Il a bien raison, Claude Guéant. Toutes les civilisations ne se valent pas. Regardez la française. Une révolution sanglante, mais rien qui puisse égaler le Cambodge de Pol Pot ou la Chine du président Mao. Même rapporté à la population, les massacres français font gagne-petit. Idem pour les guerres de religion. Rien de bien sérieux par rapport aux conflits de l’islam. En France, on se veut « petit ».

 

En France, nous avons le culte du petit. Par rapport à la civilisation germanique, par exemple. Avec un franc sam’suffit par rapport au mark.

Oubliez donc Napoléon, son code, sa grande armée. Les Françaises et les Français ne veulent plus de l’Europe ; elles et ils veulent en revenir au franc, pour acheter de tout petits crottins de chèvre, bien de chez eux, et non point des meules de comté (ex-espagnol), d’abondance (ex-savoyard, donc ex-piémontais), ou d’ossau-iraty (ex-basque et béarnais). Tant qu’à faire, autant se replier sur l’Île-de-France et les Pays de Loire, avec un franc francilien-tourangeau. En abandonnant les Celtes, les Occitans, les Souabes, et les autres, Provençaux, Picards, &c., à leur sort.

Ce ne sont pas tant les petites phrases ciselées d’un Claude Guéant qui m’inquiètent. En Bretagne, tout le monde se contrefout de se comparer aux Écossais, Galois, Cornouaillais, Irlandais, Galiciens, &c. Les petitesses des éléments de langage sarkozyens nous passent au-dessus de la tête, ou d’une oreille à l’autre, en secouant l’une de nos gonades sans bouger l’autre.

Beaucoup plus inquiétantes me paraissent les thèses de Gabriel Colletis, Alain Cotta, Jean-Pierre Gérard, Jean-Luc Gréau, Roland Hureaux,Gérard Lafay, Philippe Murer, Laurent Pinsolle, Claude Rochet, Jacques Sapir, Philippe Villin, Jean-Claude Werrebrouck, et consorts. Voyez sur L’Observatoire de l’Europe.

Ils n’ont pas tout à fait tort de pointer que « l’obstination des gouvernants à foncer, à marche forcée, dans l’impasse de l’euro ne peut conduire qu’à une aggravation générale de la situation économique en Europe. ». Mais le retour à une sorte de serpent monétaire européen, pour restaurer la compétitivité de divers pays (et pourquoi pas provinces ou entités géographiques cohérentes) me semble porteuse, en germe, d’autres facteurs de tension.

Pourquoi donc le nord de l’Italie n’opterait-il pas pour l’adoption du franc suisse, ou d’une monnaie commune à la Slovénie et à l’ensemble Trévise-Trieste ? Une catalane-occitane ? Ne serait-ce point plus avantageux ? Soyons cohérents. Pourquoi pas une monnaie basque ? Au-delà, pourquoi pas une monnaie commune à la Prusse et à la Pologne ?

« Bien que cette solution favorise les pays forts et défavorise les pays faibles, elle est la seule réaliste afin d’assurer la pérennité des contrats conclus antérieurement, » considèrent-ils. Mais pourquoi excluent-ils donc le rétablissement d’un contrôle des changes ? Les civilisations ne se valent pas, n’est-il point ? Il faut se prémunir des agissements des États voyous…

Un pays qui avait salué Antoine Pinay, puis Raymond Barre, proclamé « meilleur économiste de France », a une singulière propension à s’en remettre à des généraux ou des économistes. Pourquoi pas à des voyantes, des pythies ou des mages ? De nouveau à un Sarkozy ? Il a hélas épousé une Carla Bruni – et désormais brunie – et non Françoise Hardy, qui lit dans les astres.

Espérons qu’au moins Marine Le Pen pratique – discrètement – l’hypnose, et sait s’entourer de nouveaux Horbiger, Pio de Pietracilna ou Eric-Jan Hanussen, comme Hitler le fit avant de les répudier.

Parce que, au fond, nous en sommes là. Déboussolés et pour autant en désir d’un projet politique. Qui ne nous porterait pas à foncer tête baissée dans le mur, mais qui pourrait transcender la résignation, le repli sur soi, la frilosité… et la vaine évaluation de nos aptitudes à surmonter les difficultés au nom d’une supériorité ou infériorité civilisationnelle.