Voilà qui fera plaisir à la municipalité socialo-communiste de Nanterre. Jean Sarkozy, le fils de Nicolas en personne, filleul des Balkany, a accepté de voir publier (et payer) une pleine page de publicité pour l’OP HLM des Hauts-de-Seine dans sa publication, Neuilly 92. Il s’agit de vanter aux Neuilléennes et Neuilléens les charmes des habitations bon marché de Nanterre et d’autres communes périphériques. Encore une généreuse initiative, pratiquement désintéressée, du Prince Jean !

Le nº 19 de Neuilly 92, mensuel des « élus du conseil général » des Hauts-de-Seine qui s’ouvre par le « mot de Jean Sarkozy », a été épinglé par le Canard enchaîné daté du 12 janvier 2011. En cause, une pleine page de publicité réglée par l’Office départemental HLM. Comme le précise le site de cette publication aux mains de l’UMP, « il n’est pas acceptable que le contribuable finance des publications d’information des élus… ». Le Comité éditorial préfère donc s’adresser à des annonceurs qui ne bénéficient d’aucun marché passé par les collectivités, et jamais des moindres fonds publics. On ne sait si ce comité, sans doute présidé lui aussi par le « prince Jean » est coutumier du fait : si ce nº 19 est publié intégralement en ligne (sur neuilly92.fr ou majorite-92.com), le précédent a été expurgé de toutes ses pages de publicité. Idem pour les deux numéros antérieurs qui, certes, conservent des « publirédactionnels » non signalés tels qui, on veut bien l’admettre, n’ont pas fait l’objet de versements (ne serait-ce que de contributions au Premier cercle des donateurs de l’UMP) de la part des bénéficiaires (propriétaires de restaurants ou d’un salon de thé…).

Parmi les autres annonceurs de Neuilly 92, la Sita (filiale Suez environnement), « au service de votre ville pour la collecte de vos déchets ». C’est sans doute histoire de fidéliser les habitants qui pourraient être tentés de confier, individuellement, le vidage de leurs poubelles à une société étrangère (chinoise, nord-américaine, australienne ?). Il y a aussi la SRBG, de Saint-Germain-en-Laye, une entreprise de BTP : au cas où vous seriez tentés d’implanter un vélodrome ou une piscine olympique couverte dans votre jardin, ou un tramway pour desservir votre petite folie, votre orangerie ou votre cabanon à outils, elle est toute qualifiée, et tient à vous le faire savoir… Mais les encarts pleine page tenant le (très) haut du « pavé » publicitaire reviennent à un notaire (Me Bernard Choix), à des agences immobilières (Groupe Consultants immobiliers, ou Christie’s Estate, agence Daniel Féau). Prix moyen des propriétés proposées à la vente aux mal logés : d’un à deux millions d’euros… Qu’on se rassure, les familles nombreuses seront presque « au large » dans ces modestes espaces aux abords paysagers arborés.

Mais on peut fort bien comprendre et admettre que l’Office HLM des Hauts-de-Seine éprouve des difficultés à trouver des locataires pour son parc et que la publicité soit encore le meilleur moyen d’attirer celles et ceux qui, sans elle, se tourneraient vers la concurrence du privé. Pourtant, pourtant… Bizarrement, s’il faut en croire, par exemple, André Cassou, maire-adjoint délégué à l’habitat de Nanterre (92 aussi), cet office ne serait pas à même de répondre à toutes les demandes dans un délai raisonnable, « y compris [pour] les situations d’urgence ». Fin octobre 2010, selon cet élu municipal, « plus de 3 400 demandeurs sont en attente d’une solution de relogement », alors que, bon an, mal an, moins d’une cinquantaine seulement de logements se libèrent (« 48 attributions sur le contingent municipal en 2009 ») sur Nanterre. Pour un Type 3 (adapté à une famille comportant deux enfants, soit la famille française classique), les délais moyens atteignent les quatre ans. C’est ce que, en le déplorant, l’adjoint répondait à une femme battue, mère de deux enfants, logée à titre provisoire par une association. L’OP HML 92 aurait donc menti au maire-adjoint de Nanterre ? Les 195 logements locatifs sociaux et les 58 logements en « accession sociale à la propriété » du programme de rénovation urbaine du quartier du Bateau à Nanterre peineraient tellement à trouver preneurs qu’il faut recourir à la réclame sur Neuilly pour les doter de locataires ou d’acquéreurs ? Il fallait vraiment s’adresser à la CMP, la régie publicitaire de Neuilly 92, pour faire de la retape… Passer de la réclame sur Neuilly pour attirer des candidats au logement sur Nanterre, voilà de quoi augurer d’un bon retour sur investissement. Mais pourquoi s’arrêter à Neuilly ? Des villes mal, peu ou pas desservies par les RER ou TER, comme Saint-Germain-en-Laye, Saint-Nom-la-Bretèche, Senlis, ou Chantilly, disposent de bulletins municipaux. Très confortablement élus et réélus, leurs maires consentiraient sans doute à perdre quelques administrés au profit de villes comme Nanterre. La CMP, la régie de Neuilly 92, consentirait sans doute un tarif groupé sur ces publications, voire celles de ses concurrents mais néanmoins amis.

