Après la défenestration d’une jeune fille de Trappes, Aissetou, faisant suite à une agression islamophobe qu’elle avait subie du fait qu’elle portait le voile, diverses voix s’élèvent pour appeler à la solidarité avec les victimes musulmanes de vexations, agressions, et pire. Je condamne fermement de tels actes, j’adresse mes meilleurs et plus sincères vœux à cette jeune fille, mais non, je ne serai jamais solidaire des musulmanes et musulmans du seul et unique fait qu’ils pratiquent la religion islamique… ou tout autre.
Connaissant fort bien l’étendue des très lourdes conséquences d’une chute équivalente à celle que s’est infligée la jeune habitante de Trappes pour les avoir constatées chez d’autres et m’en être lentement remis (avec séquelles fort bénignes, en tout cas, par comparaison), oui, je m’affirme solidaire. Si je me retrouvais en centre de rééducation fonctionnelle avec Aissetou, je lui témoignerais mon entière sympathie.
De même, si je croise une femme voilée encombrée d’une poussette ou d’une valise dans les escaliers du métro, qu’elle porte un foulard ou non ne me dissuade pas de lui donner un coup de main. Mais je ne serai jamais solidaire des musulmanes ou musulmans si ce n’est sur la ligne d’un Voltaire, non point déiste comme il se proclamait, mais telle que son adresse aux humains l’énonce dans son Traité sur la tolérance. Religiophobe suis-je, et reste.
Par conséquent, non, Jean-François Brault, je ne m’associerai pas à une mobilisation telle que vous la suggérez (sur Le Plus), à l’image de la journée des Suédoises, laïques, protestantes, musulmanes d’habitude dévoilées, &c., qui ont porté le hijab à la suite de faits similaires à ceux de Trappes. Vous écrivez « l’heure est à la solidarité ». Certes… Mais laquelle et comment ?
Sami Battikh, auparavant, aussi sur Le Plus, concluait un très éloquent exposé de l’évolution de ses sentiments sur la question par un appel à descendre dans la rue « aux côtés des associations de défense des musulmans, aux côtés des femmes voilées ». J’invite à prendre connaissance de ses arguments, que je partage pour la plupart. Athée, Sami Battikh se surprend « à défendre le droit à la pratique d’une religion ». Ce droit n’a pas à être défendu en France, il est plein et entier, et ses restrictions ne s’appliquent qu’à des sectes (terme qu’emploient les religions dominantes pour désigner dissidences ou concurrences) selon des critères me semblant quelque peu restrictifs, très confortables pour les sectes, y compris des plus pernicieuses.
Mais, si je transpose ses propos en substituant « homophobie » à « islamophobie », j’y adhère d’autant mieux que, partisan d’une transformation radicale du mariage en contrat civil ouvert à toutes et tous, j’ai fini, du fait des outrances des protestataires s’élevant contre le « mariage pour tous », à raisonner à l’identique. Certes, cela ne m’a pas poussé à rejoindre les manifestations de soutien à la loi, mais j’en étais à deux doigts. J’aurais pu. Mais j’aurais déserté si des slogans du genre toutes et tous bisexuel·le·s, asexuel·le·s, homosexuel·le·s, ou je ne sais quoi, m’étaient arrivés aux oreilles. Pourtant, je tolère fort bien la parade de la Gay Pride (je suis piéton, ceci expliquant pour beaucoup cela, et non chauffeur-livreur) qu’il m’est arrivé de suivre quelques moments… en marge. Je n’ai pas non plus refusé d’assister à un enterrement musulman en attendant qu’il s’achève pour exprimer ma compassion à l’égard de la famille et des proches.
S’il y avait une manifestation pour la laïcité ET la condamnation des actes islamophobes, je m’y joindrais sans doute volontiers en dépit de la présence de musulmanes, fussent-elles totalement voilées et gantées, et de barbus coiffés de la calotte des croyants. Si j’entends le moindre takbir (« Allah ou akbar »), je file à l’anglaise. Pour moi, dieu n’est pas le plus grand, et je m’interdis d’en assurer la promotion, même passivement.
Je n’établis pour autant aucune confusion entre islamique, islamiste, islamiste djihadiste violent. Je ne préjuge pas d’une évolution des unes et des autres, dans un sens… ou l’autre, ce qui n’est pas non plus exclu. N’a-t-on point vu des prêtres catholiques romains se défroquer ?
« Même s’ils ne l’avoueront jamais, les tenants du système préfèrent voir une jeunesse désœuvrée tomber dans les bras des islamistes que dans ceux des altermondialistes », résume Sami Battikh. Très juste, et amplement déjà vérifié, même si se référer uniquement à la jeunesse est largement trop restrictif.
