Le FMI se prononce régulièrement sur les prévisions économiques futures et les observations sont souvent marquées d’une grande incertitude. Ce qui choque est bien le niveau aléatoire de ces études qui se contredisent parfois et font adopter des techniques statistiques de plus en plus affinées. Le FMI n’apporte pas que des mauvaises nouvelles et il s’agit de les confronter aux autres très pessimistes de faux économistes devenus de vrais apôtres de l’économie, aussi subtiles et intuitifs soient ils. Les prévisions sombres de Jacques ATTALI inquiètent mais paraissent hautement improbables. Au-delà même des réponses le diagnostic pose souci, transformant les vérités en hypothèses, ou en conséquences. Jacques ATTALI nous perd dans des conjectures compliquées.

Quels sont aujourd’hui les réalités de la crise ?

En France, plus qu’ailleurs le risque de la crise de l’immobilier menace. Le secteur du bâtiment serait menacé avec un cortège d’emplois en danger. Les propriétaires souffriraient virtuellement. Le citoyen Français est sensible aux variations de son patrimoine. Pourtant, en France, la construction de logements neufs est en chute libre et la demande ne cesse d’augmenter dans un climat où les taux restent bas. La baisse durera-t-elle dans de telles conditions ? Seule une hausse importante des taux pourrait réellement provoquer un  « crash », le danger est là et réunit le consensus de tous les professionnels. Qu'en pense M.ATTALI? Nous n'en savons rien. 

La crise de l’emploi connait une toute autre ampleur avec un chiffre de 59 millions de chômeurs en plus dans le monde,  il s’agit d’une hausse proche de 25%, disons 11 millions dans la seule zone Euro. En un seul trimestre 1,22 millions d’emplois supprimés dans les 16 principaux états de l’UE. En France, 2000 emplois sont supprimés par jour, et l’on se dirige à grands pas vers un taux de 10% de chômeurs. Pourtant, les politiques de relance face à cette crise consacrent seulement 10% au volet social, les populations les plus fragiles seront donc très affectées avec des impacts politiques forts et contrastés. En France, la seule indexation des aides sociales représente 30 milliards d’euros, un plan de relance en soi. Le parachute social est une réalité typiquement française bien que peu saluée par ses bénéficiaires les plus militants, et aux effets discutables sur la création d’emploi et sur l’investissement en général. Cette différence stigmatise le caractère social de notre pays face aux grandes nations plus libérales et sensibles aux phénomènes de contractions économiques mais aussi de développement. Que pense M.ATTALI sur l'emploi en France? "Lisez mon livre!". 

Selon Jacques ATTALI nous nous trouverions face à un potentiel de croissance unique. La croissance de la démographie avec une hausse attendue de 3 milliards d’individus augmenterait la demande significativement! Il est des économistes mais aussi des sociologues, ethnologues et écologistes que ce chiffre effraie. Nourrir, garder en paix, soigner une telle population, jusqu’à la faire respirer, autant de défis pour l’humanité qu’une réelle « chance ». En outre la France, cultive sur toile de fonds révolutionnaire, un sentiment égalitaire très prononcé. La hausse de la natalité, le renouvellement des générations n’est que le fruit d’une politique familiale active et dirigée vers des populations issues de l’immigration moins favorisées. Le potentiel de croissance serait donc faible, voire nul, du point de vue hexagonal.

Les technologies sont en plein essor, cela est vrai, cela est aussi vital. L’ampleur des progrès est à la hauteur des besoins que nous nous sommes créés. Les nouvelles technologies, la nanotechnologie, les recherches sur les énergies nouvelles, l’étude des cellules « souches » source de vie plus longue, ces sujets nous apportent autant de questions éthiques et de moyens que de solutions à court moyen terme. Il faut donc y apporter une attention toute particulière. Reconnaissons à Jacques ATTALI cette lucidité d’esprit que partage Nicolas SARKOZY. L’idée que nous devrions augmenter massivement les salaires des chercheurs et des personnels très qualifiés parait séduisante mais pas très originale. Les décisions prises par notre Président sont d’ailleurs en parfait accord, il reste que l’organisation de la Recherche s’avère particulièrement fonctionnarisée en France. Cette situation rend compliquées et délicates les modifications de grilles. M.SARKOZY se retrouve donc en face d’une problématique double, les moyens de l’Etat, et la toute puissance du secteur Public en France. M.ATTALI préfère la polémique, M.SARKOZY tente d’apporter des solutions que l’on devine longues à mettre en place. Elles ont l'avantage d'exister et d'être courageuses.

