C'est une femme intimidée qui comparait face au juge. Elle se trouve devant la cour pour "délit de chrétienté". Le juge, lui propose un marché, c'est à dire une chance d'éviter les trois ans de prison ferme qu'elle risque de subir à l'issue du procès : "Tu réintègres l'islam, et je classe le dossier ; si tu persistes dans le péché, tu subiras les foudres de la justice!". Ce procès ne date pas du moyen-âge, il ne sort pas des archives poussérieuses d'un quelconque pays, mais date simplement de ces derniers jours. Habiba Kouider a 37 ans, et la police a trouvé des Bibles et des évangiles dans son sac, elle a en conséquence été arrêté et conduite devant le juge.

Deux journaux relatent son passage au tribunal correctionnel, le Figaro  et El-Watan. Aucun des deux ne se contredit l'autre et ils relatent, ainsi que le révèle le journal le Figaro, un procès "surréaliste". Habiba s'est convertie il y a quatre ans dans une église d'Oran. Alors qu'elle revient en bus de l'Ecole d'Etudes bibliques où elle étudie, des policiers contrôlent le véhicule et se dirigent tout droit vers elle, demandant à voir son sac. Elle est aussitôt après la découverte de Bibles et d'Evangiles, appréhendée avant d'être interrogée, qualifiée au passage de "mécréante". Devant le juge, la jeune femme n'a pas renié sa foi malgré les risques de prison ferme.

Ce n'est pas la première fois qu'un procès se tient envers des chrétiens, mais celui-ci est différent. Si jusqu'ici il s'agissait de prosélytisme, le cas d'Habiba est plus particulier, selon El Watan, "il s'agit du premier procès où la pratique libre de la foi chrétienne est vertement remise en cause". L'accusée a connu des difficultés à trouver un avocat pour la défendre. Le juge l'a prise de haut, a aussi demandé aux journalistes ce qu'ils faisaient là, les a menacés de "confisquer" leurs carnets de note. Il a en outre rappelé qu'en Algérie, l'islam est religion d'Etat. Le Figaro finit son papier en écrivant "Sans rire, le ministre algérien des Affaires religieuses se veut rassurant : «La communauté chrétienne jouit de tous les droits ; mais nous luttons contre les sectes !»
En Algérie même, des voix se sont élevées  et le procureur a dû réunir un point presse pour évoquer l'affaire, expliquant "il n'est pas dans l'intention de la justice de toucher à la liberté du culte, garantie par la loi et les textes en vigueur, qu'il s'agisse de musulmans ou non en Algérie", ajoutant c'est "une affaire liée à la pratique sans autorisation du culte". Le président de la ligue algérienne des droits de l'Homme s'est égaelment insurgé, demandant l'arrêt des poursuites. El-Watan aussi s'est à nouveau exprimé dans un discours tout à fait bienvenu : "Le locataire d'El Mouradia a lui-même exprimé son intolérance en affirmant sa préférence pour l'islamisme contre la démocratie (…) Cette folie anti-chrétienne vise incontestablement à introduire le wahhabisme au cœur de la société algérienne. L'Islam est en train de se répandre en Europe et aux Amériques mais, à ce qu'on sache , les autorités de ces contrées n'ont manifesté aucune inquiétude. Et nous avons tendance à oublier que nous crions au racisme, lorsque par hasard des réticences sont exprimées dans une quelconque ville occidentale contre la construction d'une mosquée. »
L'affaire est à suivre, six autres chrétiens seront jugés en même temps qu'Habiba pour prosélytisme et c'est seulement mardi prochain que le verdict sera connu. Si l'on en croit toute l'agitation autour du cas d'Habiba, la décision du tribunal ne devrait pas passer inaperçue et susciter à nouveau quelques remous dans la presse et dans les milieux journalistiques. Il est à noter que cette affaire survient alors que des chrétiens se sont déjà plaints ces derniers mois de l'attitude du gouvernement à leur égard, arrêtés parfois pour une simple prière entre chrétiens de naissance.
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