C’est fort contrit, presque navré, que le très sincère Dr Robert Spitzer a fini par admettre que l’inversion, qu’il ne prenait pas du tout pour une maladie mentale mais un trouble de comportement, ne pouvait être réversible, sauf si le sujet en décidait de lui-même… L’impact sera considérable : Robert Spitzer faisait vraiment autorité, auprès des groupes religieux notamment, et bien au-delà. Ouf. Et ouf aussi en constatant que la tribune libre du Monde plaidant pour la consécration de l’union libre (à deux, trois ou davantage) par un contrat universel civil n’émane pas d’un membre du gouvernement français mais d’un simple écrivain essayiste sans étiquette politique particulière…
En bon libre penseur, enfin, je m’estime l’être, j’ai toujours considéré que les mœurs sexuelles entre adultes consentants ne regardaient qu’eux-mêmes et lorsque le pacs a été instauré, j’ai regretté qu’il se limite à une sorte de mariage bis entre deux seules personnes, « sacralisant » une fois de plus le couple.
Mais bon, c’était à la fois une avancée sociale et aussi un recul, notamment pour les célibataires dont les impôts doivent compenser les avantages consentis aux pacsés.
C’est en raison de ces avantages que des sœurs ou des frères contractent un pacs, que leurs rapports intimes soient ou non incestueux : vivre entre sœurs, frères ou frère et sœur ne désigne pas à l’opprobre des bien-pensants…
Mais pourquoi donc, dans une fratrie de trois, ne pouvoir contracter un pacs trioliste ?
Ne revenons pas sur les avantages ou particularités des divers contrats de mariage ou du pacs en matière fiscale, de succession, &c., mais tentons déjà de voir quelles réticences pourraient s’opposer à l’adoption d’un contrat universel civil beaucoup plus élargi que le pacs.
Dans les universités, on est passé des « études féministes » à celles dite « de » ou « sur » le genre. Les tenantes et tenants des mouvements lesbitrans n’y sont pas pour peu, et ils ont fini par convaincre très largement du fait que le genre est affaire personnelle. En fait, il n’y a guère que la question de la prostitution, consentie ou non, qui fait vraiment encore débat dans ces cercles qui s’appuient sur des études concrètes.
Par ailleurs, Onfray et d’autres ont plaidé que les situations pluriamoureuses peuvent être viables et durables, y compris pour les bissexuel·le·s, ce qui n’est pas vraiment nouveau : l’histoire des mœurs en offre des exemples bien antérieurs.
Incurables…
Le pacs a été contré par nombre de partisans de l’idée que l’homosexualité était une inversion contre nature et maintes chapelles religieuses pour lesquelles, hors du mariage, un couple vit « dans le péché ». Non seulement des asexuel·le·s ne vivent pas vraiment, d’un point de vue religieux, dans le stupre et la fornication, mais du point de vue des tenants des politiques natalistes, leur contribution est fort faible généralement, sauf cas d’adoption(s).
Un présupposé vient de tomber… Non seulement les gays et les lesbiennes ne sont pas des malades mentaux, ce qu’avait fini par faire admettre, après 1973, le Dr Robert Spitzer, mais, selon le même, leurs inclinations ne sont pas réversibles par un quelconque traitement, tant bien même serait-il librement consenti.
Cela ne veut bien sûr pas dire que des bisexuel·le·s ne peuvent varier dans leurs vie(s) en couple(s) mais, après avoir soutenu, pendant toute une décennie, qu’une « thérapie réparatrice » pouvait être efficace si consentie (tout traitement de ce genre implique l’adhésion du ou de la patiente), Robert Spitzer vient d’admettre publiquement qu’il s’était trompé sur toute la ligne. Lui-même et ses praticiens psychiatres se sont vus longtemps adresser des cas par des églises à compter de 2001, date de la parution de son enquête statistique « prouvant » qu’une orientation sexuelle pouvait être réversible dans le « bon sens ». Dans une contribution aux Archives in Sexual Behaviour, il adresse ses sincères regrets à toutes celles et ceux qui ont gaspillé « leur temps et leurs énergies » en pure perte. En fait, la plupart soient mentaient, soit se mentaient en toute bonne foi. « Il n’y avait aucun moyen de déterminer, résume-t-il, si les déclarations des sujets étaient vraiment valides. ». De plus, la dite thérapie pouvait induire des dépressions, voire des comportements suicidaires.
