L’Homme a peur de la Mort, même les plus fatalistes, bien que soutenant Mordicus, qu’ils ne sont pas effrayés par ce passage inévitable de la vie, ressentent inconsciemment une appréhension. L’Homme veut rentrer dans l’Histoire, soit par des actes tellement marquants qu’ils en deviennent inoubliables, soit par des constructions dantesques. Par la pierre, le métal, le bois, des matériaux constructibles, ils atteignent une forme d’immortalité. Les générations descendantes, en voyant ces oeuvres d’un âge révolu, prennent connaissance de leur patrimoine, de ce riche lègue. Un comportement tolérant et raisonné laisserait ces édifices intacts, en mémoire à ceux qui en ont été à l’initiative, mais depuis peu, une folie destructive sévit. Une démence religieuse dont le but est de détruire les racines d’un peuple qui une fois sans pot et sans fondements, n’a qu’une voie à suivre, celle de la disparition. 

Le Mali est, depuis peu de temps, la cible de ce fanatisme sectaire. Depuis qu’ils se sont installés dans la région Nord du pays, le groupe Ansar Dine, signifiant "Les défenseurs de la religion", perpétuent des pillages et des "mises à mort culturelles". Le 30 juin dernier, ils ont anéanti sept mausolées, sur les seize existant, d’une mosquée à Tombouctou.

L’effondrement de ces lieux sacrés pour le monde musulman a généré un gros traumatisme aussi bien chez les locaux que pour le reste du monde. Et pourtant, cela ne semble être que les prémices d’une longue vague destructrice sans précédent. On se rappelle tout de même des Talibans qui, en mars 2001, ont dynamité une magnifique statue bouddhique creusée dans une paroi rocheuse de la vallée de Bâmiyân en Afghanistan.

Face à cette dérive blasphématrice, le gouvernement malien a lancé un appel à l’aide et demande une intervention pour endiguer cette furie. D’ailleurs, les maliens somment le Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, de réagir ou, tout au moins, de statuer sur cette situation désastreuse en proposant des solutions afin que l’apaisement remplace la sauvagerie et l’humiliation. Ce ne sont pas seulement des constructions faites de pierres qui se meurent mais ce sont des bases civilisatrices qui sont sapées.

Ansar Dine veut faire passer un message fort aux autochtones, un prosélytisme par la violence afin d’inculquer un Islam salafiste aux résidents de la région. En minant les attaches sociétales, ils obligent les habitants de Tombouctou et des environs, à adopter les rites et les traditions de cette minorité semant la terreur et la charia. 

Si cela peut paraître paradoxal pour des islamistes de détruire des lieux saints de l’Islam, la raison est plus subtile. Les sanctuaires démontés honoraient la mémoire de saints non conformes à leur branche religieuse. Étroits d’esprit, ils ne peuvent concevoir que des hommes, si louables soient-ils, puissent recevoir de tels honneurs, les païens doivent être oubliés. En outre, ils reprochent à ce genre de site, tout l’aspect financier et touristique qu’il génère. Les sanctuaires de Tombouctou attirent beaucoup de visiteurs, aussi bien des musulmans pour qui, se rendre à cet endroit, est une forme de pèlerinage et des voyageurs venus du monde entier, afin de mirer une merveille, juste pour le plaisir des yeux. Ils s’en sont également pris à la porte de la mosquée Sidi Yahia en réponse à la volonté de l’Unesco d’inscrire la cité des "333 saints" sur la liste du patrimoine mondial en danger, preuve qu’elle avait raison.

La disparation des sanctuaires de Tombouctou, à coups de burins, a crée une vraie prise de conscience du danger incarné par la secte Ansar Dine. Derrière les ansardiens se trouve la cellule terroriste, succursale d’Al-Quaïda, AQMI. L’organisation clandestine finance, arme et soutient ces vandales reniant leurs origines et selon les dires des dirigeants, ils ne sont qu’au début d’une longue série profanatrice, beaucoup de cimetière auraient besoin d’être anéantis. Iconoclastes et barbares, car en plus de réduire à l’état de ruines des monuments pluri-centenaires,ils commettent des viols, organisent des autodafés, ferment les cinémas et les bibliothèques, brisent des objets issues de cultures sub-africaines comme des masques liturgiques creusés dans le bois, provoquant alors la dissension des leurs. A l’image de l’imam Dicko qui, jusque là nourrissait des sympathies à l’encontre de ces salafistes, a complètement changé d’opinion quand les premiers coups de marteaux sont tombés.

Moyen de médiatiser leurs actions ? Assurément même si le fond y est, la forme compte beaucoup. Ils ne se cachent pas pour agir, au contraire, ils en profitent pour faire leur propagande. A chacune de leurs opérations, ils convoquent les caméras de télévisions, à l’instar d’ Al-Jazira, la chaîne d’informations qatarie, sur les scènes des crimes qu’ils vont perpétrer. Dans le domaine judiciaire, on appelle ça " non assistance à personne en danger". Si rien n’est fait, le peuple malien risque de perdre l’essence de son identité, il y a une nécessité urgente à ce que ce cauchemar prenne fin.