Faire grimper les marges, mieux industrialiser l’abattage, tels sont quelques-uns des buts de la commercialisation généralisée de produits annoncés « certifiés » conformes aux prescriptions du Coran ou de la Bible, entre autres révélations présentes ou à venir. Cela pose aussi un problème économique d’ampleur : où vont vraiment les profits induits par ces pratiques ? Qui, en définitive, paye ? Devinez !


Pour qu’une viande soit halal, il suffit qu’elle provienne d’un animal vivant dont la consommation ne soit pas proscrite par le Coran et qu’aucune autre nom que celui du dieu des adeptes du « Livre » ne soit invoqué lors de son sacrifice. Nulle part est-il formellement prescrit qu’un sacrificateur spécialisé procède à l’abattage. Et qui ne dit mot, consent : n’invoquer aucun nom suffit. Ce qui n’empêche nullement des individus de prélever leur dîme au passage sur toute production de biens de consommation. Pour qu’une viande soit kasher, c’est encore plus complexe et il faudrait théoriquement qu’un rabbin soit présent à chaque abattage.

 

Avantage de la pratique pour les abattoirs : contourner la réglementation européenne qui exige que l’animal ne soit plus conscient avant l’abattage proprement dit. Équiper les abattoirs de « chaînes halal » serait plus productif. D’ailleurs, rabbins et intermédiaires de l’industrie du halal mettent à présent en avant que l’abattage des animaux vivants et conscients serait pour eux un grand bienfait : ils souffrent encore moins car ils produiraient une « secrétion d’endorphines, d’opiacés », et au final, les animaux souffriraient moins, selon un « professeur » américain, Joe Regenstein. Cet enseignant de l’université Cornell est un spécialiste de l’alimentation à base de chairs de poissons (et sans doute pas de mollusques, les fruits de mer n’étant pas casher), mais c’est aussi un consultant auprès de l’association des Jewish Vegetarians of North-America. Il n’y a pas de petits profits, autant râcler large, et penser déjà à certifier des produits casher ou halal « bioéthiques » et « éco-responsables ». Bientôt on nous soutiendra qu’il suffirait d’avoir des tranchoirs industriels mieux affutés encore et qu’une invocation en mp3 diffusée à un volume audible des seuls animaux conviendra parfaitement.

 

Il se trouvera bientôt aussi sans doute des parasites pour créer un label « laïque » ou « areligieux » afin de certifier que les bêtes et produits commercialisés n’ont pas fait l’objet d’une quelconque invocation de principe… Et d’autres parasites pour considérer que les produits « souillés » par tel ou tel label doivent être « purifiés » moyennant une rapide intervention rituelle tarifée…

 

Bref, dans tous les cas, les intermédiaires se gaveront sans autre intervention que du blabla et de la persuasion, et c’est toujours le consommateur final qui réglera l’addition.

 

Tout le système des prescriptions « conformes » à l’un des textes des religions monothéistes consiste à faire passer pour plus éthique ce qui revient plus cher au consommateur. Ainsi de la finance islamique qui renomme autrement les intérêts des emprunts. Selon les règles de la finance islamique, un bien immobilier doit être acquis par la banque avant d’être revendu, assorti d’une contribution supplémentaire rémunérant l’établissement financier (et sans doute un hypothétique notaire coreligionnaire certifiant que la banque est bien propriétaire), ce qui rend l’acquisition plus chère que via d’autres circuits de financement.

 

Les faits sont têtus et l’évidence est peu réfutable : tout intermédiaire ou presque (certaines centrales d’achats peuvent mieux pressurer en effet les producteurs) facture et le montant de sa facture se retrouve dans le prix final, augmenté de la TVA. Actuellement, des consultants et des bureaux d’études multiplient les avis et codes de pratique pour faire croire aux fabricants qu’ils vont mieux profiter du marché des musulmans. Or, l’évaluation de ce marché potentiel est plus qu’hypothétique : la plupart des personnes se disant de civilisation musulmane favorisent aussi les prix les moins chers (consommer de la viande abattue par des « gentils » n’est pas prohibé de toute façon).

 

Mais ces coûts sont répercutés sur l’ensemble des consommateurs. Peu importe pour nos économistes des ministères, cela contribue à la croissance du PIB. Mettre du vent en boîte contribue à la croissance, générer des frais supplémentaires pour les entreprises et les consommateurs fait progresser le PIB. Le PIB, c’est « la valeur totale de la production interne de biens et services dans un pays donné au cours d’une année donnée par les agents résidant à l’intérieur du territoire national. ». Une méthode pour gagner « à coup sûr » au grattage ou au Loto, la fameuse et miraculeuse Pierre du Nord, ou l’invocation d’un nom conforme aux prescriptions de telle ou telle religion, censée ne pas vous barrer la voie d’une vie future, la voyance par correspondance, ce sont des « services ».  Qu’un transporteur achemine une Pierre du Nord ou un médicament vital pour un patient, c’est toujours pour lui du bénéfice à coût de production égal.