Que faire ?
Lénine ne s’était pas posé très fort cette question : que faire donc des homosexuel·le·s ? De fait, il n’est rien d’autre à faire que de les laisser décider de leurs modes de vies, et elles et ils doivent pouvoir avoir les mêmes droits que d’autres concitoyen·ne·s.
Par principe, je m’oppose (très mollement) aux mariages gays ou lesbiens, considérant que le mariage est une institution non pas périmée, mais que tout·e un·e chacun·e doit pouvoir contracter les obligations qu’elle ou il consent : un passage devant un notaire devrait suffire. Ensuite, libre à toutes et tous de fêter l’événement en blanc, rose, bariolé, latex noir ou je ne sais quoi. Il se trouve déjà des imams pour bénir ce type d’union, c’est déjà le cas pour partie croissante dans la chrétienté.
Par ailleurs, j’estime que le mythe du « vote lesbigay » va bientôt s’estomper. Quelle que soit l’orientation sexuelle, plus on banalisera les liaisons homosexuelles, ce qui est déjà largement fait, davantage les autres questions prendront le dessus (retraites, imposition, sécurité, emploi, &c.). Les déclarations sur les prétendues « racines chrétiennes » de la France n’ont pas empêché des gays ou des lesbiennes de voter pour Sarkozy et même pour Marine Le Pen…
Si la gauche devient majoritaire, elle tirerait une épine du pied de l’opposition UMP en instaurant le projet de Lionel Labosse qui a publiéLe Contrat universel : au-delà du « mariage gay » (éds À poil… à gratter). On peut se référer à sa tribune dans Le Monde mais aussi, sur la question sous-jacente de la parentalité, une critique pas trop obtuse d’Henri Guilbaud sur Mediapart.
Certes, des député·e·s d’opposition voteraient contre en s’offusquant publiquement, d’autres, de la majorité aussi, s’abstiendraient. On peut conter sur l’ingratitude de l’électorat : la droite pourrait récupérer plus facilement « ses » gays et lesbiennes lors des futures élections.
Et puis, en libre-penseur pragmatique et empirique, j’estime qu’en la matière on ne peut estimer les avantages et effets pervers d’une mesure sans l’avoir expérimentée. On pourra rétorquer que le contrat universel a déjà été éprouvé, soit dans la préhistoire, soit de manière détournée, et que la plupart des sociétés s’en sont départies. Faible argument : avant l’absolutisme de droit « divin », avant la féodalité, bien d’autres modes de gouvernement et de vivre ensemble ont été expérimentés, mais le consensus actuel dans nos sociétés a varié.
Remarques de bon sens
La crise, qui ne sera sans doute pas résolue par une croissance indiscriminée, si tant était qu’elle soit encore possible, « condamnera » sans doute le plus grand nombre à tenter de « mutualiser » les dépenses quotidiennes. De « nouveaux » types de cohabitation s’instaureront (les grands appartements des immeubles dits à l’allemande de Strasbourg ont longtemps accueilli jusqu’à des demi-douzaines d’étudiantes et étudiants ; c’est toujours et encore plus fréquemment la règle pour nombre d’adultes dans le Grand Londres, du fait de la cherté des loyers).
Pourquoi donc ne pas légaliser diverses sortes de « règlements intérieurs » de la vie commune par un contrat universel ?
Le pacs est majoritairement contracté par des hétérosexuel·le·s : il présente l’avantage d’être beaucoup moins coûteux que le mariage, surtout en cas de rupture de la vie commune.
Labosse relève aussi que ce contrat éviterait aux couples binationaux de se marier « pour espérer la naturalisation ». Ce n’est pas anodin : il faut désormais cinq ans de vie commune et si l’un des deux conjoints doit se déplacer longuement et fréquemment, l’enquête préalable, de plus en plus minutieuse, peut conduire à un faux verdict d’intention de mariage blanc.
« N’y a-t-il pas un abîme entre condamner la polygamie sexiste et cantonner au nombre de deux les unions légales ? », s’interroge Labosse.
