Dans le chapeau d'un article en début d'année universitaire, le site Rewmi annoncait : Avec un déficit budgétaire de 4 milliards : L'université de Dakar en faillite.
L'université Cheikh Anta Diop de Dakar croule sous un déficit énorme de 4 milliards de francs. Une crise financière tellement aiguë que les vacataires sont sans salaires depuis des mois, que 500 enseignants-chercheurs courent derrière leurs perdiems pour voyage d'études, que les heures complémentaires restent impayées tout autant que les indemnités de sujétion pour les écoles de formation. Excédés par cette situation de banqueroute, les enseignants de la Faculté de Droit ont pris la ferme décision de bloquer les délibérations de la session rapprochée d'octobre.
Cette situation pose deux problèmes.
Le premier a trait à l'inconséquence de l'état qui ne met pas en adéquation les décisions qu'il prend et les moyens financiers nécessaires pour assumer les augmentations budgétaires, laissant à l'université de soin de se débrouiller.
Le deuxième problème posé est celui des choix opérés, choix qui semblent déraisonnables dans un pays comme le nôtre.
Il est en effet plus facile de promettre tout et n'importe quoi à des corporations disposant d'une certaine capacité de nuisance que de trouver des moyens financiers. Cela tombe sous le sens. Or, depuis quelques années, les corporations disposant de capacité de chantage ont bénéficiées de substantielles augmentations (enseignants, juges…). Les augmentations de salaires et le nombres de postes ne sont évidemment pas en rapport avec l'augmentation des ressources du Sénégal ni avec un redéploiement budgétaire.
On donne, plus exactement on promet de donner, et comme les engagements pris ne peuvent pas être tenus, on crée une situation pourrie qui génére des problèmes pendant plusieurs années.
Cela m'amène au deuxième problème, beaucoup plus fondamental.
Ces corporations basent leurs revendications sur la comparaison avec l'occident. Un prof de fac titulaire qui gagne 400 000 cfa par mois est mal payé par rapport à ses collègues européens, c'est évident. En revanche dans un pays où la majorité des gens font vivre une famille avec moins de 100 000 cfa par mois, le salaire d'un enseignant de fac peut-être jugé comme confortable.
Toute augmentation du niveau de vie des plus "nantis" se fait en ponctionnant d'hypothétiques nouvelles ressources au détriment des couches de population les plus vulnérables. Les milliards annuels destinés à l'augmentation de traitement des juges auraient été mieux utilisés, à mon avis, à construire des écoles agricoles pour les jeunes ou à créer une institution de cours du soir permettant à la population de progresser scolairement ou profesionnellement. Tout est problème de choix.
Les conditions salariales et les obligations profesionnelles de certaines catégories socio professionnelles sont-elles raisonnables dans un pays pauvre ?
Les écoliers manquent de plusieurs centaines d'heures d'école par an, les très longues vacances octroyées aux enseignants sont-elle légitimes ? Le peu d'heures de cours dispensées par les profs de fac est il justifiable ?
Les théoriques 40 h de travail hebdomadaires sont-elles raisonnables au Sénégal, la Tunisie, pourtant bien plus riche que le Sénégal, affichant 50 h de travail hebdomadaires.
Les groupes qui bénéficient de ces conditions et revenus sont évidemment les groupes privilégiés. La notion même de temps de travail hebdomadaire n'existe pas pour les populations précarisées.
Je ne remets pas en cause l'effort que certaines personnes ont fait pour acquérir leurs postes, ni le fait qu'elles peuvent prétendre à un revenu plus important que la moyenne de la population. Je remets en cause le caratère exorbitant de leurs revendications au vu de l'état général de la population. Un effort doit être fait en direction des revenus mais pas en direction des plus nantis !
Je trouve même leurs revendications indécentes. Il n'y a pas de véritable surplus au Sénégal. Ce qui est consacré à l'augmentation du niveau de vie des plus nantis est directement tiré des populations les plus pauvres.
Cela ressemble curieusement à du vampirisme. La formule n'est pas très élégante mais elle décrit parfaitement notre fonctionnement social : dépouiller les pauvres pour engraisser les riches.