Futura, une gloire typographique

  

J’ai  eu le plaisir de tenir dernièrement entre mes mains et de pouvoir feuilleter, tout droit sorti des presses d’impression et fleurant bon l’odeur inoubliable (comme une petite madeleine de Proust) de l’encre fraîche, le superbe livre de Alexandre Dumas de Rauly et Michel Wlassikoff, Futura, une gloire typographique,  qui vient de paraître aux éditions  norma…

 

L’écriture, ou plutôt les écritures,  tout comme maintenant les polices d’écriture, font partie du patrimoine collectif de l’humanité.
La communication écrite passe par ces vecteurs graphiques qui ont des histoires souvent passionnantes .

Les auteurs précités ont choisi de s’attacher plus particulièrement à celle du caractère «  Futura » qui a fait entrer la typographie dans la modernité, et leur livre est une somme dont  Alexandre Dumas de Rauly a bien voulu  nous donner quelques clés en exclusivité pour C4N, nous ouvrant ainsi les portes de l’exposition  qui se tient à Paris, à la Galerie Anatome dans le 11e ar., espace d’exposition et de rencontres entièrement dédié au graphisme, jusqu’au 23 juillet prochain , en accompagnement de la sortie du livre .

 

 

Mais écoutons plutôt Alexandre Dumas de Rauly :

« Si vous passez  par Paris, n’hésitez pas, profitez de l’occasion pour aller découvrir cette exposition Futura à la Galerie Anatome.

Vous ne le connaissez peut-être pas bien, mais le caractère Futura est l’un des plus utilisés.

Volkswagen, Canal+ ou encore Louis Vuitton s’en sont emparés pour leurs communications.

 

Abécédaire du Futura halbfett [demi-gras], 24×32 cm, 1926-1927. 
Klingspor Museum, Offenbach / Éditions Norma

 

Gene Federico, publicité pour le magazine Woman’s Day, 1953. 
Richard Hollis, Londres / Éditions Norma.

 

L’exposition qui lui est consacrée retrace l’histoire d’un des plus célèbres caractères sans empattement, qui depuis plus de 80 ans a considérablement marqué l’histoire de la typographie. 
Le « caractère de notre temps » a connu une extraordinaire expansion, dans la période qui vit à la fois l’effervescence créatrice du Bauhaus et la répression hitlérienne. Il sera repris dans les magazines Vu, AC et Casabella, les affiches de Jean Carlu, puis plus tard dans les campagnes publicitaires américaines de Volkswagen ou des grands magasins italiens La Rinascente.

La Nasa en fait le caractère de la conquête spatiale, la mission Apollo 11 en juillet 1969 laissa d’ailleurs sur la Lune une plaque gravée en Futura et Stanley Kubrick le reprend pour la communication de 2001 : l’odyssée de l’espace, puis pour nombre de ses films. 

Plaque commémorative installée sur le sol lunaire par la mission Apollo 11, Nasa, 1969, 18 × 15 cm.
Nasa/courtesy nasaimages.org / Éditions Norma.

 

Barbara Kruger le fait entrer dans le registre de la contestation et du détournement dans les années 1980 ; tandis que l’extension du domaine de son utilisation se révèle, par exemple, sur les écrans de Canal+.
Le Futura a connu un regain d’intérêt ces dernières années, notamment dans les identités graphiques de lieux culturels comme la Seattle Public Library (Bruce Mau), la Barbican Gallery à Londres (Cartlidge Levene et le Studio Myerscough), le musée du Jeu de Paume (Change is Good), ou encore le 104 (Experimental Jetset).

« Des croquis préparatoires aux interprétations contemporaines, de son emploi par les Nouveaux Typographes des années 1920 jusqu’à l’usage-culte qu’en font des artistes tels que Edward Ruscha ou Barbara Kruger, l’histoire du Futura s’apparente à une saga. »

Comme le note Étienne Robial, paraphrasant Kurt Schwitters : « On peut considérer à la lecture et à la vue de cette histoire que, dans certaines conditions, une police de caractères est une œuvre d’art. » 

Heinrich Jost, « Für Fotomontage Futura », annonce presse en quatre pages encartée dans Gebrauchsgraphik, vol. 6, no 3, mars 1929, 22 × 31 cm. 
Haus der industriekultur, Darmstadt / Éditions Norma

Où en est-on aujourd’hui avec ce monument, l’un des plus célèbres caractères typographiques du XXe siècle ? L’exposition contribue à y répondre largement, mettant en valeur chaque parcelle du présent par un éclairage approprié en provenance du passé. On peut donc découvrir le Futura imaginé par son créateur, Paul Renner, dès 1924, et le Futura de nos jours présent dans de multiples versions numériques ou redessiné pour l’identité de grandes entreprises et institutions. 

