Plusieurs grands journalistes espagnols, colombiens et vénézuéliens ont essayé de faire le point sur la situation critique d'Ingrid Betancourt. S'ils sont d'accord avec le principe d'un échange humanitaire d'otages contre des prisonniers, ils affirment que cela ne doit pas se faire à n'importe quel prix. La prise d'otages est en effet une arme à double tranchant, si le gouvernement ne cède pas il est traité d'inhumain, mais s'il plie, c'est inciter à de nouvelles prises d'otages.
De plus, la situation sociale en Colombie est explosive, le gouvernement doit de se montrer ferme pour avancer dans ses programmes de réformes.
La situation d'Ingrid Betancourt est particulière, en ce sens qu'à la pression intérieure exercée par les familles des victimes s'est ajoutée la pression internationale. Uribe a dû plier dans une certaine mesure, sachant que pour leur part les FARC, en quarante-quatre ans d'existence, n'ont jamais cédé ni libéré personne sous la pression, que du contraire.
Pour illustrer cette affirmation, permettez-moi de vous rappeler l'histoire du jeune Andrés Norberto, dont tout le monde se souvient en Colombie, l'histoire d'un enlèvement qualifié du plus cruel de tous ceux perpétrés par les FARC. En mars 2000, les FARC prirent d'assaut un petit hameau et enlevèrent le caporal de police José Norberto Pérez dont le fils de 12 ans, Andrés, souffrait d'un cancer en phase terminale. Sentant la fin venir, le petit Andrés supplia les FARC, leur demandant non pas de libérer son papa – ce qu'il savait impossible -, mais de lui permettre de le voir une dernière fois avant de mourir. L'enfant écrivit même une lettre au chef des FARC, Manuel Marulanda, lui demandant de faire une exception pour lui.
Des milliers de Colombiens descendirent dans la rue pour appuyer le cri de détresse d'Andrés, l'Église catholique demanda aux FARC de faire un geste de bonne volonté, un artiste-peintre se proposa même comme otage en échange du caporal, mais rien n'y fit… et le petit Andrés mourut sans revoir son papa. Quelques jours le plus tard, le caporal de police José Norberto Pérez fut assassiné par les FARC d'une balle en pleine tête.
Cette histoire cruelle et triste prouve bien que les FARC ne cèdent pas à la pression, et que les considérations dites "humaines" ne les touchent pas. Ainsi, il est certain que tout le bruit fait autour d'Ingrid Betancourt n'aide pas à sa libération, et pourrait même être contre-productif.
À propos de l'intervention du président du Venezuela, les journalistes soulignent que si Hugo Chavez a pu faire libérer quelques otages de grande valeur politique, il n'a pas bougé le petit doigt pour les innombrables soldats colombiens qui sont retenus par les FARC depuis des dizaines d'années. Selon les analystes, ceci prouve bien que les objectifs du président du Venezuela étaient politiques et non humanitaires.
Si Uribe l'a laissé faire, c'est parce que toute libération est bonne à prendre, peu importe qui en est le responsable. Mais les liens de Hugo Chavez avec les narcos terroristes ont finalement poussé le président colombien à lui demander de ne plus intervenir.
Concernant les FARC, les journalistes estiment que les terroristes utilisent au maximum Ingrid Betancourt pour faire pression sur le gouvernement colombien tout en essayant de masquer la terrible crise interne dont ils souffrent depuis la disparition de leur chef historique, Manuel Marulanda.
Le groupe terroriste est au bord du désastre, prêt à exploser en plusieurs bandes ennemies, affaibli par les désertions de plus en plus nombreuses et poussé hors de Colombie par les attaques répétées des forces armées. Ingrid Betancourt est leur dernière vitrine, le dernier symbole de leur grandeur.
De ce fait, les journalistes concluent leur intervention en affirmant que personne ne sortirait gagnant avec la mort d'Ingrid Betancourt, mais que trop de personnes seraient perdantes si elle était libérée.
En effet, si l'ex-candidate présidentielle venait à mourir non seulement les FARC perdraient le peu de crédibilité qu'elles pourraient encore avoir en Colombie, mais de plus elles deviendraient les ennemies de l'opinion publique mondiale et de plusieurs gouvernements, dont celui de la France. D'autre part, il est certain que le gouvernement Uribe serait tenu en partie pour responsable de cette tragédie.
Mais si les FARC venaient à libérer Ingrid Betancourt, leur groupe disparaîtrait rapidement de la scène internationale, et leur geste humanitaire serait interprété comme un signe de faiblesse.
À cause de cela, Ingrid Betancourt est devenue un casse-tête stratégie tant pour les FARC que pour le gouvernement colombien.
De plus, un nouvel acteur vient d'entrer en scène : l'otage lui-même ! En effet, Ingrid Betancourt a décidé de ne plus être la prisonnière passive qu'elle était jusqu'à présent. Sachant que ses ravisseurs ne peuvent la laisser mourir, il semble que désormais elle refuse de collaborer avec eux et qu'elle veuille les obliger à la libérer pour des raisons médicales.
Si cette dernière hypothèse est exacte, la rumeur selon laquelle elle refuse de s'alimenter depuis plus d'un mois aurait tout son sens… mais rendrait d'autant plus urgente sa libération.