers de ressortissants français dans ces pays, et en priorité les acquisitions faites par des personnalités du monde des médias, de la politique, et des variétés ou du spectacle ?
Le sens du service public ne va pas toujours jusqu’à négliger celui des services privés qu’on peut se rendre ou dont on peut faire profiter autrui, en particulier des proches.
Le Canard indique clairement : « les opérations d’Aziz Miled (…) vont être épluchées. ». Nul doute que notre ambassadeur sur place a déjà entrepris une démarche pour tenter de savoir comment les services fiscaux français pourraient collaborer… et être informés. Ne serait-ce que pour permettre à Baroin de démentir tout traitement de faveur à l’égard de tel ou tel acquéreur (ou acquéreuse). Le Canard rapporte en outre que Bernard Marie était membre de la Commission d’enquête sur le fonctionnement des sociétés civiles de placement immobilier et leurs rapports avec le pouvoir politique, en… 1971. On reparlera peut-être de la fameuse SCI Ikram des parents de MAM. De cette seule SCI tunisienne ? C’est à voir… Et à suivre…

De la Roumanie, de mauvaises langues ont avancé qu’elle n’aurait pas eu le moins du monde d’un plan d’austérité suggéré (et largement adapté au profit des mêmes et au détriment des usuels) par le FMI si les avoirs placés dans des paradis fiscaux avaient été rapatriés. Le sens du service public va-t-il jusque là en Roumanie ? En France, nul doute, comme l’exprime Alain Juppé, qu’il soit largement partagé.

Ah oui, au fait : sur le tout nouveau site Atlantico (Atlantico.fr), Christian Delporte, professeur d’histoire (prochain livre : Une histoire de la séduction politique) évoque le mensonge en politique et ce qu’il suscite : «  le malaise face au mensonge politique. On le décèle dans le camp d’en-face. On s’en indigne lorsqu’il surgit au service des ambitions individuelles. Mais on l’accepte s’il apaise et permet de dissimuler son intérêt particulier derrière l’intérêt général. ». Apaisant Alain Juppé ? Rien n’est moins sûr.