« Honte au MRAP ! » dont le Front national « ne laissera pas impunie la diffamation… ». Z’y va donc, encore une menace de poursuite judiciaire qui sera ou non suivie d’effet (soit un dépôt de plainte, et dans ce cas, une condamnation ou non). De son côté, Dominique Strauss-Kahn, via un proche, Ramzi Khiroun, poursuit Tristane Banon, tout comme Brigitte Guillemette, l’ex-épouse de DSK. Éric Besson a aussi la plainte facile (il gagne ou perd, ou abandonne, comme dans le cas de l’affaire de son voyage à Capri révélée par le défunt hebdo Bakchich). Tant d’autres…

Certains jouent en bourse, d’autres instrumentalisent le pouvoir judiciaire, menaçant de poursuivre leurs contradicteurs, « oubliant » ou non de déposer une plainte, voire la retirant selon le sens du vent.
Ce n’est pas que cela soit si lucratif, mais cela sert de contre-feu ou permet d’obtenir des retombées médiatiques.

Dans le cas de Tristane Banon, on peut se demander pourquoi elle n’a pas été poursuivie pour dénonciation calomnieuse depuis belle lurette. Peut-être pour ne pas la piquer au vif et aboutir à ce qui se produit : tant et tant de personnalités médiatiques ou politiques entendues pour tenter de tirer l’affaire au clair sur le fond.

Dans le cas récent du MRAP qui a estimé que des partis « si proches idéologiquement » ont « alimenté le terreau » qui a provoqué le drame d’Oslo et peut en provoquer d’autres, le raisonnement est soit parfaitement juste, soit parfaitement faux.
On peut estimer que l’embourgeoisement et la gentrification des formations politiques prônant des mesures annoncées radicales peut encourager des extrémistes à se sentir « mieux compris » d’une plus large partie de l’opinion. Ou l’inverse.

Les Madelin et Longuet d’hier (et tant d’autres issus de l’extrême droite à présent assagis) auraient peut-être applaudi secrètement Anders Bhering Breivik, dit « le tueur d’Utoya », tout comme, sur un site comptant de nombreux partisans du FN, soit Français de souche, on peut lire que « le type [A. B. B.] a des arguments plutôt cohérents (…) évidemment les journalistes l’attaquent sur la forme, pas sur le fond. ».

L’argument contraire est recevable : l’idéologiquement « lisse » Marine Le Pen ne serait plus à la tête d’un parti d’extrême droite mais d’une formation qui lutte « de façon acharnée contre toutes les formes de violence et de barbarie. ».
L’objectif de la plainte du FN est double : faire parler de soi, plus ou moins museler les « petits journaleux » et même le braillard du café du Commerce. Non accessoirement, sans pour autant trop mécontenter les éléments radicaux qui ne se sont pas déjà détachés du FN, Marine Le Pen, qui n’adresse pas ses condoléances au parti travailliste de Norvège, mais « au peuple norvégien », réaffirme (en interne) la validité de sa ligne : le FN est devenu un parti comme les autres, qui saura se faire respecter. Son communiqué visant le MRAP se préserve d’ailleurs fort bien de débattre avec ce mouvement associatif sur le fond.

Il est particulièrement pénible d’entendre Bruno Gollnisch, toujours au FN, évoquer Richard Durn, qui avait tiré sur des conseillers municipaux « Verts » à la mairie de Nanterre : « il était membre des Verts et on n’a pas dit que les Verts étaient responsables. ». Évidemment, si un séide plus ou moins allumé de Gollnisch allait faire un massacre au bureau politique du FN, estimé devenu trop peu radical, on n’irait pas écrire que c’est la faute de Marine Le Pen. De même se préserve-t-il bien d’évoquer la fascination de Richard Durn envers Baruch Goldstein, Israélien extrémiste, qui a massacré 29 musulmans dans une mosquée. Eh, pour des raisons controversées, une partie de la base du FN éprouve à présent quelque indulgence envers l’extrême-droite israélienne (d’autres contestant cette « dérive »). Mais comme Richard Durn s’était opposé aux Serbes en Bosnie (à majorité musulmane), Gollnisch aurait tout aussi bien pu faire de ce déjanté un « islamophile », sans pour autant bien sûr « dire que les musulmans étaient responsables. ».