Son argument majeur, à mes yeux, est le suivant : « des mini-communautés, des familles élargies, des cohabitations d’immigrés tentant d’échapper à la rapacité de marchands de sommeil pourraient acquérir ensemble un lieu de vie et créer une union pérenne. Il me semble inéquitable que des paires de personnes bénéficient de déductions d’impôt et d’avantages divers sous le seul prétexte qu’elles sont soit mariées, soit pacsées, au détriment des célibataires. ».
Notez que, du fait de la précarité, beaucoup de personnes vivant en couples hétérosexuels hésitent à se pacser : l’un·e peut perdre l’avantage d’une non-imposition si ses revenus sont vraiment faibles tandis que ceux du ou de la conjoint·e sont confortables, au moins pour la ou les prochaines années fiscales, la situation pouvant être réversible mais provoquer des tensions dans le couple.
Je me souviens certes des tentatives de crèches ou « jardins d’enfants » autogérés qui étaient aussi des lieux de vie pour les adultes optant pour la communauté élargie. Je ne sais même pas s’il en subsiste ou s’il s’en crée d’autres, mais j’imagine que fort peu sont pérennes. Et l’emploi alors ? Il est pérenne ?
Faire chuter les divorces
Combien de surendetté·e·s du fait des divorces ? Combien d’amants ou de maîtresses se retrouvant dans la détresse ? Ou de conjoints soudain démunis ? Le pacs a fait fléchir le nombre des divorces (40 000 en 1970, près ou un peu plus de 130 000 dans les premières années 2000 et un taux de 45 %). En Suisse, le taux dépasse 51 %, les candidat·e·s pouvant se dispenser d’avocat. Entre autres, depuis 2007, Françaises et Français peuvent divorcer dans l’Union européenne, hors Danemark mais même depuis 2011 à Malte, plus ou moins à leur guise : un comparatif des coûts serait le bienvenu.
Fin 2007, l’UMP avait proposé une déjudiciarisation du divorce, les notaires se substituant à la justice.
Mais n’est-ce point prendre le problème par le mauvais bout ? C’est entre les deuxième et sixième années de mariages que se situent les pics des divorces. Pourquoi ne pas instaurer ce type de contrat, tout en conservant – si l’on y tient tant – le mariage à partir de la septième année de vie commune ?
Les hôteliers se réjouiraient sans doute de l’instauration d’une seconde « lune de miel ».
Je ne sais si ce contrat repousserait le trop souvent prématuré ultimatum du « c’est elle/lui ou moi » que d’aucunes et d’aucuns finissent parfois par regretter amèrement.
Mais est-ce vraiment à la loi de décider de l’intime ? Relevons aussi que, dans l’Union européenne, le taux des naissances hors mariage dépasse le tiers (37,4 %), l’Italie et la Pologne tirant cette moyenne vers le bas, et la faible population de l’Estonie (59,2 %) ou de la Suède ou de la Bulgarie ne compense que faiblement en sens inverse ( France 2009 : 52,9 %).
Ne vaut-il pas mieux un contrat souple que rien ?
Si une nouvelle loi sur le mariage ou le pacs devait intervenir, autant reprendre aussi la proposition de l’UMP (en encadrant les honoraires des notaires), ce qui ne soulagerait pas forcément les employé·e·s des mairies ou les élu·e·s (plutôt contents, pour certain·e·s de célébrer aussi des baptêmes républicains et fidéliser ainsi l’électorat). C’est déjà le cas pour le pacs, ce qui désengorge d’autant les tribunaux d’instance.
Cette extension du pacs fera sans doute hurler dans certaines chaumières, hypocritement ou non. Il serait sage d’attendre l’issue du second tour des législatives pour légiférer.
Mais en tout cas, s’il y a débat préalable, autant s’informer plus avant. Le site Altersexualité (.com), auquel collabore Lionel Labosse, détaille son point de vue… Les sites critiques du pacs pullulent, vous saurez les trouver… tout comme ceux des gays ou des lesbiennes en faveur du mariage homo… En ce domaine comme en tant d’autres, convictions et impulsions gagnent à être étayées…
[i] »l’UMP avait proposé une déjudiciarisation du divorce, les notaires se substituant à la justice »[/i] [b]on se marie devant un maire et c’est donc cet officier d’état civil qui doit enregistrer le divorce (seulement en cas de consentement mutuel sans enfants et ce sans aucun frais) les autres cas se réglants (hélas) devant un tribunal (avec frais)[/b]