À gauche, restons « Charlie » (même celles et ceux qui sont d’abord Siné Mensuel) et ne nous fourvoyons pas… Xavier Bertrand, à la rigueur ; Pécresse, non, mais… allô, non mais, allô quoi… Ailleurs, où cela reste gagnable, et même de Reims à Strasbourg, votons en godillots (du général Hollande ou du colonel J.-P. Masseret, victime de 71 défections), guère plus le choix. Mais en Paca, le vote blanc s’impose…
Je voulais vous entretenir du bouquin de Jane Weston et David Vauclair, chez Eyrolles, consacré au Charlie Hebdo d’avant, pendant, et après le, les attentats. Un truc très académique, sans un mot de trop, mais, contagion du sujet oblige, pas chiant. Ce sera pour une autre fois. Mais en fait, c’est lié. Le Charlie d’après et d’avant Philippe Val, et même de pendant (pour la défense d’une laïcité sans crainte ni haine), ne s’est pas planté sur le Front national. Le FN se démasque, se démasquera davantage, et cela sera patent en Paca, où des ex-UMP s’rabibocheront avec lui et des frontistes, excédés par la famille détentrice du Front, rejoindront les « Républicains ».
Énoncé ainsi, cela fait magouille politicienne ; bon, assumons. Xavier Bertrand, à la rigueur, c’est acté, et mieux vaut un FN dans l’opposition régionale que dominant. D’autant que le personnage, pour Picard qu’il est, s’apparente davantage à un centriste nordiste ou alsacien qu’à une Morano. Pour Pécresse ou d’autres, pas sûrs de l’emporter, non, bien sûr, pas une voix de gauche. L’ultra-libérale Pécresse n’est certes pas une goule, un épouvantail, mais on comprend bien que, par exemple, subventionner des études universitaires féministes (donc s’intéressant aussi aux questionnements gendrés), comme actuellement avec l’exécutif sortant, elle n’en a rien à battre. Elle a en fait toutes ses chances, avec son programme, de faire encore progresser le FN en dehors de Paris et des banlieues chic. Voire de jeter partie de l’électorat populaire subsistant à gauche dans les bras du clan Le Pen. Soit une famille de milliardaires qui fait semblant de lui prendre le pouls, de feindre la compassion, et qui le conchiera dès qu’elle aura tout accaparé par les moyens dictatoriaux habituels si les électoraux ne suffisent plus.
En Alsace-Lorraine (et Champagne-Ardenne), la donne est très différente. Jean-Pierre Masseret, qui n’est pas qu’un cacique, mais un authentique socialiste, fidèle à ses convictions, mais sachant se concilier la droite centriste pour faire avancer des projets, va certes offrir une large majorité au FN (si ses camarades rameutés par Solférino ne lui imposent pas une retraite le vouant à l’asile des vieux politiques). Mais lui et ses colistiers creuseront les dossiers et se feront entendre.
Certes, ils ne siègeront pas face à Nadine Morano. Mais c’est elle qui donnera le ton régionalement… Son dernier truc en date : prôner « la déchéance de nationalité pour les femmes en burqa ». Elle ajoute que « ce sont des publicités ambulantes pour l’État islamique. ». Outre que la mesure est illusoire, même si je serai tenté de lui donner raison, là, au premier degré de la non-réflexion, de l’instinctif, je n’ai pas envie de sombrer dans les délires frontistes de Riposte christo-judaïque (dite « laïque »). D’abord, parce que, comme le caricaturiste Terrier, de Libération, ou le rescapé grièvement blessé du Bataclan qui, depuis son lit d’hôpital (voir sur l’Huffington), appelle à réfléchir ensemble « et non contre les autres », j’estime qu’à rien ne sert de verser la soupe au FN.
La planche de Terrier est cocasse. C’est Marie-Chantal, épouse Kader, en conversation avec Clafoutis Dugommier. Très Bretécher d’inspiration. Le rejeton de Marie-Chantal et Kader, pour exaspérer ses parents, est passé par la phase djihadiste converti. À présent, les yeux sans doute dessillés, il ne jure plus que par Marine et Marion… C’est dommage, la peine incompressible voulue par Morano (parce que la déchéance de nationalité, c’est ad vitam), sur un coup de sang, je lui aurai doublement appliquée.
Sauf qu’il faudra bien faire avec l’électorat du FN qui le désertera, non pas comme en Paca pour rejoindre une Sarkozye censée pourvoir en postes et prébendes, tout aussi frontiste en discours et déclarations tonitruantes, à la Morano réhabilitée. Mais pour une fois de plus le convaincre que les sociaux-démocrates, les « socialauds » de Riposte laïque, peuvent redevenir un moindre mal. Et l’ado attardé finira bien par se raviser, sans avoir eu à passer par la déchéance de sa nationalité ou des bastons avec les jeunes socialistes ou Front de gauche.