En revanche, faire l’amalgame hâtif entre « ces populations [musulmanes] » et « les principales victimes du racisme en France », c’est énoncer une contre-vérité. Autant que je sache ou puisse comparer en m’appuyant sur une large documentation, les principales victimes, en nombre tout comme en véhémence, ce sont les Rroms et autres « nomades » ou « migrants » abusivement assimilés, pourtant plutôt majoritairement chrétiens à présent, et qu’ils soient blonds aux yeux bleus n’y change rien. Attention, les Rroms puissants, riches et distingués sont fort bien, davantage que tolérés, accueillis, choyés. Ceux-là pourraient d’ailleurs afficher des crucifix rutilants, ostentatoires, que cela ne modifierait pas vraiment la donne. L’accolade est libéralement aussi donnée à tout cheikh disposant de cartes de crédit premium ou platine, fusse-t-il esclavagiste. Si on élargit le propos, le plus détesté, c’est même le « petit blanc » (notion colonialiste) qui ne sait pas se tenir, devient considéré indigne car « mal pauvre ». Tant bien même, par exemple en Bretagne, s’agisse-t-il d’un Breton depuis de multiples immémoriales générations.
Acceptons certes « les divergences de point de vue sur la laïcité, sur la vision émancipatrice ou oppressante des religions ». Pas au point d’affirmer une solidarité envers cette jeune citoyenne de Trappes, ou à l’égard des Égyptiennes ou Égyptiens coptes, parce que musulmane ou égyptiennes, égyptiens chrétiens. Il y a des cultes pour cela…
Le Colloque des musulmans de l’espace francophone, tenu à Dakar voici quelques jours en présence de Tariq Ramadan a permis à ce dernier de prêcher le « jihad du dialogue ». Sur des bases qui n’ont absolument rien d’islamo-gauchiste mais peuvent entretenir la confusion. Faut-il gober ce discours très, très proche de la défense et illustration d’un mythique califat unificateur ? Lequel califat, s’il se concrétisait partiellement, préférera toujours un Pinochet musulman à un Allende qui le serait forcément moins car véhémentement désigné mauvais croyant.
Quelle est donc la différence fondamentale entre ce « jihad du dialogue » (intermusulman pour Tariq Ramadan) et la mise en retrait du « combat contre les pratiques religieuses » que suggère Sami Battikh ? En quoi, avec Jean-Luc Mélenchon, considérer que l’islam n’est certes pas le problème prioritaire en France, obligerait-il à ne plus supputer que « porter le voile, c’est s’infliger un stigmate » (propos du même J.-L. Mélenchon), tout en sachant fort bien que c’est vécu et pensé fort différemment, diversement, par les intéressées ? Ce n’est certes pas « parole d’évangile », immuable, irréfutable, et cette appréciation ne vaut aucunement approbation passive d’actes visant des musulmanes ou musulmans. L’agression de Trappes n’est pas inqualifiable : elle est sexiste et xénophobe (et en sus, imbécile ; surtout si Aissetou aurait été, de manière diffuse ou appuyée, incitée à ou contrainte porter un foulard), doit être dénoncée pour telle.
Ne peut-on plus énoncer que les religieuses chrétiennes, à présent le plus souvent dévoilées en France si elles ne sont pas cloîtrées, restent et chrétiennes et religieuses : pourquoi l’islam ne s’en inspire-t-il pas ? Serait-ce vraiment alimenter l’islamophobie de le suggérer aux croyants en Mahomet et en sa description des volontés présumées d’une mystérieuse entité ?
Ne peut-on redouter que toute reculade soit exploitée par les plus islamistes d’entre les islamistes, ce qui d’ailleurs, pourrait renforcer l’islamistophobie des populations musulmanes, ce qui se vérifie par exemple en Tunisie ?
Cela ne m’empêche pas de comprendre la déclaration de l’ex-Femen tunisienne, Amina Sboui, qui n’en a pas moins dérapé en supputant que le mouvement soit financé par le très théocratique État d’Israël (qui a beaucoup fait pour favoriser activement et financièrement parfois la montée de l’islamisme dans la proche et grande région). Je ne suis absolument pas sûr, comme le soutient Inna Shevchenko, qu’Amina Sboui jouerait « le jeu des islamistes (…) qui s’en serviront comme exemple auprès des femmes dans les pays musulmans ». Même parmi les islamistes tunisiens, il s’en trouve pour souhaiter le retrait d’Ennahdah, et ce non pas pour se montrer plus islamistes encore. Amina Sboui en a peut-être tenu compte. Parmi les musulman·e·s non-islamistes, il s’est trouvé des gens pour soutenir Amina Sboui ou, au moins, réclamer une plus grande clémence et sa libération sans délai.
On commence par mettre en retrait la dénonciation de l’obscurantisme, on finit par ne pas trop s’offusquer si un Jean Zaganiaris (qui enseigne à Rabat et aborde les études de genre) se retrouve mis au placard ou limogé (ce qui n’est heureusement pas, que je sache, d’actualité). Ce n’est certes pas là le mauvais procès que j’intente à Sami Battikh, car telle n’est pas son intention.
