Non, Philippe Geluck n’est pas « un gentil » et son dernier livre lui permet de le montrer à ceux qui ne voyaient en lui que le brave humoriste belge qu’on voyait chez Drucker, ronronnant dans la douce tiédeur d’un studio de télévision.

Qu’on ne se fie pas à son visage souriant et sa voix douce et calme ! C’est tout le contraire d’un humoriste consensuel, ses maîtres sont Siné, Reiser et Cavanna. Il a été élevé aux mamelles de Charlie et d’Hara Kiri de la grande époque.

Athée convaincu, ce qui n’est pas pour me déplaire, il aime s’attaquer aux religions et aux intégristes de tous poils. Dans « Geluck enfonce le clou », il abandonne volontairement son débonnaire compagnon, le chat, pas assez « méchant » pour l’occasion. « Textes et dessins inadmissibles » est le sous-titre du livre qui montre qu’il n’a pas peur de choquer ses lecteurs. Il rappelle en cela l’inoubliable Reiser, le maître incontesté du dessin féroce. Philippe Geluck ne s’interdit rien et le confesse volontiers : « Je n’y vais pas avec le dos de la petite cuillère. Je suis un sale gosse.» Les Juifs, les intégristes,  les handicapés, les enfants, personne n’échappe à ses blagues revendiquées de mauvais goût. Il semble qu’il ait eu carte blanche de son éditeur et il en a bien profité. On imagine qu’il rêve en pensant aux « Oooh ! » offusqués de certains bien pensants tombés par erreur sur ces pages iconoclastes. Entendre dire de lui « Là, c’est le type qui se moque de Jésus » a été sans nul doute une sorte de consécration. Quand on voit que le droit à l’humour vache est en péril, on ne peut que saluer ceux qui osent encore. L’incendie de Charlie Hebdo montre que la satire est devenue une activité à risque. Je doute néanmoins que l’humour soit une arme efficace contre l’intolérance des intégristes qu’ils soient musulmans, juifs ou catholiques, car pour l’apprécier il faut un minimum d’intelligence.