Qu’est-ce donc que la CMP (Conseil Marketing Publicité), qualifié d’éditeur par l’ours de la publication, et dont le siège se trouve à Marne-la-Vallée (voir www.cmp77.com) ? Ce serait « l’Agence de communication des collectivités locales d’Île-de-France ». Elle organise le Salon de nouvelle ville et les Assises de l’Association des maires d’Île-de-France. Son Pdg, Philippe Birman, est aussi commissaire général du Salon de l’habitat social francilien. C’est dire s’il est « social ». Mais l’habitat social, dans l’Île-de-France de droite, c’est un peu comme les « Auvergnats » : un peu, très peu, cela va, c’est quand il prolifère que tout se gâte. C’est d’ailleurs l’opinion de l’un des plus proches amis et soutiens de Philippe Birman, Hugues Rondeau, maire de Bussy, qui ne cesse de déplorer le « désastre » de son prédécesseur, soit « l’actuel centre-ville (…) concentré de logements à loyers modérés… ». Mais il déplore par ailleurs que la Chambre régionale des comptes préconise une « pause de l’urbanisation »  sur Bussy Saint-Georges.

 

Les régies publicitaires des publications des collectivités territoriales, qui impriment souvent hors des communes et départements ou régions commanditaires, ratissent large, très large, et défrayent parfois la chronique. Naguère, c’était, pour les clans mitterrandiens, la famille Haddad (Hubert, lui, sévit plutôt à présent du côté de Tahiti, dans la même branche) qui régissait ces régies. Pour les chiraquiens, on avait les frères Ishaï, lesquels, parfois, par discrets sous-traitants interposés, collectaient aussi des publicités pour le Front national (à Nantes, aux débuts des années 1980, en particulier). Les mêmes régies peuvent, par exemple, à la fois collecter de la publicité et fournir des gadgets (genre porte-clefs « à la rose » socialistes ou tongs de plage UMP), à des tarifs très diversifiés et adaptés aux circonstances. Tant que les commerçants ou fournisseurs privés (qui répercutent ces tarifs publicitaires sur leurs prix) sont les seuls annonceurs, personne n’y trouve trop à redire. Quand il s’agit de sociétés d’économie mixte, de partenaires des collectivités, on peut, à juste titre, s’alarmer. Surtout lorsqu’il s’agit d’un OP HLM alors que le support, destiné aux Neuilléens, ne semble guère adapté.

Neuilly, dont le parc HLM représente 3,2 % (ou 3,6, selon les sources) de l’ensemble des logements, avec moins d’un millier de logements aidés en 2007, ne dispose guère de candidats au logement à Nanterre ou dans d’autres localités moins cossues du département. Et pour cause : les bénéficiaires des HLM de Neuilly jouissent de parkings remplis de 4×4, de cabriolets de sport, de limousines. Les patronymes à particule nobiliaire ornent leurs boîtes aux lettres. La dernière enquête en date, celle de Pascale Kermer, du Monde, publiée le 26 janvier 2008, est à cet égard édifiante. Au nombre des locataires des HLM de Neuilly : Nicolas Arthus-Bertrand, photographe et homme d’affaires, Sabine Rozier-Deroche, passée de la communication de l’UMP à celle du ministère de l’Écologie, Hervé Bolze (cadre dirigeant de l’Office HLM), ou Alexandre Balkany, un autre « fils de… ».

Neuilly ne règle pas l’amende relative à la loi SRU (exigeant un cinquième de logements sociaux) car elle s’acquitte d’un montant supérieur de « subventions déductibles versées aux bailleurs sociaux ». En fait, dans les Hauts-de-Seine, pour 2010, seules les trois plus petites communes payent cette amende frappant – théoriquement – les collectivités construisant trop peu de logements sociaux : Marnes-la-Coquette, Vaucresson et Ville-d’Avray. Ce pour des sommes n’y représentant même pas le coût d’acquisition d’une chambre de bonne (de moins de 10 000 à un peu plus de 32 000 euros). Quelques recettes publicitaires suffisent-elles à compenser ces montants ? Eh non, le bulletin municipal Ville d’Avray Info, du sénateur-maire (Modem) Denis Bradé, ne comporte pas de publicité. Même pas pour le livre de son épouse, dont les bons de commande étaient, à parution, postés et oblitérés (en franchise postale) depuis le Sénat dans des enveloppes à en-tête sénatorial. Une méthode un peu primaire et peu discrète : mieux vaut s’adresser à des professionnels, comme Philippe Birman, de la CMP. Le dernier JDV (Vaucresson) disponible en archives n’en embarquait pas non plus. Les Nouvelles de Marnes, le trimestriel communal, idem, ou presque (hormis les horaires des messes de la paroisse Sainte-Eugénie, et un encart pour les changements d’horaires de passages d’un producteur de gambas et fruits de mer de Marennes, pas de pubs). Ne rendrait-on de la main gauche ce qu’on prend de la droite aux seules (communes) riches ?

Le tout nouveau bachelier en droit (titulaire d’un DEUG) Jean Sarkozy, administrateur de l’EPAD (gestionnaire du quartier d’affaires de La Défense), devrait venir au secours de ces petites publications municipales impécunieuses. Ainsi, Grand Angle, le trimestriel de Saint-Nom-la-Bretèche, comprend bien quatre pages de publicité, mais Focus, son mensuel, est bien démuni : seuls de petits annonceurs locaux ou du voisinage y popularisent leurs services de proximité. Certes, Saint-Nom (Yvelines), l’une des communes les plus fréquentées par le Gotha et les inscrits au Bottin mondain de France, n’est, pas plus que le Cap Nègre, sise en Hauts-de-Seine. Mais j’ai noté, dans son éditorial du dernier Neuilly 92, l’insistance de Jean Sarkozy à vanter la « solidarité ». Et l’intercommunale ? Allez, encore un effort, Jean Sarkozy, pour être résolument solidaire. Vous obtiendrez bien une pub de la Cnav, de la C.P.A.M., voire de l’Agence du service civique de Martin Hirsch, pour ces petits titres municipaux ou départementaux. Pensez à la postérité : vous passerez pour le saint Martin de la publicité institutionnelle !