Michel Tonarelli, qui prêche l’apartheid antimusulman dans Riposte laïque, estime que son instauration entraînerait des effets détestables : « il y aurait probablement un peu de casse au début mais on n’a rien sans rien. ». À Trappes, il a eu, obtenu ce qu’il soutient. On oserait espérer de sa part et son hébergeur une timide expression de regrets, une esquisse de contrition. Attendons (pas trop longtemps, ce pourrait être fastidieux). Ah oui, au fait, le foulard : bientôt, des excités en viendront à rosser des adolescentes, jeunes filles et femmes sous chimiothérapie ? On y a réfléchi dans vos cénacles ?
Mais ne nous trahissons pas. Ce serait aussi donner du champ aux xénophobes, et délaisser les agnostiques, les musulmanes et musulmans vivant intérieurement leur religion, que ces mêmes xénophobes stigmatisent du fait de leurs (parfois lointaines ou fortement distanciées) origines.
Avec Maryam Namzie, Iranienne, qui dénonce l’islam politique, redisons fermement que celles et ceux qui critiquent les religions ne sont pas hostiles à toute personne affirmant une appartenance religieuse. « Si c’était le cas, les adversaires du travail des enfants seraient des ennemis des enfants, les adversaires de l’excision les ennemis des jeunes filles et des femmes mutilées, les adversaires de la pauvreté les ennemis des pauvres, les critiques du sionisme des antisémites, &c. ». Ainsi l’exprimait-elle en 2004, ainsi le conçoit-elle en 2013.
Dans Libération, Jean Zaganiaris relevait que des logiques « culturalistes et différencialistes » amenaient à faire en sorte que « l’attachement à la religion islamique [soit] admis sur le mode de l’allant de soi comme faisant partie intrinsèquement, voire naturellement, du mode de vie des peuples ”arabo-musulmans”. ». Il dénonçait aussi les agressions racistes visant des musulmanes, à fort juste titre. Peut-être que mon refus de mettre en retrait la critique de l’islam relève d’une sorte de frontière du type de « celles que l’on construit arbitrairement dans sa tête ». J’assume.
Peut-être que, si un véritable accroissement des actes islamophobes violents ou vexatoires est constaté encore dans quelques mois, assumerais-je moins aisément. Question de perception ; et j’admets que celle de Sami Battikh puisse le porter à mettre un coin du mouchoir dans sa poche. Mais il subsiste d’autres manières « d’isoler véritablement » les xénophobes islamophobes.
Oui, on peut relayer l’estimation hypothétique de l’Observatoire de l’islamophobie (proche du CFCM), qui s’interroge sur la manière dont la jeune défenestrée a été épaulée ou peut-être intimidée, décontenancée, déstabilisée par l’attitude de la police locale. Sihem Souid est interpellée implicitement ; souhaitons que le Comité national d’éthique de la sécurité qu’elle envisage se concrétise et puisse se pencher sur ce cas. Mais oui, on peut aussi souhaiter à cette jeune fille le plus complet rétablissement tout en faisant part de réticences à voir aussi se renforcer le port du voile (et même du foulard) sans que cela équipolle à de la réprobation (au sens de blâme ou d’exclusion). Nul besoin de commencer à se renier, se taire. Aissetou, jeune femme en souffrance, en interrogation sur ses capacités futures à vivre comme toute autre personne valide, que je souhaite ardemment rétablie au mieux, je n’ai pas à vous présenter d’excuses… Mais je vous fais part de l’expression de ma sympathie et de mon vif souhait que vos agresseurs soient sanctionnés et surtout mis face à leurs responsabilités, incités à une prise de conscience.
À propos de la Syrie, Marine Le Pen estime que François Hollande « [i]choisit les islamistes[/i] ». C’est aussi mûrement réfléchi que d’écrire que Marine Le Pen choisit les islamistes et ayatollahs chiites alaouites. Cela étant, je suis très circonspect sur cette évolution.
« Ce droit n’a pas à être défendu en France, il est plein et entier, et ses restrictions ne s’appliquent qu’à des sectes »———–> Je me permets de te faire apercevoir que tu fais erreur, le droit d’exercer une religion en France est interdit publiquement, sauf dans le cadre privé ou associatif (les sectes également sont interdites comme tu as dit), ce qui veut dire que sur la place publique nous ne reconnaissons aucune religion quelle qu’elle soit. La laïcité est la garante de la démocratie, la neutralité salvatrice par excellence et nous nous devons de préserver ce socle qui constitue notre république, je comprends que cela peut être dur à comprendre pour certains qui souhaitent vivre pleinement leur religion, mais ils ne peuvent le faire que selon la définition de la loi laïque. Nous avons le devoir et là je m’adresse à tous les français de souche ou d’origine étrangère de comprendre ce principe car il est la garantie du maintien de la paix au sein de notre société, ne pas le respecter nous expose à ce qui nous avait justement conduit en 1905 à faire voter cette loi qui je dois le dire est une loi pleine de bon sens, car finalement elle aide les gens à mieux s’accepter car elle efface les différences souvent à l’origine de l’intolérance !
Jef Tombeur est amoureux , mon petit doigt me dit qu’il va aller de désillusion en désillusion …