La presse internationale commence à donner la parole aux équipes de sauveteurs de retour dans leurs pays. En France, les interrogations sur le sort de certains orphelins « ressuscitent » un intérêt déjà déclinant pour le sort des populations haïtiennes. Ailleurs, les interrogations sur les actions et rôles antérieurs des ONG s’amplifiant, la presse relève que le « téléthon en mondiovision » de George Clooney a vu se succéder des célébrités se produisant « profil bas », comme effacées.

Au cas où le monde l’ignorerait encore, il n’est plus permis de s’inquiéter du sort de la ministre de la Culture d’Haïti qui vient d’inaugurer un tout nouveau centre de presse à Port-au-Prince, dans le quartier du Canapé-Vert. Elle a donc heureusement survécu et l’entreprise Québecor, avec RSF, assure l’équipement de ce nœud de communication. Autre survivant retrouvé, le Français Bernard Chignard que le localier de L’Union à Villers-Cotterêts a pu, grâce à un habitant du cru, localiser : ce libraire, qui venait d’ouvrir son magasin à Port-au-Prince, n’a plus de fonds, son logement est détruit, mais il aurait trouvé un abri dans un « cabanon » en bordure de plage. Comme d’autres régionaux, L’Union a pu trouver une place dans un avion pour un envoyé spécial et Christophe Perrin a envoyé son premier papier. L’aide n’a toujours pas atteint le « Comité des victimes du 12 janvier » dans le quartier Pierre-Sully, mais elle devrait arriver cette fin de semaine.

L’Onu, qui ne comptait pas sur place que des policiers et des militaires, mais aussi un important contingent de civils, a redéployé ses effectifs éloignés de la capitale pour les affecter à des tâches plus urgentes, à Jacmel, par exemple. Ces opérations d’acheminement de l’aide intéressent moins la presse que le retour des équipes de sauveteurs.

On apprend que celles à l’œuvre au fameux hôtel Montana ne cherchent plus de survivants mais qu’elles seront relayées par d’autres, chargées de localiser les dépouilles, en retournant les ruines bloc par bloc s’il le faut. Il en reste 40 sous les décombres et le gouvernement américain a rassuré les parents et les proches : le rapatriement des victimes, quelle que soit leur condition, sera facilité.

C’est surtout à présent le sort des orphelins qui focalise l’attention. L’Union, qui compte l’association Don d’Amour sur sa zone de diffusion, rend compte du soulagement des adoptants : 17 enfants seront très rapidement à l’ambassade de France de Port-au-Prince, en instance d’embarquement. Si Le Figaro un titre alarmiste qui se fait l’écho des inquiétudes de l’Unicef, a pris la préséance sur le témoignage de la directrice dans la hiérarchie de l’information. « Les réseaux de traite d’enfants s’activent en Haïti », titrait vendredi Le Figaro qui fait état d’enlèvements et de trafiquants basés à Saint-Domingue. D’ici quelques jours, peut-être aura-t-on des sujets sur la pédophilie de certains directeurs d’institutions charitables (évoquée à demi-mots par des sites bien avant le séisme) et sur le tourisme sexuel. a consacré son éditorial d’hier aux enfants d’Haïti, et que la page d’accueil de son site attire l’attention sur la crèche et orphelinat de Notre-Dame-de-la-Nativité, l’établissement désormais connu de tous les lecteurs de la presse nationale ou régionale française,

 

Le site du Monde renvoie vers un blogue-notes de la rédaction pour traiter de la question de la confiance à accorder aux ONG. Sans surprise, une liste d’associations déjà largement connues ou médiatisées fréquemment est donnée en appui du papier principal. Le ralentissement des dons est constaté et il ne devrait dépasser que difficilement, pour la France, le tiers des sommes récoltées pour les pays asiatiques frappés par le dernier tsunami. Les dons vraiment anonymes à destination  directe d’associations locales restées confidentielles ne devraient pas créer une notable différence, même s’ils finissaient par être recensés.

 

Des blogueurs répercutent le communiqué de Marie-Pierre Allié, de MSF, qui remercie pour les dons non sollicités. Environ 470 tonnes de matériel sont parvenues ou parviendront à Haïti, notamment au centre de santé de MSF au « bidonville de Martissant ». Sur le site de MSF, on apprend que son centre de Pacot menace de s’écrouler à la suite de la dernière réplique tellurique. Médecins sans Frontières a aussi commencé à déployer des dispensaires mobiles. Il n’y a pas que le dispensaire de Pacot qui menace ruine : c’est aussi le cas du principal môle du port de Port-au-Prince, ce qui obligerait à détourner des cargos vers des ports de moindre importance.

Les miraculés, qui ont survécu passées les 72 heures critiques, font encore l’objet de titres. Une équipe israélienne a encore retrouvé, vendredi, soit dix jours après le 12 janvier, un jeune homme toujours en vie. Emmanuel Buso, 22 ans, selon les sources, a pu expliquer qu’il a survécu en buvant son urine. Au total, les quelque 2 000 sauveteurs non haïtiens, provenant de 43 pays, auraient donc réussi à sauver 132 personnes, avec ou sans l’aide des Haïtiens. Il a fallu convaincre une équipe de sauvetage américaine disposant d’un hélicoptère, de ne pas évacuer l’une des dernières rescapées, une jeune femme de 25 ans : comme c’était une « miraculée » des dernières heures, plus de 100 pompiers, maîtres-chiens, secouristes et autres sauveteurs français, turcs, américains et autres se pressaient à proximité.  Son état ne nécessitant pas une évacuation par hélicoptère, l’appareil a pu être réaffecté à d’autres tâches, plus urgentes, suppose-t-on.  