Qu’Estrosi, qui appelait naguère à des compromis électoraux avec le FN, vote bientôt avec lui au conseil régionale, tente de retenir celles et ceux qui feront défection pour le rejoindre, flatte et récompense les futurs ex-FN déçus par la famille (pour laquelle, durablement, aucune tête ne doit dépasser et leur voler la vedette, et les fonds des candidats, des élus, du parti), et se débrouille. Votons blanc. Estrosi, c’est une Morano à peine plus policée. Il va, sauf intérêt personnel contraire, s’aligner sur un Sarkozy encore plus rageur, encore plus décomplexé, prêt au clash avec les centristes, ses idiots utiles, pour remporter « sa » primaire en rameutant ses partisans passés chez Marine-Marion… Lui concéder ne serait-ce que le bénéfice du doute, lui présumer un vernis démocratique, c’est se l’enfoncer profond.
Restons Charlie, tendance Siné Mensuel…
Le FN, c’est quoi ? D’abord la cassette d’une famille prêchant ci et là compassion pour les laissés pour compte de l’économie, ailleurs le ralliement à la calotte intégriste, histoire de faire rentrer des fonds d’où qu’ils viennent. C’est aussi une formation clientéliste, s’appuyant sur des patrons de TPE, PME et de quelques entreprises de plus large surface, qui liquidera tous les acquis sociaux (peut-être préservera-t-il le repos dominical pour la forme et ne pas heurter partie de sa clientèle). Ensuite, mais ce n’est pas du tout accessoire, c’est la ligne de Riposte laïque.
Il faut consulter la fachosphère, bien présager ce qu’elle nous prépare, soit l’alliance retrouvée du sabre et du goupillon. Oui, ce sont les sections d’assaut christo-judaïques (soit qu’est bénit entre tous le curé intégriste, toléré l’israélite bien aligné sur l’extrême-droite israélienne). Avec méthodes et slogans éprouvés. Seuls à se démarquer du lot, parmi les contributeurs de ce brûlot, les restés laïques de diverses cultures musulmanes, et d’origines – lointaines ou plus récentes – méditerranéennes, qui décryptent le coran avec l’érudition d’un Rushdie. Pas forcément tous athées ou agnostiques, parfois mêmes musulmans soutenant un islam régénéré, ouvert, tolérant, débarrassé de la glose haineuse des hadiths, de l’étouffoir des interdits voulus immuables. Doux rêveurs… en tout cas ici et maintenant. Œuvre de très longue haleine contrecarrée par un FN qui alimente les arguments de Daesch en direction de jeunes déboussolés, radicalisés de fraîche date, persuadés que la nation française les rejette et que l’oumma existe, leur offrant un avenir (autre que de se faire dézinguer par des chiites ou d’autres musulmans).
F comme fachos, N comme nationalistes (si peu nationaux-socialistes), c’est encore et toujours le FN. Il est de bon ton de dire et écrire que le Front national se serait départi de tentations fascistes. Peut-être, car pour l’instant, la république, bonne fille, et la nation, en partie indifférente (voir la prédominance de l’abstention), rétribuent bien famille et affidés. L’Europe aussi, et le chef de file frontiste en Normandie ne veut absolument pas renoncer à ce qu’il racle à Strasbourg ou Bruxelles. Gagnant sur les deux tableaux.
Voter blanc en Paca, pour la social-démocratie canal historique en Champagne et Grand Nord Est, cela n’a certes pas le mérite de la clarté, de la transparence, de l’incantatoire rassurant. Dont acte. Mais depuis quand la politique est-elle aussi limpide que le FN feint de le faire croire ? Depuis quand, dès lors qu’on renonce à la lutte armée, doit-on se gargariser d’illusions simplistes ?
Pour sauver les meubles, il y a l’hypothèse Manuel Valls, qui cherche à se concilier les centristes et pointe un Sarkozy plus soucieux de son avenir passant par la reconquête de son électorat passé au FN que de tout autre perspective. Il en est d’autres. Cela reste un pari. Parfois, il faut répartir les mises, à d’autres instants, tout mettre sur le tapis.
Mais de toute façon, à l’impossible, nul n’est tenu, et quant à voter pour Estrosi, autant direct voter Marion Le Pen. Ce serait la meilleure façon de fragiliser Sarkozy. Ce serait trop demander, je le conçois d’autant mieux que j’en serai, même après avoir lucidement soutenu cette option, incapable au moment de saisir un bulletin et une enveloppe.
