Lorsque Madame Christine Lagarde dit qu’il n’y a pas d’inquiétude sur les banques françaises, soit elle ment (en connaissance de cause car elle a un rapport sur la situation des banques mais elle ne veut pas alarmer l’opinion), soit elle reprend les discours des patrons des plus grosses banques françaises (qui ne lui disent peut-être pas toute la vérité, sinon ils publieraient leurs comptes détaillés arrêtés à fin septembre).

 

Quand elle affirme que les banques françaises ont les meilleurs ratios sur fonds propres, elle veut certainement parler de ratios de solvabilité ou plus particulièrement du ratio fonds propres réglementaires / risque de crédit, de marché et opérationnel, qui doit être au moins égal à 8 % d’après les recommandations des accords de Bâle II. Or, c’est à moitié vrai car les banques françaises ont bien des ratios de 7,5 % à 8,5 % considérés comme convenables par nos banquiers – les banques européennes sont plutôt inférieures à 7 % –, mais insuffisants comparé aux banques britanniques « nationalisées » par l’Etat et aux autres banques d’affaires dont le ratio de fonds propres durs (ou Tier-1, noyau dur de leurs capitaux propres) doit être porté à 11,6 % dans le cadre du plan de sauvetage britannique des banques du pays.

 

Ce qui signifie que si les dépôts placés dans les banques françaises fondent comme neige au soleil – des transferts de fonds ont été opérés depuis le début de l’année vers la Banque postale pour un montant qui doit avoisiner les 10 à 20 milliards d’euros environ avec l’ouverture de 260 000 comptes en 9 mois –, les banques vont voir leur ratio sur fonds propres s’effondrer. Auxquels s’ajouteront les pertes sur actifs financiers (qui ont perdu entre 50 et 75 % de leur valeur, due à la chute des cours de Bourse, -44 % depuis le 1er janvier), qui viendront en diminution des fonds propres. Ce qui les obligera à lever des fonds d’autant plus importants pour se recapitaliser et répondre aux critères de Bâle II.

 

« Pour les banques continentales, c'est un nouveau casse-tête qui s'annonce. Elles affichent aujourd'hui, avec 660 milliards de capitaux, un Tier-1[1] moyen de 8,3 % – la réglementation européenne fixe un minimum de 6 %. Si le seuil de confiance nécessitait désormais un ratio de 10 %, elles devraient lever pas moins de 130 milliards d'euros, soit 19 % de leur capitalisation boursière. La note serait dure à avaler, en particulier pour DnB Nord, qui devrait lever 39 milliards d'euros, soit 79 % de sa capitalisation boursière, pour Handelsbanken (30 milliards d'euros, soit 31 % de sa capitalisation), pour UniCredit (14 milliards d'euros, soit 32 % de sa capitalisation), et même pour les gagnants déjà déclarés de la crise comme l'espagnol Santander, BNP Paribas ou HSBC. » (Les Echos, 10/9/08)

 

Dire donc que les banques françaises sont « au-dessus de tout soupçon » est de la désinformation, car le risque est réel et avéré ! Rappelons-nous l’affaire Kerviel où la Société générale a perdu 5 milliards qui auraient pu se transformer en 50 milliards avec quelques mois de décalage, ce qui aurait entraîné la faillite de la banque rouge et noire capitalisée seulement à hauteur de 20 milliards.


[1] Le Tier 1 consiste en la partie jugée la plus solide (le noyau dur) des capitaux propres des institutions financières. Il rassemble essentiellement le capital social, les résultats mis en réserve et les intérêts minoritaires dans les filiales consolidées moins les actions auto détenues et le goodwill. La notion a été définie par les accords de Bâle I sans être modifiée substantiellement par Bâle II. Le ratio rapportant le Tier 1 au total des actifs ajustés du risque est un indicateur largement utilisé par les régulateurs afin de mesurer le degré de capitalisation des institutions financières ; le minimum requis selon les accords de Bâle I est de 4%. Dans la pratique, la plupart des banques visent au moins 7 % (Lexique de finance, www.vernimmen.net).