Bof, encore un manuel d’initiation à la calligraphie ? Mais, mais… une mention intrigue : « 11 cartes gravées pour guider la main et trouver le bon geste ». Allons bon, des intercalaires en lourd papier calque ? Que nenni : guidés par l’embossage des fiches en carton lourd, on se « défonce » pour suivre de la plume le ductus (l’ordre de traçage des pleins et déliés), et cette méthode incitative –Bien débuter en calligraphie – peut vraiment donner l’envie de poursuivre, cette fois à main levée.
Ils s’y sont mis à trois : l’auteure, Marguerite Fonta, qui ne manque pas d’humour, Julien Chazal, calligraphe de renom, et Charles Buxin, concepteur de l’ouvrage. En résulte, chez l’éditeur Eyrolles (nombreux titres sur la typographie, la calligraphie…), un album d’une centaine de pages (fiches, cartons embossés, textes de conseils…) dont la couverture cartonnée masque un porte-plume muni de la plume ad hoc pour s’adapter aux tracés à suivre (recto en creux, verso, pourquoi pas, en relief).
Bien débuter en calligraphie est adéquatement « calibré » aux divers sens du terme pour vous aider à vous initier seul. Après la PAO (publication assistée par ordinateur), la CAM (calligraphie assistée manuellement). Ici, pas d’esbroufe ou de morceaux de bravoure qui, certes, donnent envie de se lancer à reproduire, au péril de se décourager, les fioritures les plus extravagantes, les « fions » (un jour, je demande à un aréopage de créateurs typographes, dont le calligraphe de formation Christophe Badani, dit Le Typophage, le terme technique pour ces ajouts et terminaisons ornementales ; la terminologie s’est enrichie de cefion total argotique).
Vous passerez de l’onciale à la chancelière (l’anglaise, per se, est oubliée, et alors… peu importe), mais sous leurs plus simples expressions. Donc, sans risque de vous rebuter…
Nombre de méthodes ou manuels sont trop ambitieux, surtout pour les vrais primo-débutants, ou vraiment trop succincts. Ces manuels oublient parfois les conseils de base sur le choix des supports (là, c’est bien décrit, mais il aurait été idoine d’indiquer des marques et des types précis de papiers), veulent absolument vous faire passer par le calame (tige de roseau ou bambou à bec taillé diversement). Voire même tentent de vous épater (et vous inciter à passer commande au calligraphe). Ce n’est pas le cas ici, et c’est tant mieux.
Bien sûr, la calligraphie maîtrisée suppose une créativité qui se mérite. À force de répétitions, adaptation du ductus (l’ordre des tracés) et de l’inclinaison des plumes, de tentatives et essais en fonction de diverses forces de corps (la dimension des caractères). Le lapsus calami (qui est à celui de saisie au clavier, ou faute de frappe, un ancêtre beaucoup plus retors) est inévitable. En ce domaine, perseverare diabolicum, car le risque est grand de prendre de mauvaises habitudes dont il sera difficile de se départir. De par son approche basique, loin de celle de guides contraignants, cette méthode est apte à vous éviter ce travers.
Cela étant, beaucoup se lancent et abandonnent. Quelle que soit la méthode d’auto-apprentissage. Je ne saurais trop vous recommander de poursuivre au contact d’autres apprenants : il existe de nombreux ateliers de calligraphie, et la fréquentation d’un scriptorium (de stages) vous sera forcément bénéfique. Cette passion se nourrit aussi de confrontations et rencontres.
Très large public
La calligraphie n’est pas qu’un passe-temps destiné à enrichir et rehausser vos créations de scrapbooking ou ornementales personnelles. C’est parfois la source d’un (maigre, au départ) complément de revenus : vous pourrez proposer vos services aux restaurateurs, aux associations, ou collectivités (pour, par exemple, rehausser la page de garde d’un livre d’or). Elle constitue aussi le meilleur apprentissage initial de la typographie actuelle (qui ne consiste pas qu’à utiliser les polices telles qu’elles ont été conçues). Les futurs graphistes gagneront de même à pratiquer ceBien débuter en calligraphie.
Le livre se « consulte » (se pratique) porte-plume en main : sur la page de gauche, le ductus ; sur le carton de droite, les « sillons » où placer la plume, à sec, pour en suivre les contours jusqu’à ce que le geste devienne naturel, acquis.
À ses risques et périls (j’ai tenté avec un surligneur à pointe fine, toute autre encre risquant d’être trop absorbée et de maculer l’original), on peut disposer un papier très fin sur le carton afin de visualiser le(s) résultat(s).
L’ouvrage est coédité avec Les Devenirs visuels, société de graphistes professionnels. Sur YouTube, vous trouverez des vidéos de même source pour vous aider, par exemple, à explorer d’autres approches, d’autres types d’écriture. L’ouvrage (ainsi que d’autres) est aussi plus largement présenté visuellement sur devenirs.eu – de quoi vous convaincre et vous inciter à poursuivre avec, chez le même éditeur, Eyrolles, le Calligraphie, guide complet, évidemment plus ambitieux.
La fort bonne réalisation, la présentation soignée, et surtout le fait que c’est vraiment un ouvrage à pratiquer (et non pas à ranger trop vite, comme trop d’autres, certes plus abordables), justifient le prix de 22 euros.
C’est aussi un livre à offrir, par exemple en complément de l’un de ces nombreux kits de matériel calligraphique qui fera sans doute plaisir mais risque de se retrouver relégué (ou bradé, échangé en ligne). Vous en serez peut-être remercié, dans quelques semaines, par une enveloppe de « mail art » que sera porté à vous adresser la ou le récipiendaire de vos cadeaux. Abordable par des enfants (à partir, à mon sens, de huit à dix ans) et tout à fait apte à susciter des vocations… Je le recommande aussi à, par exemple, des clubs de loisirs, des animatrices, voire des ergothérapeutes, &c.
Voir aussi, sur le site d’Eyrolles :
http://www.editions-eyrolles.com/Livre/9782212135589/bien-debuter-en-calligraphie