Sur le fond d’ailleurs, Richard Durn confiait : « ils prétendent faire du social, et habitent dans des cinq-six-sept pièces, alors que dans leur ville des gens dorment dans la rue… ». Le FN cultive à présent sa fibre sociale : attention, parmi les contributeurs de Fançais de souche, il pourrait bien se trouver quelqu’un qui finira par considérer qu’un Durn avait « des arguments plutôt cohérents. ».

Je ne suis pas allé voir du côté de Riposte laïque pour vérifier si les thèses de Behring Brivik, sur l’incompatibilité de l’islam et de la démocratie républicaine, avaient quelque fondement « cohérent ». Riposte laïque préfère s’en prendre à Patrick Lozès du Cran (Conseil représentatif des organisations noires, ex-UDF, potentiel candidat à la présidentielle). Lequel n’assignera sans doute pas RL en diffamation, pour ne pas lui conférer trop d’importance… jusqu’à ce qu’il estime que RP peut entrer dans son plan de communication.

Il y a quand même quelques nuances d’appréciation entre l’ex-identitaire Maxime Brunerie, auteur de l’attentat contre Jacques Chirac (14 juillet 2002), et Anders Bhering Breivik, qui dégomme de futurs cadres « marxistes », dont des pré-adolescents. Dans son cas d’ailleurs, on ne le suspectera pas d’avoir été influencé par les francs-maçons (dont il était un maître), lesquels prêtent serment sur la bible, le coran et un « livre blanc ». Gollnisch n’ira pas « dire que les francs-maçons étaient responsables. ».

Mais le petit jeu consistant à se faire chat ou souris selon qu’on veut appâter le chat pour le traîner en justice ou coincer la souris devant les tribunaux, celui-là peut continuer, que l’on soit d’un bord ou de l’autre, du MRAP ou du FN. Tout est question de fignolage, dans la préparation, homéopathique ou non, des légères provocations, dans la formulation des ripostes graduées ou de destruction massive.

On peut donc admettre avec Gollnisch qu’il « n’y a pas de responsabilité collective » même s’il fait doucement rigoler lorsqu’il énonce que « jamais un forfait aussi abominable n’a trouvé de justification dans la doctrine chrétienne. », (entretien avec Libération). Pour un historien du droit, qui doit s’être penché sur les Croisades, la justice ecclésiastique, la Réforme et la contre-Réforme, c’est cocasse. Voici donc encore un lecteur de la bible (ou d’une bible parmi d’autres) qui n’en conserve que ce qui l’arrange.

La tirade de Gollnisch sur le rôle du FN vaut d’être citée intégralement…

« Le Front National a un rôle pacificateur, comme toutes les grandes formations responsables de droite nationale, qui ne s’en sont jamais prises à la personne des immigrés. Sans elles, compte tenu de l’exaspération d’un certain nombre de gens vis-à-vis des violences commises par des étrangers, il y aurait sans doute de la frustration, de la vengeance, des actes criminels. Le rôle d’un parti politique est d’exprimer ces tensions dans l’enceinte d’un parlement pour ne pas qu’elles s’expriment dans la rue… ». D’un côté on encourage et conforte dans le bien-fondé de ses opinions, de l’autre on décourage : c’est bien l’UMFNPS.