Jacques ATTALI évoque des bugs dans notre système financier et la « virtualité » des opérations financières. Notons à son crédit qu’il n’avait pas attendu la crise pour rapporter cet état de fait. L’histoire lui aura donné raison. Pour autant, dans le cas particulier de cette crise, rappelons qu’elle prend sa source dans la volonté des dirigeants de rendre l’accession à la propriété possible aussi pour les populations moins favorisées. L’immobilier suivait une hausse relative avant que ne soit introduit la politique volontariste du « Tous propriétaires ». Il s’agissait de permettre un embourgeoisement généralisé du peuple Américain.  La « virtualisation » rend certes opaque la lecture du risque, et a occasionné des dérives, mais elle a aussi décuplé pendant un temps les moyens de ceux qui n’en avaient pas. En cela le discours des « anti-capitalistes » manque de crédibilité. Lorsqu’il s’agit de devenir propriétaire et de rendre possible le rêve, les idéologies disparaissent. Lorsque le système ne fonctionne plus, le rêve devient cauchemard et la crise devient celle du capitalisme. Les raccourcis sont grossiers. Les financiers n’ont fait que répondre à une demande pressante de méthode de financement. Le financement existait, pas la richesse. Remettre en cause le système alors même que ses propres fondements n’ont pas été respectés parait peu raisonnable. 

La disparition de l'Euro dans les 15 années qui arrivent relève du fantasme. Ainsi 20 ans de travail de préparation, des milliards d’investissements, partiraient en fumée sous prétexte que l’Europe ne serait pas dotée d’un ministère des finances ? Certes l’Europe avance trop doucement et la France ne cesse de le clamer auprès de toutes les instances. Ici encore, notre Président et M. Jean-Claude TRICHET ont agi positivement reconnait M.ATTALI, le souci serait donc de rendre cohérentes les politiques mondiales. Comment imposer un consensus au Monde entier alors que les Français se battent encore entre eux pour autoriser ou non le travail le dimanche ? Des progrès sont réalisés aussi dans la modernisation des états, et M.SARKOZY impose un rythme rapide des réformes qui rend chaque année plus évidente la nécessité d’alléger les  structures de gouvernance de la France. En clair, l’Euro est un outil de globalisation et une fausse cible. M.ATTALI a certainement raison de nous alerter et de nous hâter vers la globalisation mondiale, mais alors pourquoi douter de l’Euro, outil efficace pour atteindre l’objectif de la globalisation.

 Enfin, Jacques ATTALI s’interroge sur le rôle de l’épargne mondial qui atteindrait 50 trillons de dollars par an. A ce sujet, la question des retraites n’est absolument pas réglée. Il est donc logique qu’une épargne individuelle soit mobilisée pour fonder un système de retraite que les caisses mutualisées seront incapables de maintenir en place. M.ATTALI aurait été bien inspiré de glisser quelques unes de ses « 300 réponses » à l’illustre Président François Mitterrand initiateur de la retraite à 60 ans. Ajoutons que l’importance de l’épargne financière est le fruit de la crise. Le manque de liquidités a rendu l’argent plus cher pour les entreprises et a augmenté de fait le risque des actionnaires mais aussi celui des salariés précarisés par les soucis de trésorerie des entreprises. En France la capitalisation boursière a diminué de plus de 40% en 18 mois. Les actionnaires ont désinvesti et les salariés en supportent les conséquences. Nous aurions pu nous attendre à ce que M.ATTALI dénonce des mouvements irresponsables de salariés en colère à l’égard des actionnaires et se lance dans une croisade plus didactique. Il n’en a rien été.

La crise peut certainement remettre en cause notre manière de consommer ou d’appréhender les règles de la finance, en revanche, il est illusoire de vouloir dessiner une « société nouvelle ». Les désordres précipitent les effets au lieu de les résorber, M. Jacques ATTALI surfe sur la vague de la peur, ses réflexions pessimistes n’apportent malheureusement rien au débat. Lisons plutôt celles de Warren BUFFET, qui collent à la réalité humaine :

« Les meilleurs jours pour l'Amérique sont devant nous, mais le rythme auquel nous y arriverons demeure en question». L'investisseur le plus populaire au monde a notamment souligné le rôle capital de la confiance dans le processus de reprise. «Cela prend cinq minutes pour prendre peur, mais reprendre confiance demande bien plus de temps. Or, le système ne fonctionne pas sans confiance» a-t-il indiqué. Oui décidément tout est question de peur et de confiance.