On appréciera la manière dont il est associé au Mouvement moderne dans les années 1930 et « comment il contribue aux recherches graphiques les plus novatrices au début du XXIe siècle. »  L’exposition intéressera tous les publics. Parcourant tout le vingtième siècle, on découvre à quel point la typographie est un élément familier et méconnu dans une société où l’image tient un rôle de plus en plus important. Il s’agit d’une véritable rétrospective historique plongeant dans l’univers de la lettre et dévoilant les enjeux politiques et culturels qu’elle revêt.
L’exposition est organisée à l’occasion de la sortie de l’ouvrage Futura, une gloire typographique, écrit par Alexandre Dumas de Rauly et Michel Wlassikoff et préfacé par Étienne Robial aux éditions Norma. « L’ouvrage présente une recherche inédite, publiée en français, fondée sur des documents rares ou inconnus. » 

 Quelques  informations pratiques :    Exposition Futura du 6 mai au 23 juillet 2011  du mardi au samedi de 14 h à 19 h fermée les jours fériés entrée libre et gratuite  Galerie Anatome Un espace graphique à Paris   38 rue Sedaine F-75011 Paris   T +33 1 48 06 98 81   F +33 1 58 30 71 03 www.galerie-anatome.fr M Bastille, Voltaire, Bréguet-Sabin   
Infos et mises à jour sur les différents événements liés au projet Futura
http://www.facebook.com/futurastory    Le livre est en vente à la galerie, en librairie, chez les libraires en ligne et sur http://www.editions-norma.com/Livres/Arts-decoratifs-l-Design/Futura-une-gloire-typographique  

8 réflexions sur « Futura, une gloire typographique »

  1. [b]L’Art de l’écriture rejoint l’Art de la police employée pour « écrire ».

    je viens d’aller par curiosité sur mon traitement de texte Word 2008, et j’y ai trouvé « futura ».
    Un joli graphisme aux lettres rondes et appétissantes.
    La rondeur des lettres est un signe de convivialité de bonne humeur, et je l’emploierai pour écrire mes « billets », tout en sachant que sur C4N c’est le classique Arial qui prévaut.

    Une bien belle rencontre Mum, sous forme de reportage :

    J’ai cherché dans Google images, et j’ai trouvé ceci. Mais je me demande même si Google n’emploie pas du Futura pour annoncer sa page de recherche.
    La rondeur des lettres m’y font penser

    En attendant voyez cet abécédaire :

    [img]http://www.jeudepaume.org/imagesZoom/SocieteRealiste_12_S~1.jpg[/img][/b]

  2. @Mum,
    on utilise des caractères sans souvent en connaitre l’origine!
    Quelle richesse nous propose les traitements de texte, utiliser une police en fonction de notre humeur!
    Tous ces dessinateurs anonymes ou inconnus du plus grand nombre qui ont travaillé pour notre plus grand plaisir.

