La Grèce est très différente de la Corse… La preuve, second pays de l’Otan, après les États-Unis, en termes d’investissements dans la Défense, elle vient de préserver cette en se refusant à couper dans le budget de ses forces armées. Pour le reste, la récente tribune libre du journaliste grec Kosatas Vaxevanis dans le New York Times dresse un portrait de ce pays dans lequel ceux qui critiquent le système oligarchique corse se retrouvent tout à fait.
Certes, les janissaires et la marine de guerre de l’empire ottoman ne menacent plus la Corse. Tandis que l’actuelle Turquie serait toujours un agresseur potentiel aux yeux des généraux turcs. C’est sans doute le prétexte invoqué pour ne pas réduire le budget des forces armées grecques (baisse des dépenses globales européennes : 15 %). Et puis, peut-être faut-il continuer à honorer les contrats d’armements avec l’Allemagne et d’autres pays…
Mais surtout, la caste politique grecque craint que vider les 500 bases militaires et les 17 centres de formation renverrait trop de chômeurs dans les rues où la violence est croissante. Ou que les généraux soient tentés de reprendre le pouvoir. En fait, les dépenses militaires grecques restent à 2,1 % du PIB et sont réduites parce que le PIB a fortement chuté. Mais les soldes, l’essentiel des dépenses, n’ont pas vraiment été affectées.
Le problème ne se pose pas en Corse. Mais les autres, de nombreux autres, présentent quelques similitudes. Pour Kostas Vexavanis, le journaliste à l’origine de la dénonciation des purges dans la liste Lagarde des évadés fiscaux grecs, qui s’exprime dans le New York Times, le problème majeur de la Grèce c’est la collusion entre une caste politique et une autre, de faux entrepreneurs. La plupart des indépendantistes et critiques corses du système insulaire de la plus grande île dite « hexagonale » n’ont jamais dit autre chose.
En Grèce, comme en Corse, le secteur public local est largement marqué par le clientélisme. Le secteur privé, dans une moindre mesure, aussi : tout dépend de qui on connait pour obtenir un poste. Bien sûr, c’est plus accentué en Grèce puisqu’il s’agit d’un État et que les fonctionnaires centraux peuvent être aussi recrutés sur recommandations.
Mais, pour K. Vexavanis, le plus gros problème, c’est la collusion entre les dirigeants politiques et les investisseurs. Les bons marchés sont accordés aux bons « clients » et « fournisseurs », qui parfois se contentent ensuite de sous-traiter, ayant emporté les contrats. « Parfois, ils s’offrent un club sportif pour se rallier le soutien de l’opinion », relève-t-il.
C’est bien sûr plus facile aux politiciens grecs de favoriser les plus riches. Un exemple ? En 2011 a été instaurée en Grèce un impôt foncier. Mais pour les propriétés bâties ou non-bâties de plus de 2 000 mètres carrés, une réduction de 60 % a été appliquée.
Quant à la liste dite Lagarde des évadés fiscaux, elle a été expurgée. Notez qu’en France, depuis Woerth, Baroin et Cahuzac, on ne sait toujours pas qui figurait dans les listes d’évadés fiscaux qui avaient été communiquées à Bercy. D’ailleurs, en Grèce, c’est plus simple : la liste s’est égarée… sans que les principaux partis s’en émeuvent. Elle est réapparue, mais toilettée.
Selon Transparency International, la Grèce est le pays européen le plus marqué par la corruption (et pourtant, la Roumanie…). Dernièrement, on s’est aperçu que le ministère du Tourisme et l’office national s’étaient appauvris depuis une dizaine d’années d’environ 12 millions d’euros au bas mot : des hôtels étaient subventionnés pour des travaux de restauration jamais effectués, par exemple. Ou des campagnes de publicité surévaluées ou inexistantes étaient financées par l’argent public.
Mais, quand même, un banquier grec vient d’être arrêté. Actionnaire de la banque Proton, il s’était livré à des malversations pour la coquette somme de 700 millions d’euros. Lavrentis Lavrentiadis se considère être le bouc émissaire de la crise bancaire grecque. Selon un professeur d’université d’Athènes, son arrestation est due au fait qu’il ne faisait pas partie du cœur du système politicofinancier. Mais quand même assez influent pour disposer de 16 gardes du corps (dont six policiers) dans sa résidence.
La Grèce reste dans la zone euro, mais les Grecs recourent de plus en plus au troc… avec soldes des achats ou suppléments réglés en terns ou en d’autres monnaies locales.
En Corse, la fin des arrêtés Miot, qui exonéraient la transmission des biens immobiliers, signerait « un cataclysme pour la société corse dont les fondements mêmes sont atteints » ont déclarés divers élus indépendantistes. Tandis que d’autres saluent « un premier succès dans la lutte contre la mafia et l’omerta insulaire après les mesures prises par Manuel Valls et Christiane Taubira. ». En dénonçant la collusion entre les notaires et les élus insulaires.
Le président du conseil régional des notaires estime, lui, qu’« en obligeant les Corses à vendre leurs biens pour payer leurs droits de succession, on offre aux gens qui veulent faire de la spéculation ou du blanchiment, non pas un aérodrome, mais un aéroport international… ». C’est vrai que le troc, c’est mieux, plus discret.
Il y a en Corse-du-Sud un seul fonctionnaire de la Direction générale de la concurrence que la CCI ignore superbement lors de ses appels d’offres.
Comme Jacques de Saint-Victor, historien du droit, le concluait dans Le Point (17 déc. 2012), « beaucoup d’acteurs n’ont pas voulu voir la dérive affairiste qui s’emparait de l’île depuis les années 1980. Certains dirigeants ont même été dans le déni en affirmant que la Brise de mer, l’un des plus puissants clans criminels de l’île, était un "mythe". Aujourd’hui, on est arrivé au bout de cette politique de l’autruche. Mais on est sans arme intellectuelle pour affronter le défi que la corruption et le crime organisé font peser sur le bon fonctionnement de la démocratie française, notamment dans le Sud méditerranéen. ».
En Grèce aussi, on n’avait rien vu… et peut-être rien voulu voir.
Pour la Grèce, on sait un peu mieux. Pour la Corse, on attendra.
[quote]La Grèce est très différente de la Corse… La preuve, second pays de l’Otan, après les États-Unis en termes d’investissements dans la Défense[/quote]
Je dois vous avouer que je ne vous ai pas cru, j’ai été vérifier.
Et, effectivement, avec 2,7% du PIB 2011, la Grèce se classe seconde en dépenses militaires, proportionellement au PIB derrière les USA (4,7%).
C’est hallucinant.
Ce pays ruiné, non particulièrement menacé, pas davantage impliqué dans des conflits, continue de consacrer des sommes astronomiques à l’armée.
A qui profite le crime ? Posons-nous la question…
Lien vers le site de la banque mondiale, pour ceux qui seraient aussi dubitatifs que moi :
[url]http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/MS.MIL.XPND.GD.ZS[/url]