Ils ont tous dit: « Valeurs »…

 

         Un seul mot vous manque et… soudain il sature

 

   Les lampions s’éteignent au terme de cette interminable année électorale. Nous allons retourner à nos occupations et aux soucis y afférant.

 

   Qu’en restera-t-il qui voguera encore dans nos esprits à la prochaine session dans 5 ans ? Des images, sans doute. Et quelques mots. Ce qui ne va pas sans me poser problème en ce jour d’épreuve de Philosophie du Bac 2012.

 

   Certes, le plus populaire sera « normal ». Mais après « bling bling », on comprend vaguement les contours d’une normalité. Au-delà de ce vocable, il en est un autre qui est mort ou en voie de perte totale de sens par abus d’emploi. C’est le mot « valeur ».

 

   Il n’est de candidat, de parti qui n’en ait abreuvé les foules à conquérir. Dans les discours, il était indispensable, accommodé à toutes les sauces de la cuisine électorale.

 

   Au pluriel, on le défendait avec une pugnacité qui n’avait d’égal que la vacuité de son contenu. On le partage avec une générosité aveugle en croyant rassembler.

 

   On l’assortissait d’épithètes variées. Républicain était majoritaire. Il arrive qu’on en appelle à sa justesse. On la souhaite morale.

 

   La philo, décidément c’est le jour, possède une branche spécifique pour en traiter, l’axiologie.

   Chacun de nous est certain d’en posséder, qu’elles soient hautes ou à la Bourse. Finalement, ce concept finit dans un brouillard consensuel qui rassure peut-être, mais masque les champs où il s’applique. Comme si le consensus dispensait l’explicitation. A se demander ce qui n’en a pas.

 

   On comprend ainsi que sa relativité permet toutes les exagérations. C’est le pansement que l’on plaque pudiquement et ostensiblement sur le monde actuel où le fric est installé en maître. Quel plaisir spirituel que de lui résister grâce à un concept positif. Sa géométrie variable permet toutes les figures puisque son volume est a priori indéfini. Comme l’univers, il est espéré en croissance permanente. Le regard moral n’a pas le droit de se fixer un horizon qui limite son progrès au cœur de l’homme. Kant est enterré pour toujours.

    Le concept a l’avantage de couvrir la bassesse au nom d’une relativité justifiable. C’est un confort que d’avoir à portée de bouche un mot-valise qui n’engendre pas les conflits.

   Que chacun, en le prononçant, tente de lui donner un sens concret pourrait peut-être le parer de réels vertus et le dépouiller de ses avatars comptables ou quantitatifs.

    Pour le moment, « valeur » a passé le crible des instances politiques en en sortant meurtri mais peut-être encore utile.

   Faut-il oublier de s’en servir pour qu’il reconquière une efficace qui nous manque trop quand on en abuse ?

   PS. Ajoutée, elle coûte plus chère…