Or donc, en Paca, pour bien montrer aux Juppé, Fillon, Bertrand et autres, que Sarkozy va les mener à la déroute, qu’ils risquent de se faire balayer avec lui, le vote blanc s’impose. C’est aussi, à mes yeux, une manière de signifier à celles et ceux qui ne peuvent voter (car obtenir la nationalité française est une galère de longue haleine, et la ligne Valls a enterré le vote des non-Européens), qu’on ne se résigne pas à soutenir le FN édulcoré à la mode Estrosi pour s’éviter le FN véritable, judéo-christiano autoritaire musclé… Certes, cela se discute, je ne jette pas l’anathème, mais quelle tête feront celles et ceux ayant voté Estrosi quand il renchérira, sur le mode Morano, sur les propos de Marion Le Pen ?
Les propos, ce n’est pas rien, mais ce n’est pas l’essentiel. D’ailleurs, restons Charlie, Morano exprime aussi ce qu’en leur for intérieur, nombre de musulmanes et musulmans ressentent. Elle reste dans les clous de la légalité (sur cette question, lire Jane Weston et David Vauclair, voir supra), n’en appelle pas au meurtre, aux déportations massives.
Dans mon quartier parisien, vaguement populaire (vu le montant des loyers, c’est du provisoire), celles et ceux ayant le plus pavoisé tricolore après les attentats, c’étaient des privés de vote (lesquels ne voteraient pas forcément s’ils le pouvaient). Pas seulement les commerces qui vendaient des drapeaux. Loin de là. C’était peut-être moins (mais non pas au contraire) une manière de s’adresser à leurs voisins électeurs qu’une façon de faire la nique aux barbus qui exercent des pressions insidieuses ou frontales pour s’afficher toujours plus halal, toujours plus voilées… Je ne sais pas si, le FN n’étant plus marginal dans ce secteur comme il le demeure à présent, elles et ils auraient fait de même.
Le message du vote blanc n’est pas clientéliste : laissons cela à Serge Dassault et à ses émules, de droite comme « de gôche », comme les dénoncent Razzy Hammadi (et Céline Pina, différemment) ou Malek Boutih. Laissons cela à Estrosi qui promet un « conseil territorial » aux ex-élus socialistes locaux et se déclare à présent « gaulliste social ». Je peux tenter de comprendre Karima Rezoug (apparentée socialiste, française de confession musulmane revendiquée, qui en appelait à voter Estrosi dès le premier tour), à la limite. C’est sans doute sincère, mais n’est-ce pas naïf ?
Et puis, quand même, une élection régionale, dans la troisième région de France de par sa population et ses revenus, n’a pas pour enjeu que des questions d’identité, d’immigration, &c. Gilles Ivaldi, analyste politologue (CNRS – Nice), rappelle que « Marion Maréchal Le Pen a elle-même soutenu que son programme économique était assez semblable à celui de Christian Estrosi pour ces élections. ». Ce que ce dernier a catégoriquement nié. Mais c’est bien la même logique ultra-libérale.
C’est surtout ce qu’il faut expliquer aux électeurs du FN et d’Estrosi en Paca. Évidemment, celles et ceux favorables à un libéralisme forcené resteront de marbre. L’ex-ministre – trois fois ministre – promettait déjà monts et merveilles, mais hormis sur les mesures sécuritaires (vidéosurveillance, embauche de vigiles…), il promet pratiquement l’inverse de ce qu’il a appliqué pour Nice Métropole (devenue Nice Côte d’Azur). Sans bien sûr dire où il trouvera les recettes. Comme le remémorait M.-C. Arnatu (FN), fin 2014, le déficit de la métropole s’élevait à plus de 1,3 milliard et celle de la ville à 370 millions. Ce n’est pas déjà les Balkany en Paca (la progression de la dette est le lot de nombreuses métropoles ou départements), mais on voit mal comment Estrosi réduira, comme il l’a promis, de réduire les dépenses régionales d’un quart…
Allez donc dialoguer là-dessus après avoir massivement appelé à voter Estrosi…
Que des responsables fédéraux PS, ne voulant démentir Solférino, demandent de voter pour lui, c’est une chose. Le faire, dans l’isoloir, une autre… Même chose en Champagne-Ardenne-Alsace-Lorraine. Ils n’ont été que 71 (il en fallait 95) à solférinoser. Que toutes et tous votent contre Masseret pour faire barrage au FN restera à démontrer : au moment de voter, prendront-ils plutôt un bulletin LR et un FN (vous devez prendre au moins deux bulletins et une enveloppe) ou un LR et un Masseret ? Pour poubelliser toutes et tous ce dernier ? J’en doute pour au moins une forte minorité.