 

La vie reprendrait donc ses droits, et notamment pour le douanier étasunien qui a offusqué Hank Asher, de l’Huffington Post, en le questionnant sur la légalité du rapatriement de quatre enfants : un double amputé, un souffrant d’insuffisance rénale, le troisième gravement brûlé à 50 % et un quatrième, convulsionnaire. Le patronyme du douanier serait Kilo, et Hank Asher lui assène le poids des mots. En revanche, à Saint-Domingue, une jeune coiffeuse apporte bénévolement son assistance aux réfugiés blessés : ils sont plus de 150 à l’hôpital Diaro Contreras et Claudia Martinez leur prodigue aussi, quand ils peuvent l’entendre, des mots de réconfort…

 

Des voix dubitatives s’élèvent aussi, comme celle de Mark Schantz, du Suncoast News à Tampa Bay, qui se demandent comment des municipalités dont le budget est dans le rouge « ont pu envoyer des agents municipaux pour des opérations de sauvetage à Haïti ? ». Et d’appeler à ne pas oublier non plus les SDF de Floride.

 

The Independent donne la parole à Jerome Taylor qui fait le point sur le sort des survivants d’un gigantesque glissement de terrain en Indonésie. Là-bas aussi, l’Ambachang Hotel, dans la capitale provinciale de Sumatra, a bénéficié des sauveteurs en priorité. C’était fin septembre dernier. Beaucoup de rescapés sont toujours dans des abris de « fortune », érigés avec les matériaux récupérés des habitations effondrées. Guy Adams a quitté les bidonvilles pour avoir un entretien avec Ralph Chevry et son épouse, dont la fille est étudiante à Strasbourg. Réfutant les clichés voulant que le désastre n’a pas fait de différence entre riches et pauvres, Guy Adams relève que les belles demeures des hauteurs ont remarquablement résisté : « elles ont été bâties sur du roc, et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avions choisi d’y résider, » commente Ralph Chevry. Cet homme d’affaires considère que 5 % de la population détient « au moins » les quatre-cinquièmes des revenus ou biens du pays.  Sur Twitter, un confrère d’Adams remarque de l’animateur de télévision Jon Snow est arrivé de Miami en première classe, son équipe se contentant des sièges de la classe touristes.

Le Guardian revient sur l’éditorial du Lancet, très critique quant à la compétition à laquelle se livreraient les ONG. Cet édito du journal médical à suscité un tollé de la part de certaines ONG. Michael Schuster, un médecin américain volontaire, considère que les sauveteurs, focalisés sur les 132 rescapés et d’autres qui n’ont pas survécu sous les décombres, auraient gagné à se déployer au plus proches des blessés survivants, laissés sans assistance pour beaucoup, si ce ne fut l’immense majorité. « Des dizaines de milliers de personnes vont mourir chaque jour d’infections, » annonce-t-il.

 

Tout comme Le Figaro, The Times s’inquiète du sort des orphelins et indique que Port-au-Prince comptait environ 200 orphelinats avant le séisme. Toutefois, des orphelins pourraient avoir gagné par eux-mêmes les hôpitaux frontaliers de la République dominicaine. Ce samedi matin, à l’heure où les quotidiens français commençaient à renouveler les pages de leurs site, Le Parisien affichait en tête une photo de l’aéroport Charles-de-Gaulle sous le titre « 33 enfants haïtiens accueillis par Carla Bruni-Sarkozy à Roissy ». La Voix du Nord annonçait un bilan de 111 449 morts et 190 000 blessés. Le quotidien roumain Adevarul citait la même dépêche AFP que La Voix, ajoutant que l’Onu estimait que trois millions de personnes avaient été touchées par le séisme. L’autre titre d’Adevarul portait sur l’aide à la reconstruction d’une école à Port-au-Prince par le Real Madrid. Un journaliste s’était aussi rendu à l’aéroport Otopeni pour accueillir un ingénieur de Timisoara, rescapé du séisme. TSR, la chaîne suisse romande, ouvrait son site avec l’affaire de la banque UBS et la remise en cause par le tribunal administratif fédéral de l’accord de « la procédure d’entraide avec les États-Unis » au sujet des contribuables poursuivi pour fraude fiscale. La « miraculée » haïtienne de 84 ans occupait encore la une du site, mais supplantée hiérarchiquement par Pau Gasol et les « neuf autres étoiles » de la NBA qui, pour chaque point qu’ils ont marqué, vont verser mille dollars pour Haïti. Les Lakers, ayant marqué 20 points vendredi dernier, verseront donc 20 000 dollars via la fondation de Bill Clinton. Quant aux hockeyeurs de Valenciennes, les Diables rouges, ils verseront la recette de la rencontre contre Strasbourg de ce samedi aux Filles (religieuses) de la Sagesse, une congrégation de la ville qui dispose d’une annexe en Haïti

 

Aux dernières nouvelles dans la presse locale américaine, un aumonier de la police de Caddo, en Louisiane a déjà levé 23 000 dollars pour aller apporter une aide psychologique aux sauveteurs. Il estime que son voyage et son séjour de deux semaines généreront un budget de 20 000 dollars. Peut-être pourra-t-il apporter le reste à des charities locales…