La violence semble ne plus épargner aucun domaine qu’il soit verbal, politique, social, culturel, scolaire, criminel, etc ; sans user de litote, son indice serait montée de plusieurs crans : se suicider ou s’immoler par exemple, pour pouvoir se faire entendre va bientôt finir par se banaliser. Une intolérance générale grandissante, avec une aptitude à s’indigner de plus en plus indexée sur des critères religieux ou autres devient inquiétante et gare à tous ceux démunis, qui laissent indifférents !
La détention de prisonniers par les Etats-Unis à Guantanamo depuis 2002 a beau être dénoncée, elle tient toujours, sans doute à défaut de mobilisation suffisante. Au nom de la lutte contre le terrorisme international, les droits de l’homme y sont royalement bafoués ; Bush en son temps avait pris ses précautions, multipliant les mesures d’exception ; nombre de prisonniers innocents qui ne connaissaient Al Qaëda, ni de près, ni de loin étaient quand même venus s’y échouer sans inculpation, ni jugement aucuns.
Parmi eux, il y a de ces mineurs qu’enrôlent les adultes en temps de guerre : de ces victimes en puissance devenues par le hasard des choses, des adultes dits bourreaux ; certains n’ont pas tenu le coup devant la froideur de l’injustice, ils se sont laissés mourir. La promesse par Obama de la fermeture de ce centre « de la honte », lors de son investiture en 2009 est restée lettre morte : le Congrès a voté et renouvelé une loi contre le transfert des prisonniers à l‘étranger ou en Amérique pour y être jugés ou incarcérés autrement dit, le maintien en bonne et due forme de cette zone de non droit.
Ils sont 166 détenus derrière de hauts barbelés. On les a vêtus d’une combinaison orange ; violente, presque insultante, cette couleur éclatante de beauté qui tranche avec leur malheur. Cloîtrer à faire rugir, même la prière, le Coran, leur unique refuge est parfois profané : la goutte d’eau qui fait déborder le verre quand on est au bout du rouleau ; et voilà que quelque détenus en guise de résistance, se lancent dans un mouvement de grève de la faim. Petit à petit, d’autres se joignent à eux faisant grossir leur nombre qui a fini par atteindre les 100 et même 130 selon les avocats.
Parmi ces résistants, il en est 23 qui s’avèrent encore plus vulnérables que leurs camarades d’infortune et qui à force de désespoir, dépérissent. Les geôliers ont découvert la parade à ce désagrément : le gavage de force, un peu à la manière des oies, des canards. Attachés à une chaise, une fois jambes, bras et tête sanglés l’opération est lancée à partir d’une sonde reliée par voie nasale à l’estomac. Un véritable calvaire qui leur est infligé deux fois par jour : à des heures irrégulières, souvent impossibles, au beau milieu de la nuit, quitte à les arracher brutalement des bras parcimonieux de Morphée.
Ces derniers jours les défenseurs de droits de l’homme ont intensifié leur combats : encagoulés dans leur combinaison, couleur solaire, ils ont manifesté devant la Maison Blanche : « je suis mort en attendant la justice ». Aujourd’hui le Haut Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a dénoncé l’alimentation forcée qui s’assimile à un « acte de torture, à un traitement à la fois dégradant et douloureux, donc interdit par la loi internationale ».
De son côté, le président américain a enfin promis hier, lors d’une conférence de presse, de rouvrir ce dossier dans le but d’honorer sa vieille promesse de campagne. « Il est important de comprendre que l’Amérique n’a pas besoin pour sa sécurité de Guantanamo. Cela coûte cher. C’est inefficace ». « L’idée de maintenir pour toujours un groupe de personnes qui n’ont pas été jugées, c’est contraire à ce que nous sommes, c’est contraire à nos intérêts et cela doit cesser »!
Il est encore bien tôt pour faire du triomphalisme : étant donné la propension à abdiquer du Congrès sous le poids des pressions des lobbies de tous genres, qui font la pluie et le beau temps, on n‘est jamais à l‘abri de désillusions.
« se suicider ou s’immoler » : quelle serait donc la différence entre les deux ?
cette prison hors la loi est effectivement désespérante et honteuse
malheureusement sous l’afflux permanent d’actualités, on finit par l’oublier.
merci pour la piqure de rappel