Remplacez d’ailleurs « droite nationale » par « gauche internationaliste », c’est du pareil au même. Ce qui n’empêchera pas Gollnisch ou Bernard-Henri Lévy, Bernard Carayon (UMP-Droite populaire), de nous ressasser les crimes de masse de Staline, Pol Pot, et quelques autres. De ce fait, « on » devrait (ou devrait-on ?) les traîner plus souvent en diffamation…

Le FN s’estime donc diffamé par le MRAP. Pas que par le MRAP, mais par aussi un peu tout le monde…

Marine Turchi, pour Mediapart, recense « Les recours en justice, nouvelle arme du FN ». Du fait que Marine Le Pen ne dit ni ne propose rien d’extrême, tout ce qui évoquerait son parcours et les anciennes stances du FN mérite d’être « systématiquement poursuivi. ». Elle n’a pas pu faire état des considérations de Nicole Guedj, ancienne collaboratrice du regretté Bernard Stasi à l’UDF, devenue secrétaire d’État chargée des biens immobiliers du ministère de la Justice (et des prisons privées avec Alexandre Jevakhoff ? Il faudrait vérifier les dates). Cette dame siège au bureau politique de l’UMP, avec la Droite populaire. Elle évoque l’idéologie «  nazie » de diverses formations européennes sur son blog, mais depuis peu (voir les commentaires ci-dessous).

Donc, que ce soit pour diffamation ou injure, récemment, Georges Tron, Rama Yade, Jean-Luc Mélenchon, France Télévisions, le MRAP, Caroline Fourest et Fiammetta Verner (bientôt, à qui le tour ?), se retrouvent poursuivis. Jean-Yves Camus, politologue, estime « Le Pen père avait le cuir plus dur, il admettait qu’en politique, on prend des coups. » et que « le FN (…) fait des procès d’opinion. ».

Attention Camus ! C’est injurieux, cela.

Mais, cité par Mediapart, il ajoute : « L’arme pourrait se retourner contre Marine Le Pen (…) Si cela devait aller plus loin et toucher les chercheurs qui travaillent sur le FN par exemple, Marine Le Pen risquerait de voir sa surface médiatique diminuer, car ceux-ci ne s’exprimeraient plus. ».

Et les journaleux, donc ! Continuons donc à faire « le jeu » du FN : et tant qu’à faire, tentons de se faire inviter à dîner par Le Pen Jr, histoire de jouer aussi au chat et à la souris. Car d’un autre côté, Marine Le Pen cultive la presse… Pas trop : elle a refusé toute photo de vacances en Bretagne. Tout est dans le dosage, le choix de l’instant.

Steeve Briois reprend l’argument de Gollnisch : « En 1998, un élu Verts a tué l’amant de sa femme de 42 coups de couteau. Est-ce qu’on va dire que les Verts sont un parti de tueurs ? ». Ce n’est d’ailleurs certainement pas le FN qui tirerait de l’affaire DSK la conclusion qu’elle marque la faillite de la « gauche morale ». La responsabilité reste individuelle.

Mais effectivement, pour spectaculaire qu’il soit, le carnage d’Utoeya a été précédé de maints autres (je me souviens d’un villageois du Doubs qui tirait sur tout ce qui bougeait dans la rue principale, d’un « Rambo » rémois condamné pour avoir tiré sur des policiers, style duel à OK Corral…), et en précédera d’autres. Pas forcément du fait d’extrémistes voulant contrer un « virage à gauche » (par exemple celui du Parti du Progrès de la Norvégienne Siv Jensen, qui incarne à la Scandinave – dirigisme économique exclu – la ligne nouvelle du FN) ou un « virage à droite » (pas de danger pour l’UMP, celui de la Droite populaire passe très bien à la base). Assurément aussi, une fois ou l’autre, pour cette raison.

