Jeux en ligne et en dur : pour qui le jack-pote ?

J’ai appris, par hasard, fin juillet, qu’un nouveau casino « en dur » s’ouvrait ce mois à Arad (Banat, Timis, Roumanie). J’apprends par un « blogue-notateur » que Jean-Louis Debré avait, la nuit dernière, visité un cercle de jeux parisiens. Je lis un peu partout qu’un cinquième des casinos « en dur » de France allait disparaître, du fait de la concurrence des jeux en ligne. Alors, pour qui le « jack-pote » ?

Rendons à César la paternité de ce « jack-pote », trouvaille de Libération qui en a fait sa une en révélant qu’Éric Woerth aurait favorisé l’issue des démêlés fiscaux d’un casinotier. N’y revenons plus, mais saluons les artistes, les titreurs et… les autres… ; cet emprunt est un « hommage », comme on dit…

 

Fin juillet, c’est fortuitement que j’ai rencontré le futur gérant d’un grand casino roumain, un Français représentant un « groupe familial français » de propriétaires de casinos. Pourquoi donc Arad ? En raison de la présence d’un casino voisin, à Timisoara, estimé en perte de vitesse, et surtout de la proximité de l’aéroport d’Arad, moins gourmand (en taxes aéroportuaires) que son voisin, des frontières serbes et hongroises. Mais la clientèle, me fut-il indiqué avec enthousiasme, serait « internationale » et certainement francophone et Italienne en grande partie. Allons donc. Pourtant, à Cluj-Napoca, le 24 juillet, un tout nouveau casino a été aussi inauguré. Ainsi, alors que Santob Tolédano, directeur du casino de Gujan-Mestras (Gironde) voit une clientèle occasionnelle remplacer les habitués, et déclare à 20 minutes que ces visiteurs misent beaucoup moins, les casinos « brick and mortar » se verraient ouvrir, à l’étranger, de belles perspectives ?

 

Cela peut s’expliquer. Qui, parmi les forts (et fortunés) joueurs, se plaint de l’accueil et de l’ambiance de Las Vegas ? Alors, pourquoi pas Arad, si le groupe familial français sait s’inspirer de l’ambiance de Singapour, et toutes proportions gardées, de la formule du Marina Bay Sands ? Quitte à les inviter et à leur fournir des voyages en jets ou en charters… Arad peut tirer son épingle et faire sa pelote.

 

Mais les pronostics des casinotiers français, c’est que le cinquième des établissements français est voué à la déperdition et la fermeture tandis que les sites tels Barriere Poker (groupe Barrière et Française des Jeux), PlayTech, ou 200% Poker (SFJI, qui compte sur un produit brut de cinq millions d’euros en dix-huit mois), prospéreraient. « Tous les acteurs ne pourront pas s’en sortir, de gros acteurs étrangers vont également s’intéresser au marché français », a confié un Matthieu Barrest, partenaire de l’investisseur ID Invest, à Jake Pollard, de IGaming France. Bwin, BetClic, 888 et d’autres, vont-ils absorber les moins puissants ? Les sites finiront-ils par drainer, occasionnellement, des joueurs vers Arad ou d’autres destinations étrangères ?

 

Selon RPO, du blogue Points de suspension, un journaliste et acteur, Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, se serait rendu, en compagnie d’un commissaire de police, au cercle Gaillon, rue de Berri, à Paris. Supputations de RPO, Jean-Louis Debré s’intéresserait au blanchiment et recyclage d’argent « sale », et aux contrôles sur la provenance des mises (soit des achats de jetons en numéraire), ce sur quoi son interlocutrice, une cheffe de salle, n’a certainement pas été en mesure de le renseigner. Tout autre supposition : Jean-Louis Debré est-il venu « prendre la température », tout simplement, en songeant aux conséquences sociales et autres que subiraient des collectivités dont les casinos viendraient à péricliter ? Mais alors, pourquoi venir dans un cercle ? Parce que les casinos sont interdits dans Paris (pour ne pas concurrencer les cercles, un peu, aussi). ? Pour se rendre compte du degré d’addiction des joueuses et joueurs ? Cette prise de contact avec le terrain est pour le moins insolite, car Jean-Louis Debré n’était certes pas venu se divertir. On n’imagine pas que Jean-Philippe Léandri ou Félicia Francisci (ou une ou un membre de l’association de type 1901) aient sollicité Jean-Louis Debré pour obtenir la Légion d’honneur… et qu’il s’agisse d’une visite de courtoisie. On n’imagine pas non plus qu’une association présidée par Jean-Louis Debré soit la bénéficiaire des largesses de l’association du Cercle Gaillon (naguère, avant 2000, les cercles versaient des dons aux… œuvres sociales de la Police) et on ne lui connaît pas de micro-parti.

 

L’enjeu, en fait, pour la SFJI et d’autres acteurs du poker et des jeux de salles transposés en ligne, c’est de faire suffisamment de publicité pour capter au moins 3 000 joueurs (200 % Poker en espère jusqu’à 5 000 réguliers). Pour cela, filmer des parties virtuelles n’est pas vraiment attrayant. Tandis qu’organiser des tournois télévisés l’est bien davantage. Reste à savoir si les plus grands tournois, qui populariseront les sites et leurs « joueurs vedettes », ne seront pas plus attractifs à l’étranger. La SFJI (I pour Internet), associe 20 actionnaires qui représentent 40 casinos français. Autant de lieux « en dur », où se faire « un visu », comme on disait, au siècle dernier, du temps des babillards de l’Internet « de papa ». Les jeunes joueurs, au jeu très agressif, seront-ils sensibles à la « magie » du casino de Plombières-les-Bains (groupe Partouche) ou de Lons-le-Saulnier ?

 

Les sites illégaux reverseraient, paraît-il, 95 % de leurs gains aux joueurs, contre 85 % pour les sites légaux français. L’Italie a déjà revu sa taxation à la baisse. La Grèce, qui vient d’adopter le principe de la légalisation prochaine (début 2011), n’a pas encore fixé de taux. Il ne semble pas du tout sûr que les municipalités françaises dotées de casinos s’attendant à toucher 15 % prélèvements fiscaux perçoivent des montants conséquents ; l’évolution de la taxation globale pourrait être révisée, et la pérennité de certains casinos français n’est absolument pas garantie. En revanche, quelques grands opérateurs, ayant pu diversifier leur présence sur un réseau d’établissements français et étrangers de prestige, pourraient emporter le « jack pote ». Devinez lesquels…

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !