Si la charte d’éthique et de déontologie qui encadre le sport permet quelque peu de limiter la casse, elle ne nous met pas pour autant à l’abri de tous les écarts auxquels peuvent être sujets certains sportifs : hormis ceux liés au dopage, bête noire du sport, il y a ceux compromettants ayant trait à la conduite du sportif. 

Jackie Chamoun, skieuse libanaise qui participe aux jeux olympiques de Sotchi est dans le collimateur ces derniers temps, en raison de quelques photos controversées. Prises sur les pistes de Faraya, ces vieilles photos destinées à un calendrier autrichien n’ont rien d’original et ressemblent à tant d’autres déjà vues. 

Dans une vidéo enregistrée par la chaîne américaine NBC, où la sportive commente ses photos, elle semble se targuer d’être en lieu sûr sur cette montagne fréquentée par la « jet set » libanaise, à l‘abri de la furie des conservateurs : de tous poils je suppose, le conservatisme étant très loin d’être l’apanage d’une seule communauté sous ces cieux. 

Dénichés par un journaliste sans doute en mal de scoop, ces clichés ont fait réagir le ministre de la jeunesse et des sports Fayçal Karamé comme le président du comité olympique Jean Hammam. Ils se sont naturellement fendus d’un communiqué rappelant les règles d’usage, sans bien sûr suspendre la skieuse ; un détail conforme à la mentalité locale, découlant de la liberté d’expression, rien de plus ; ce détail a quand même trouvé les moyens de prendre des proportions gigantesques dans ce pays constamment en quête de la petite bête pour s’enflammer sur les réseaux sociaux et ailleurs ! 

Pourtant l’incident qui a fait couler tant d’encre, dont je ne voulais même pas parler, n’est pas unique en son genre ! Il rappelle tant d’autres venus de pays bien plus éclairés, notamment ceux où pour les mêmes motifs, une Miss France, par exemple, se fait remonter les bretelles ;  pour aller plus loin, Norma Julia, Miss Languedoc Roussillon a été récemment destituée et n‘a pas pu concourir à Miss France, pour ne citer qu‘elle. 

Pas franchement de quoi fouetter un chat pour un simple communiqué de circonstance ; pas de quoi s‘enflammer sur les réseaux sociaux comme si pesait une menace imminente sur les libertés individuelles sous la pression des Talibans locaux ! Les Libanais scotchés devant leur écran en voient défiler des vertes et des pas mûres à longueur de journée et dans leur écrasante majorité s’en fichent royalement des photos en question. Leurs priorités se situent bien ailleurs. 

Un pathétique mouvement de soutien a été lancé sur les réseaux sociaux invitant les défenseurs de Jackie Chamoun de se déshabiller et de poster leur photos ; le bureau de la jeunesse et du sport de la Fondation Camille Chamoun a appelé les défenseurs à venir nombreux à l’aéroport de Beyrouth le moment venu pour accueillir la skieuse. 

Toutes ces manifestations organisées au nom du soi-disant respect des libertés, subitement mises à mal, s‘apparentent à des jeux de rôles qui n‘ont ni queue ni tête ; une agitation qui dessert l’intéressée plus qu’autre chose même si elle lui a permis d‘engranger au passage une pub inespérée…

Décidément, dans ce pays en proie à des crises permanentes, tout doit se décliner sous des allures de préférence tapageuses, tout doit s’afficher tous azimuts à grands renforts de signes ostentatoires ! A bon comme à mauvais escient ! 

Une forme de cache misère : on brasse du vent alors que l’essentiel est bafoué dans l‘indifférence générale ; il est grand temps de s’y pencher véritablement  pour rendre au sport ses lettres de noblesse ; il est grand temps de s’intéresser au sport et surtout à sa pratique souvent verrouillée et réservée à des clubs. 

Quand aux valeurs que doit véhiculer le sport, notamment la lutte contre la discrimination, elles ne sont que lettres mortes et c’est pas demain la veille que les mentalités risquent de bouger. Et dire que c’est souvent en regardant juste par le tout petit bout de la lorgnette, que les Libanais s’imaginent être dans le sillage du pays des Lumières ! Ils s’en enorgueillissent en plus et c’est là que le bât blesse…