Dans sa présentation du "Grand Paris", Nicolas Sarkozy a émis beaucoup d'idées. Dont celle de faire "des Central Parks à la française". Ah! Central Park! Voilà qui fait rêver. Et frémir.

Nicolas Sarkozy n'a pas dû lire le livre de Joan Didion, L'Amérique (Grasset), qui vient d'être traduit en français par Pierre Demarty. Dans la série de textes groupés ici, il en est un qui parle, précisément, de Central Park. Cela s'appelle Voyages sentimentaux et raconte la terrible histoire d'une jeune femme de 29 ans, blanche, conseillère en placement – cela compte dans la démonstration de Joan Didion. Dans la nuit du 19 au 20 avril 1989, pendant qu'elle faisait son jogging, elle a été attaquée, violée, tabassée et laissée pour morte. Elle s'en est sortie. Mais son cas, parce qu'elle était blanche et appartenait à la classe aisée, a été monté en épingle par la presse. Bien d'autres agressions du même genre, dans la même période, n'avaient eu droit qu'à quelques lignes, voire au silence.

Voilà pour le fait divers.

Qui permet à Joan Didion de parler longuement de Central Park et de ses origines. Le contrat de sa conception  avait été remporté, en 1858, par Frederick Law Olmsted et Calvert Vaux. Ils considéraient déjà que l'endroit pourrait être dangereux, et estimaient "qu'il ne sera d'aucune utilité après le crépuscule; car l'expérience a montré que, même à Londres où les services de police accomplissent un travail en tout point remarquable, il est impossible de garantir au public la sûreté de la traversée de larges espaces dégagés après la tombée de la nuit"

Néanmoins, le parc fut construit, achevé et même prolongé dans des travaux d'une utilité douteuse. Pourquoi? Joan Didion donne cette réponse: "Central Park, ainsi, pour ses souscripteurs sinon pour Olmsted, était une affaire de contrats, de construction et de pots-de-vin, une affaire de magouillages politiques, mais la sentimentalisation qui aboutit à reléguer dans l'ombre ces magouillages, l'"histoire", avait à voir avec certains contrastes sensationnels, certains extrêmes, dont on pensait qu'ils caractérisaient la vie dans cette ville comme dans aucune autre."

Central Park, une légende à faire peur…