 

Selon cette logique économique, on se demande bien pourquoi les Suisses n’ont pas favorisé la construction de mosquées. Un minaret qui s’effondre sur une foule, comme récemment au Maroc, c’est des reconstructeurs et des entrepreneurs de pompes funèbres prospères. Peut-être avaient-ils effectué des études pour s’apercevoir que le retour sur investissement d’un sanctuaire miraculeux pouvant concurrencer La Mecque n’intéresserait pas la communauté financière, trop avide de profits à très court terme.

 

La logique du laisser-faire, laisser-aller appliquée à tout un ensemble de productions ou de pratiques religieuses devrait pousser à en favoriser l’essor toujours croissant. En effet, il convient de faire en sorte que les capitaux ainsi générés soient réinvestis localement, et suscitent à leur tour de nouveaux « profits ». Ce jusqu’à ce que le meilleur politique soit celui estimé le plus capable de procéder aux arbitrages entre les diverses communautés économico-religieuses. Selon cette logique, la Chine devrait bientôt nous concocter une religion capable de prendre efficacement des parts de marché au bouddhisme tibétain d’abord, les religions concurrentes ensuite.  Et on tolérera que le futur concurrent chinois des Airbus, sanctifié à la chinoise, soit estimé plus sûr que les appareils concurrents, du moment que, comme il est n’est pas interdit de consommer de la viande qui ne soit pas halal autre que du porc, l’ensemble des voyageurs puisse emprunter d’autres appareils au besoin.

 

Comparaison n’est pas raison et toute extrapolation un peu hasardeuse sert d’argument à qui veut réfuter toute logique en la déclarant relever d’une exagération, forcément outrancière à ses yeux.

Venons-en alors à un exemple très simple : vous avez constaté, voici quelques semaines, les prix des « galettes des rois » chez vos boulangers athées, cathos, mahométans ou israélites ? C’est un produit traditionnel qui n’est pas consommé, loin de là, que par des chrétiens, mais ce sont surtout les personnes de tradition chrétienne qui le consomment. En général, elle est revenue de 4,50 à 9 euros la part (à la part individuelle ou pour des galettes affichées comme étant destinées à trois ou quatre personnes). Certes, il n’est que celles et ceux qui les achètent qui, dans un premier temps, supportent de tels prix. Puis la progression des prix s’étend à d’autres produits pâtissiers, puis aux pains « spéciaux » et finalement à la baguette industrielle. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les produits halal ? puisqu’une fraction des consommateurs est prête à payer tant et plus pour un produit estampillé halal, ou tout autre appellation, c’est que les autres consommateurs, pour strictement le même produit, ont les moyens de payer davantage. Autant accroître les marges…

 

Et pourquoi s’arrêter là… Viande halal ou casher ou on ne sait quoi seulement ? Pourquoi pas du blé, du lait, des œufs, de la salade halal, des croquettes pour animaux, des farines pour l’alimentation du bétail, des engrais, du terreau ? Et d’autres produits plus casher ou plus sikh ou plus cathos que d’autres ? Pourquoi pas des babas supposés vaporisés à la Jouvence de l’abbé Souris (à au moins 3 % de Jouvence par litre, parmi d’autres adjuvants) ? Autre chose : les linéaires sont certes extensibles, mais il faut bien réduire le choix pour faire de la place aux nouveaux produits. C’est bizarre, mais par chez moi les produits d’appel s’épuisent désormais plus rapidement que les autres et le réassort tarde de plus en plus.

 

De même, quand un fabricant de produits alimentaires ou corporels veut exporter dans certains pays, il doit investir dans une certification religieuse. Qui paye, initialement, cet investissement, si ce n’est le consommateur du pays de production ou de ceux dans lequel il est le plus écoulé ? Que dirait-on si tout produit commercialisé en Bretagne devait faire l’objet d’un certificat de conformité druidique ?

 

Mais la loi du profit pour les uns et de la cherté de la vie pour les autres est un formidable rouleau compresseur. Selon les chiffres des responsables d’études de marché, le halal connaîtrait une croissance de 15 % par an. Les prévisions 2010 de la Solis pour la France sont de 5,5 milliards d’euros, d’autres estiment que cela représentera plus de 12 milliards d’euros, essentiellement pour des produits alimentaires. Nestlé et Fleury-Michon sont des acteurs importants de ces filières. Reste à introduire le bonus ou le bon détachable valant « indulgences », le grand concours avec un pélérinage à la clef (une famille gagnante pour toute l’Europe, voire le monde entier, mais ce sera écrit en tout petit), et la montre-boussole « gratuite » pour tout achat de cinq boîtes ou de cinq paquets.

 

 

Je tolère très bien la spiritualité, mais là, en tant que consommateur, je commence à m’estimer en état de légitime défense…

 

Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi on devrait m’assimiler aux quelque 5 % de personnes qui pour tout problème n’ont qu’une référence, le Vatican ou je ne sais quel siège d’église chrétienne. De même, beaucoup de personnes issues de familles de cultures musulmanes ou isréalites (il en est plusieurs) n’ont que faire des labels halal ou casher  ou autres. Ils sont même peut-être largement majoritaires, en fait, dans le monde méditerranéen (et en Europe, en Amérique du Nord, &c.). Par ailleurs, parmi ceux qui croient en un créateur universel, il s’en trouve à penser que c’est l’insulter que de lui faire dire ce qui est bon ou non à ses yeux…