À situation inextricable, explications simplissimes : c’est souvent le cas dans les médias. D’où, d’ailleurs, ce titre simpliste au possible, forcément réducteur. Mais non dénué de fondement. Afin de se retirer militairement avant une décennie, et pouvoir rester autrement au Mali, la France aura besoin d’appuis. Sur le terrain malien, mais aussi et surtout partout à son pourtour. Mais voilà, pour obtenir des résultats rapidement, en Libye en particulier, des djihadistes patents ou rampants ont été armés, notamment par la France.

C’est la seconde fois que la France force la main de ses partenaires européens et autres. Pas seulement, comme en Libye, en faisant décoller des avions de France avant même que soit achevé un sommet à Paris. Aussi, pour obtenir des résultats rapides, en favorisant des groupes armés libyens, en les dotant de moyens, avant de les laisser tomber, laissant le relai au Qatar ou à d’autres puissances, qui choisissent les « bons » et les « mauvais ». 

Longtemps, diverses puissances ont joué un jeu estimé « efficace » avec divers groupes djihadistes, avant d’en payer les conséquences. Avec des relais médiatiques, dont en France, Bernard-Henri Lévy, qui a fait des insurgés libyens d’idéaux révolutionnaires démocrates, quels qu’ils soient. Ainsi du Groupe islamiste combattant en Libye, dont l’un des ex-partisans tient en partie Tripoli et participe, de fait, à la gouvernance du pays.

Les Berbères de l’ouest libyen ont été aussi armés, appuyés, ce qui pouvait se concevoir. Mais ensuite, quoi ? L’UMP de Nicolas Sarkozy s’en est lavée les mains.

Aqmi au Sahel, ce sont aussi des Libyens. Le Mujao de même, et peut-être Ansar Dine. Ce ne sont pas tout à fait les mêmes Libyens. L’Africom étasunienne et le Département renseignement et sécurité algérien ont aussi joué avec les Touaregs en général, et avec Aqmi. Là, avec Mokhtar Benmokhtar et sa katibat, on voit ce que ces jeux troubles donnent au final : non point seulement les « alliés » du moment, mais ceux avec lesquels on a pu composer, se retournent ou deviennent incontrôlables.

Le Croissant rouge, branche du Qatar, et Charity Qatary étaient présents dans le nord malien. Youssouf al-Qaradaoui, depuis le Qatar, et son Union internationale des oulémas, tout comme l’Oci (coopération islamique), demande un règlement pacifique équitable. Entendre : préserver les intérêts islamistes au Sahel.

La France est entrée dans une partie difficile au Mali. Le capitaine Amadou Haya Sanogo semble peu disposé à participer en personne aux combats. Que n’est-il à Diabaly où, si les djihadistes s’emparent des habitations, et que les troupes maliennes ne les en délogent pas, les françaises se retrouveront avec un point de fixation ? Et que dit Amy Aya Sanogo (une éditorialiste malienne de Bamako, proche du capitaine) ?
« L’armée malienne vaincra les rebelles touarègues du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MLNA), des islamistes du Mouvement pour l’unicité et Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), d’Ançar-dine et d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) et leurs soutiens français et américains. ». 

Il n’y a pas qu’un front au Mali, il en est de multiples, au sud, au nord, partout sur le pourtour.

Il ne sert pas à grand’ chose de rouvrir les dossiers antérieurs, mais il s’agit de bien cerner les besoins. Défendre l’accès à Bamako est une chose, tenter de reprendre le contrôle du nord malien une autre affaire, sécuriser l’ensemble du Sahel est une tâche de longue haleine. Espérons que, contrairement à son prédécesseur, François Hollande saura mieux en convaincre les partenaires de la France, et ne cherchera pas, au gré des fluctuations de l’opinion, des victoires à la Pyrrhus.

Or, tarir les renforts et ravitaillements djihadistes dans le nord malien n’est pas affaire que de forces spéciales, de drones, de blindés. Les États-Unis avaient misé sur l’armée malienne, elle est pour partie passée au nord avec ses équipements. Pas forcément pour combattre, mais pour les vendre. Tout comme des jeunes ont rejoint les djihadistes davantage pour des avantages pécuniers que pour leur idéologie. 

Une guerre est toujours un bourbier. Oui, Hollande le Malien est peut-être quelque peu victime de Sarkozy le Libyen. Oublions, peut-être… Mais s’il devenait victime consentante, la France n’est pas sortie du Mali. Et elle s’y retrouverait avec de multiples fronts, nord, sud, est, ouest. Et tous les adversaires ne seraient pas forcément des djihadistes. C’est ce qu’il faut d’ores et déjà envisager.

Dans un entretien avec Le Monde, Valéry Giscard a estimé qu’« une intervention directe sur le terrain » était hasardeuse : « la France doit s’en tenir strictement à son soutien logistique aux forces africaines ». C’est fort vrai. Idéalement. Mais c’est aux côtés des forces françaises que les tchadiennes s’engagent, en appui, certes à celles de la Misma, mais sans présence française, plus de présence tchadienne (et les Tchadiens, eux, savent ce que sont des Libyens ou d’autres forces combattant dans le désert). Bien sûr que des frappent aériennes atteindront des populations civiles, mais laisser les seules troupes tchadiennes et de la Misma agir n’aurait-il pas « sans doute les mêmes résultats politiques » ? Remémorons que les frappes en Libye ont aussi atteint des populations civiles.

Mais n’oublions pas, comme j’avais pu le présumer (ou plutôt supputer) que le ministre de l’Intérieur algérien, Dahou Ould Kablia, a déclaré que « le groupe terroriste qui a attaqué le site pétrolier à In Aménas venait de Libye ». C’est sans doute en partie vrai. L’Algérie ne peut contrôler ses vastes frontières méridionales et orientales. Et Mokthar Belmokthar (ou Benmokthar), tout comme le djihad, se moque des frontières. Il semble que les États-Unis ont commencé à comprendre qu’après l’Afghanistan, certaines erreurs ne sont plus à renouveler. Qu’avoir deux fers au feu, de chaque côté, n’est pas le mieux. Les États-Unis épauleront donc mieux la France… espérons-le, comme de l’Union européenne, au Sahel et non pas qu’au Mali.