Ce fut légèrement tartignole en Alsace. Selon les DNA (Dernières nouvelles), qui avaient ouvert un fil direct sur le site du quotidien, en Bas et Haut-Rhin, il s’est produit pas mal de divisions. Par ex., même si Solférino a demandé que soit envoyé un PDF d’une lettre de retrait, d’aucunes et certains pourraient l’avoir fait, mais plaider ensuite qu’ils n’ont pu la présenter à temps à la préfecture. Il y aurait eu « plus de 90 » à signifier publiquement vouloir se retirer de la liste. Certain·e·s se sont peut-être arrangé·e·s pour ne pas le faire dans les temps (il en fallait 95 pour renvoyer Massenet et consorts dans leurs foyers).
Trautmann a clairement appelé à voter pour Richert, son ex-adversaire qu’elle avait évincé de la mairie de Strasbourg. Mais le député européen PS Édouard Martin s’est maintenu. Ce qui serait farce, c’est que l’électorat abstentionniste de Richert vote finalement soit pour Philippot, soit pour Masseret (car des UMP peuvent aduler Morano et en définitive, préférer le FN ; car des centristes, face au FN, peuvent lui préférer Masseret). Et que les abstentionnistes de gauche se ressaisissent grave de chez grave. FN en tête et Masseret devançant Richert ? Eh, parfois, les résultats sortis des urnes peuvent surprendre. Rêvons un peu.
Bien pesant ce débat où tout se decide à Paris meme quand on parle de régionales et où un ministre décide alors qu’il n’est pas secretaire de parti.
A vomir.
Ces régions n’ont vraiment aucun pouvoir , meme pas celui de choisir leur représentants. Il vaudrait mieux arreter cette mascarade et nommer des préfets de regions à la solde du gouvernement. Plus economique, ecologique, moins de politiques pantins ou fantômes, juste la pour se montrer devant une camera.
Trop d’elections inutiles en France: Ne nous etonnons pas de l’abstention
Malek Boutih, pour lequel j’éprouve de la sympathie, n’est pas tendre du tout et même franchement vachard avec Masseret qui « [i]collabore ouvertement aujourd’hui à la victoire du Front national[/i]. ».
C’est indéniable. Il collabore aussi à une clarification et on verra si, par ex., Richert ne verra pas ses voix du premier tour s’effriter puisque Sarkozy prend pour lui le risque de dédouaner le FN (pas immoral, républicain, blanc bonnet et bonnet blanc avec l’ex-UMP). Quant à faire, autant assurer la plus large victoire à la droite, fusse-t-elle considérée extrême par la gauche.
L’inverse peut être vrai en ce sens que des électeurs centristes veuillent désavouer Sarkozy et riper de l’ex-UMP vers la gauche sociale-démocrate incarnée par Masseret.
Boutih va plus loin en estimant que Papy Masseret est vexé, qu’il a cumulé tous les mandats et ne se résoudrait pas à une retraite, quitte à placer le FN en tête. Cela, je n’en sais rien. Cela pourrait avoir joué.
Sauf que… Masseret n’est pas seul. Dans cette très grande région, il faut bien préparer l’après-FN. Lequel va se voir renforcer par des tas de jeunes énarques et ScPo allant résolument à la soupe. En face, il faut bien maintenir un niveau de compétences.
Cet argument est évidemment contraire à ma résignation de voir le FN passer tant dans en Flandre-Picardie (nom qui me semble pouvoir convenir à la nouvelle région) qu’en Paca. Ben oui, la politique, c’est aussi un lot de contradictions, de complexités, qui, selon la doxa marxiste (au sens de large réflexion sur la société et son devenir), devront être dépassées.
Je pressens la réaction d’une majeure partie de l’électorat FN à cette lecture : il(s) di(sen)t n’importe quoi, tout et son contraire, et d’ailleurs, on n’y comprend rien.
Ben, justement, quand on y comprend rien, on s’efforce de tenter de comprendre. Ce à quoi préfère, pour cette partie de l’électorat, s’en tenir à un slogan du type un peuple, un état, une [i]führerin[/i]. Avant, pour les godillots du gaullisme, c’était le Grand Charles ; là, c’est Marine-Marion. Ou le caudillo Franco, le lider maximo Castro, d’autres.
Quand Valls dit que l’électorat FN veut en revenir à l’avant 1905, il généralise, mais pour Riposte judaico-christique, c’est bien de cela à présent qu’il s’agit au prétexte d’une prétendue identité catho d’un pays partiellement celte, païen à la gréco-romaine, &c.
Marine (Marion Anne Perrine), et surtout Marion Le Pen, encouragent ces officines. Elles se prennent pour Charles Martel adoubé par le pape Grégoire. Ce n’est pas plus forcément diabolique que fasciste, mais c’est de l’autoritarisme musclé qui, contrecarré, peut dériver.
…ou le Gaudillo Valls , ça tombe à pic !!!
Masseret, « On va lui casser les bras »!
FRATERNITE MINABLE, FRATERNITE MORBIDE !!!!!
Cercueil en carton pâte,
enterrement de première !