Finalement, je crois que je vais être pour accueillir les Jeux Olympiques de 2024 à Paris. Ce ne sera, pour les Parisiennes et les Parisiens, que du bonheur ! Deux-tiers de touristes en moins dans la capitale, les Grands Boulevards déserts, aucune cohue dans les couloirs du métro, des prix cassés dans les hôtels pour inviter les amis dès les deux-trois jours de compétitions écoulés… Ensuite, les années suivantes, départ définitif en province pour ne pas subir les hausses des taxes foncières…

À Londres « intra-muros » (si on le délimite par la Central Line du tube), c’est la cata pour les commerçants, hôteliers compris qui doivent casser les prix, mais le bliss (la félicité) pour l’habitant ou le touriste (hors prix des restaurants, qui commencent timidement à lancer des promotions) qui peut circuler dans une ville quasi-désertée.

« On nous aurait donc menti ? », commentent les éditorialistes britanniques. « Les jeux devaient rapporter des millions ? Tu parles ! », titre Alex Brummer, du Daily Mail. « Il n’a fallu que 72 heures après le début des Jeux pour s’apercevoir qu’une calamiteuse erreur a été commise et que Londres s’est transformée en ville fantôme, » poursuit-il. D’accord, les photos appuyant cette assertion paraissent avoir été prises à des heures quelque peu avancées le matin ou un peu tard dans la soirée, mais elles sont spectaculaires et il n’en est rien : c’est aux heures d’affluence habituelles que les photographes ont œuvré.
En une centaine de visites à Londres, je n’ai vu cela que dans les années 1960 lorsque l’adage « Sunday closed » caractérisait encore certains counties londoniens.
Le maire Boris Johnson et ses collègues « ne sont pas les seuls responsables de cette asphyxie du poumon économique du pays, » accuse Alex Brummer qui emploie le terme de « sabotage ». Car le)s fonctionnaires des administrations centrales ont aussi été autorisés à travailler à distance durant les JO, des théâtres ont été fermés de peur d’une affluence trop forte annoncée, et le fait d’avoir annoncé que la ville serait envahie par plus d’un million de visiteurs a dissuadé ces derniers.

En sus, un tiers des habitants ont fui d’eux-mêmes, dont, paraîtrait-il, certains qui auraient bien voulu acheter des tickets pour les compétitions, mais n’ont pu le faire du fait de la complexité du système. Les hôteliers constatent près d’un tiers de nuitées en moins par rapport à l’été dernier. Ils y sont pour quelque chose : ils avaient triplé, quadruplé leurs tarifs antérieurs, qu’ils bradent jusqu’à la moitié du prix, même hors week-ends.

Le chancelier George Osborne avait prédit que 3 000 dirigeants de sociétés allaient affluer à Londres en vue, aussi, d’envisager de s’y implanter. Des tickets d’entrée leur ont été généreusement distribués, mais leurs sièges restent vides, et on ne les croise pas en ville. On attendait 13 milliards de livres de retombées, mais à part General Electric (avec peut-être Edf en sous-traitant qui va nous rehausser ses tarifs pour compenser les pubs qu’il consacre au JO), on ne voit pas trop qui serait le grand bénéficiaire, hors BTP.

Les attractions ou monuments d’habitude les plus visités ont vu leur fréquentation chuter de près de 35 %. Les terrasses des restaurants de Covent Garden sont aux deux-tiers vides (tentez donc de trouver une table en temps normal sans devoir l’attendre…), et celles fréquentées par les cols blancs à l’heure du lunch sont désertes (60 % de fréquentation en moins). Du coup, les heures de visite du zoo ou de la cathédrale de Saint-Paul ont été allongées. Les taxis constatent que les touristes ne compensent pas les résidents qui restent chez eux ou ont choisi de faire coïncider leurs vacances avec la durée des Jeux.

George Buckley, un analyste de la Deutsche Bank se dit très circonspect sur les retombées, il n’est guère le seul. Mais à Stratford, localité du Grand Londres la plus proche des stades olympiques, tout va bien. Celles et ceux n’ayant pas de billets restent à proximité en attendant de rejoindre leurs hôtels ou locations dans la soirée.

Les bus à impériale proposant des visites guidées de Londres sont vides ou presque.

Environ un dixième des sièges réservés restent vides selon les chiffres officiels.
Il manque entre 50 000 et 58 000 spectateurs attendus à l’appel.

Il faut dire aussi que les organisateurs des Jeux ont un peu triché, comme à Greenwich, où se tiennent les épreuves d’équitation. Depuis la gare de Greenwich jusqu’au site, les visiteurs ont été canalisés pour qu’ils se rafraîchissent et se restaurent hors de la ville. Le Locog, le comité d’organisation, a consenti enfin à retirer des barrières. La gérante du café Red Door s’est confiée à l’Evening Standard : « Nous pensions que les Jeux, ce serait Noël. Nous avons embauché des extras. On court au désastre… ». D’autres restaurateurs avaient gonflé leurs stocks en prévision, ils doivent envisager de les donner à des œuvres caritatives ou détruire les excédents.

Allez, vivement les JO de Paris en 2024.

On ne sait pas trop qui sera alors le maire de Paris. Mais on lui conseille de ne pas faire comme son actuel homologue de Londres. Boris Johnson, pour éviter de se retrouver coincé en voiture, a fait le choix de parcourir les derniers 320 m muni d’un harnais et de poulies pour glisser le long de fils suspendus. Hélas pour lui, il est resté coincé sur le parcours pendant cinq bonnes minutes avant de retrouver le plancher des vaches.