Cela suggère au chercheur Erwan Lecœur cette réflexion recueillie par Marine Turchi : « le risque existe qu’un ancien du FN, déçu par Marine Le Pen, s’engage dans un délire de loup solitaire, où se confondent théories du complot, religion, jeux vidéo, références intellectuelles de seconde zone trouvées sur Internet. Ce sont les nouvelles croisades de ces templiers perdus dans les banlieues qui veulent restaurer l’honneur ethnique… ». Dans les banlieues ? Mais c’est toute La Banlieue qu’on diffame ! Et la ruralité, alors, elle pue le lisier ? Elle ne génère que de paisibles chasseurs et pêcheurs épris de nature et de traditions ? Finalement, le MRAP énonce-t-il vraiment autre chose ? Ah oui, mais mettre cause la ruralité serait s’exposer à des poursuites de la part de CPNT.

Ce « loup solitaire » sera-t-il Laurent Ozon qui d’un côté condamne « l’acte odieux » de Norvège, de l’autre dénonce la multiplication par six d’une immigration qui « explose » dans ce pays (mes amis binationaux franco-norvégiens apprécieront ; l’équivalent de l’Inséé norvégien de même). Eh, il y a fort à parier que non. Laurent Ozon sait ménager la chèvre et le chou et incarne « le rôle pacificateur » que Gollnisch attribue au FN. Mais aussi, à l’occasion, son contraire, mezzo voce.

Il faudrait savoir. Le FN est-il devenu un grand parti social populaire qui n’a rien contre les étrangers en eux-mêmes ? Dans ce cas, qu’il s’engage à octroyer la nationalité française à tous ces étrangers qui travaillent honnêtement, n’ont rien à se reprocher. Cela lui permettrait de remporter encore, à l’occasion, quelques justifiés, mais plus rares, procès en diffamation. Cela crédibiliserait Riposte laïque.

Il serait tentant de renvoyer dos à dos le MRAP, le Cran, quelques autres, et le FN : clientélisme contre clientélisme – bonnet blanc-bleu contre bonnet rose-blanc, mais toujours bonnet – pacifiant ou attisant les clivages au gré du vent des opportunités et occasions de brandir le bonnet. Jamais vraiment au bout d’une pique, mais opportunément cocardé d’une assignation.

Après avoir fait « le jeu » du FN (en lui consacrant cette rubrique), se pencher sur les dérives du débat politique ferait-il forcément celui des extrêmes ou des abstentionnistes ? Ces derniers n’en consomment pas moins, donc rejettent des déchets, et tout comme les résidants, les binationaux, s’adressent aux mairies pour se plaindre des fientes de pigeons, souhaitent des usines d’incinération sises chez… leurs voisins les plus éloignés.

Marine Le Pen élue à 50,01 % des exprimés représentant 15 % du corps électoral. Puis une majorité cohabitante rose-vert-grise violacée incluant des dissidents UMP ayant senti le vent… À elle l’Airbus présidentiel, et après le déluge !

Relever cette stratégie bien partagée fait tout simplement le jeu du débat démocratique, lequel gagnerait à ne point trop recourir à tout instant à l’instrumentalisation de la magistrature (car pour la Justice, qui varie selon que les uns ou les autres emportent le pouvoir, ou serait immuable et immanente idéalement, autant ne pas l’évoquer trop fort et à n’importe quel escient).

P.-S. – qui n’a bien sûr rien à voir : à Épinal, le sosie de Gainsbourg (Denis C., 46 ans) a poignardé l’impersonnateur d’Halliday (Michel P., 50 ans). Johnny « Vegas » bis pas si good titillait sans cesse Gainsbarre revisité version spinalienne. C’est dommage, ils auraient pu jouer dans La Ferme des Célébrités, se chamailler tels des élus dans les hémicycles, puis rigoler ensemble à la buvette en laissant leurs avocats donner de la voix dans les prétoires. Pas de cheveux longs, pas forcément des idées courtes, mais pas non plus vraiment les moyens de payer des huissiers avec les fonds de leurs paroisses respectives… Mais ils avaient confondu la scène et la « vraie vie ». Là non plus, pas de responsabilité collective, n’est-il point ?