  3. Eh oui, ce sans empattement est moins connu que l’Helvetica (et sa variante, l’Arial), ou évidemment le Times (avec empattement, ou [i]serif[/i]).
    Cela tient aussi à l’histoire de la bureautique et de l’informatique.
    Les premières machines à « boule » (IBM), puis à « marguerite » (Olivetti), ont adopté d’autres dénominations pour des caractères voisins ; puis les polices livrées avec les systèmes d’exploitation populaires (IBM-PC compatible, Apple…) ont mis en valeur, soit l’Helv., soit l’Arial (reprise pratiquement à l’identique par Monotype des Helv. de Linotype), et le Times.
    Pour la petite histoire, l’Allemagne nazie s’est débarrassée de ses caractères [i]fraktur[/i] (ne pas utiliser « gothique » qui a un autre sens en anglais) pour des raisons de lisibilité de la propagande et de la signalétique dans les pays occupés. Les traditionnels [i]fraktur[/i] ont été désignés [i]judenschrift [/i](écriture des Juifs) pour s’en départir.
    Tout comme le couple Helvetica-Arial est le fruit d’une concurrence entre les fonderies, le Futura doit son inspiration à l’Erbar :
    [url]http://www.linotype.com/fr/378/erbar-famille.html?PHPSESSID=3197fc91a972cd20a144a7be9a84d6f4[/url]
    Le Century Gothic aurait pu lui ravir la vedette pour les raisons exposées plus haut (le Century « gothique », en fait « grec », issu de la gravure lapidaire, mais aussi inspiré de l’Erbar, fut employé en dactylographie).
    La galerie Anatome se trouve dans une cour. Ne pas se laisser intimider par un portail clos.
    Elle dispose de rayons de librairie spécialisée (graphisme, typographie).

  4. merci de votre passage Jef , et de toutes ces précisions intéressantes…Je pensais bien que ce sujet vous intéresserait ! j’en suis heureuse .Pour ma part c’est encore un peu abscons car très professionnel et pointu , mais j’ai maintenant envie de creuser un peu plus grâce au beau livre d’alexandre and C°, car hélas je n’aurai pas la chance de pouvoir découvrir l’expo à Paris…

  5. contente de vous lire sous ce papier chère Sophy, votre réactivité m’épatera toujours et je vois qu’aucun sujet , fusse-t-il hors de nos préoccupations habituelles ne vous laisse indifférente !
    Il est fort intéressant de se plonger en effet dans l’observation des polices ( je vais souvent sur Da Font pour trouver des choses originales pour le bulletin de mon assoc.)il y a des écritures formidables …comme celle que vous nous présentez ici ..
    Ce serait drôle que chacun nous donne ici sa préféréé, mais je ne sais pas si cela est possible !!!
    en tous cas merci d’être passée.

  6. Très intéressant ,Mum cet article,j’adore les écritures différentes et je m’amuse souvent à jongler avec elle!Je connaissais mal le futura mais maintenant je vais mieux regarder!

  7. ;;

    [url]http://cursivecole.fr/cursives.php[/url]
    un lien utile pour fabriquer des modèles de cursive
    et apprendre aux jeunes enfants la belle écriture,
    ou réapprendre à ceux qui l’ont perdue.

  8. dafont est en quelques sorte une poubelle de la typographie on y trouve surtout le pire et rarement le meilleur voire rarement du bon tout court.. pour s’intéresser à la typographie, il suffit d’ouvrir les yeux, partout, dans la rue, dans les magazines, et vous vous rendrez compte qu’elle tient une place essentielle : prenez un livre ancien, rédigé dans une fonte avec empattements comme le garamond, et imaginez de la futura à la place. Ce serait bizarre. regardez les campagnes apple, hermes, les affiches de musées comme beaubourg ou le louvres..etc.. changez seulement la fonte, pas même l’image ou le message, et l’impression, le message véhiculé sera différent. des graphistes utilisent tous les jours ce matériau qui a une importance et une influence colossale, sans que personne ne s’en rende compte consciemment. De plus les dessinateurs des caractères typographiques les plus connus et les plus beaux ne sont pas des anonymes méconnus : c’est un métier d’une difficulté inimaginable qui est exercé par de véritables artistes typographes qui ont pour la plupart marqué leur temps et sont largement célèbres dans le milieu de l’histoire de l’art et des arts graphiques, pour leurs recherches et pour leur contribution au courant artistique ou de pensée dans lequel ils s’inscrivent.. les courants modernes et post-modernes ont été entre autres portés par des révolutions et des renouveaux typographiques.
    La typographie est à mettre sur le même plan que l’architecture.. la recherche constante, l’évolution des formes et des usages, les retours en arrières, les modes, les expérimentations… sont des marqueurs passionnants et révélateurs de notre temps.
    et comme l’architecture, son histoire s’écrit sous nos yeux, constamment, et influence nos modes de pensée, de lecture, de communication, de consommation..etc.

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