Les cassandres de la droite israélienne le redoutaient depuis longtemps. La menace démographique est en train de se rapprocher avec de plus en plus de rapidité. Ouvrant ainsi tout un champ d’interrogations et de contraintes hautement risqué et angoissant pour l’Etat hébreux, qui assurément y jouera sa survie démocratique.
Longtemps brandie par la droite israélienne la menace de la minorité démographique des juifs sur le territoire israélo-palestinien semble bel et bien en passe de se réaliser.
En effet la droite israélienne avait pris l’habitude ces quarante dernières années de formuler à tort et à travers la même panique : la peur de voir un pays peuplé par une minorité de juifs. Or à trop crier au loup il semble que la droite israélienne, elle-même, se soit convaincue que jamais il ne se présenterait. Car alors que les statistiques démographiques montrent que les juifs restent très fragilement majoritaires, pour le moment, on constate que les principaux contestataires de cette réalité se trouvent à droite.
En effet une récente étude démographique, menée par Sergio DellaPergola, professeur à l’université hébraïque, a révélé que les juifs, tels que définis par le ministère de l’Intérieur israélien, forment aujourd’hui à peine plus de la moitié de l’ensemble composé par Israël, la Cisjordanie et la Bande de Gaza. Pis si Israël n’avait pas « abandonné » Gaza en 2005, les non-juifs seraient aujourd’hui majoritaires sur l’ensemble du territoire sous contrôle israélien.
Cette minorité démographique israélienne en passe de se réaliser ne saurait immanquablement rester sans conséquence sur l’avenir de l’Etat hébreux. En effet à trop refuser les offres de paix, au prétexte que la position de force d’Israël pourra toujours permettre d’obtenir mieux, les hommes politiques israéliens ne font-ils pas l’erreur de surestimer la force de leur pays, comme l’attestent les données démographiques ? C’est d’ailleurs certainement pour être gage et argument de radicalité sur le chapitre des revendications territoriales que les données démographiques peuvent ainsi faire l’objet d’un véritable déni de réalité de la part de la droite israélienne et d’une frange de la société.
De même si les juifs venaient à être minoritaires en Israël, comment faudra-t-il continuer de qualifier la démocratie israélienne ? La Démocratie censée être le pouvoir de la majorité dans le respect des intérêts, des droits et de la dignité des minorités se poursuivra-t-elle en Israël, sachant que les citoyens non juifs ou arabes continuent à ne pas pouvoir faire certaines choses ?
Enfin qu’en sera-t-il des mesures qui immanquablement seront prises pour, du coté du gouvernement israélien, tenter d’inverser le grand écart démographique qui inéluctablement continuera de se creuser entre juifs et non juifs. N’y a-t-il pas là toute une série de mesures potentiellement coercitives attentatoires des principes démocratiques israéliens qui pourraient convaincre certains juifs de quitter Israël, aggravant encore plus le problème ?
De même il faudra se rendre compte que plus « l’occupation » se poursuivra plus les juifs seront minoritaires dans l’ensemble formé par Israël et la Cisjordanie. Le principe d’un « développement séparé », c’est-à-dire d’un apartheid (véritable signification de ce mot afrikaner) est ici gravement possible.
Espérons que les vertus démocratiques israéliennes sauront rendre raison à tous ceux qui, au sein de la société israélienne, n’ont pas compris que de plus en plus les cartes sont en train d’être rebattues, et pas forcément à l’avantage d’Israël.