Schizophrène et prix Nobel ! Mathématicien brillant économiste hors pair, stratège pour l’armée, il sombre durant trente ans dans une folie dont la force de son esprit le libère. "Alors que j’étais à l’école primaire, mes parents m’ont offert une encyclopédie que j’ai dévorée. Puis j’ai lu les classiques des mathématiques et j’ai transformé ma chambre d’enfant en laboratoire de chimie et de physique», écrit John Forbes Nash Jr dans son autobiographie publiée lors de la remise de son prix Nobel d’économie, en 1994. Cet incroyable génie des maths, légende vivante de la science, est aussi un homme qui a surmonté sa schizophrénie. Aux moments les plus violents de ses crises, Nash a entendu un téléphone sonner à l’intérieur de son crâne. Il pensait même être poursuivi par des extraterrestres !

«Un homme d’exception», un film signé Ron Howard, s’est librement inspiré de cette vie. Russell Crowe y campe le personnage «détraqué».



Nash, aujourd’hui porté aux nues, n’a pourtant pas été un écolier brillant. Étant donné sa maladresse dans les relations sociales, ses profs l’ont considéré comme un…retardé.

 Ce qui ne l’a pas empêché de gagner, en 1945, à l’âge de 17 ans, une bourse pour un célèbre Institute of Technology. Son étrange génie éclate alors.

En 1948, il est débauché par la prestigieuse université de Princeton. Tandis qu’il prépare son doctorat, il écrit l’article grâce auquel il sera récompensé, près de cinq décennies plus tard, du prix Nobel d’économie. Il s’agit d’une thèse appelée «Les Jeux non coopératifs». En gros, il s’agit d’un modèle servant à observer les marchandages économiques.

 Il travaille ensuite pour une institution proche de l’armée américaine. En pleine guerre froide, il tente d’appliquer sa théorie des jeux dans un cadre militaire. En parallèle, il devient professeur d’université, mais ses étudiants le considèrent comme un «fantôme» à moitié cinglé.

Alors qu’il a un fils avec sa première épouse, sa santé mentale se dégrade en 1953. Il tombe dans des délires schizophréniques. Durant près de trente ans, Nash collectionne les séjours en hôpitaux psychiatriques, tout en conservant une certaine liberté de mouvement. Il essaye même d’obtenir, à cette époque l’asile politique en Europe !

Fin des années 70, sortant la tête hors de l’eau, il décrit son expérience dans une revue de psychiatrie : «Je me suis pris pour un religieux de grande importance. Des voix me parlaient continuellement. Des appels téléphoniques résonnaient dans mon crâne. Les extraterrestres m’écrivaient des messages codés dans les journaux.» D’une manière inédite, épaulé par une nouvelle compagne et sans médicaments, il récupère et sort lentement de sa schizophrénie paranoïaque. La science ignorait que c’était possible. «J’ai rejeté intellectuellement les pensées les plus folles. J’ai vu le monde de manière plus claire, gardant l’effort intellectuel pour les choses essentielles», décrit-il dans son discours d’acceptation du prix Nobel.