Francophonie : déperdition ou renforcement ?

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Pour la plupart des Françaises et Français, la Francophonie, c’est les pays de langue française officielle, et des « régions » telles que Wallonie-Bruxelles, la Suisse romande, le Québec… C’est aussi l’idée que la France tente de préserver son influence culturelle et la pratique du français dans des pays (Vietnam, Liban, Roumanie…) autrefois colonisés ou ayant développé des liens culturels particuliers. Mais pour les personnes engagées dans l’action francophone, cette vision est très réductrice. Pour ces acteurs de son développement, la Francophonie est en passe de devenir un espace politico-économique mondial influent…


Chaque année depuis sept ans se tient à Timisoara un colloque national universitaire sur les « contributions roumaines à la Francophonie ». Le département des langues romanes de l’université de l’Ouest à Timisoara en étant l’instigateur et l’organisateur l’accent est bien évidemment mis sur les « humanités », en particulier les littératures, les arts, les sciences humaines, comme en témoignent les actes rassemblés dans la revue Agapes francophones ou les articles de Dialogues francophones, l’autre publication de l’université. Pourtant, en séance inaugurale, il fut question de coopération technique entre les aéroports de Lyon-Satolas et Traian Vuia, de prévention des crises monétaires ou écologiques… Cela tient bien sûr au fait que Lionel Lassagne, vice-président du Conseil général du Rhône, était présent : le département français a développé une coopération avec le judeţ du Timiş qui s’étendra à la coopération universitaire mais aussi à d’autres domaines. Le professeur Michel Guillou, de Lyon-3, directeur de l’Institut pour l’Étude de la Francophonie et de la Mondialisation (Iframond), titulaire de la chaire Senghor de Lyon, a aussi dressé un portrait de la Francophonie actuelle qui a pu surprendre les participantes et participants de ce colloque de mars 2010.

 

En 2010, la Francophonie n’est plus celle des origines, de celles et ceux « parlant le français » tant en Europe que dans les pays des défunts empires coloniaux français successifs (de Pondichéry et la Louisiane ou le Canada aux pays d’Afrique ou d’Indochine). Elle n’est plus uniquement celle des chefs d’États fondateurs (du Sénégal, du Niger, du Cambodge et de Tunisie) qui avaient pu convaincre la France du général De Gaulle qu’une « communauté organique » pouvait réunir les nouveaux pays indépendants ayant en le français en partage. Dès mars 1970, à Niamey, parmi les 23 pays réunis pour créer une Agence de coopération, certains d’entre eux n’avaient plus de jeunes populations pratiquant couramment et majoritairement le français. En 1986, à Versailles, le premier sommet francophone comptait déjà une quarantaine de chefs d’États, et le futur treizième sommet, à Montreux, en Suisse, réunira les représentants de 70 pays. C’est que, comme l’a expliqué Michel Guillou, la mondialisation culturelle ne s’est pas tout à fait produite comme envisagée communément. « L’anglosphère est certes dominante, a-t-il observé, mais la Francophonie est devenue la championne du multilinguisme, qui est réel dans l’hémisphère sud et absolument pas élitiste en Afrique, et que les grandes aires sinophones, hispanophones et lusophones renforcent aussi. »

 

Cette Francophonie n’a plus pour seuls acteurs son secrétaire général (actuellement l’ancien président sénégalais Abou Diouf) et ses services. La société civile, les collectivités territoriales, interviennent aussi. Avec parfois, certes, beaucoup de dispersion (certaines collectivités ont développés jusqu’à une centaine d’axes de coopération), mais elles ont créé une « Francophonie de proximité » qui s’interpénètre avec les réseaux des Instituts et Centres culturels français, ceux de l’Alliance française, des Lycées français, &c. C’est cette proximité que Michel Guillou souhaite, avec d’autres chefs de file de ces réseaux, développer, notamment par la mobilisation de « Volontaires de la Francophonie » et d’autres actions, tant multilatérales que bilatérales. « La Francophonie permet, dans tous les domaines, ceux de la coopération économique et le développement durable, de la gouvernance, de mutualiser des expériences et de peser dans le cadre de la mondialisation, » a résumé Michel Guillou. Cette proximité souhaitée peut conduire à instaurer, pour les divers acteurs, artistes, enseignants, chercheurs, un « visa francophone » et des « facilités de circulation accrues ». Mais le recours aux moyens de communication modernes peut aussi être mis à profit, peut-être en créant, a suggéré Michel Guillou, « une université virtuelle francophone ».

 

Cette approche d’un monde plus multilingue suppose des changements de perspective, comme le relevait Éric Baude, directeur du CCF de Timisoara, qui constate notamment le recul de l’enseignement du russe, de l’allemand, et d’autres langues dans le système scolaire français. « Il y a certes un malaise français, a rétorqué Michel Guillou, mais les Françaises et les Français vont bien finir par s’apercevoir que le multilinguisme va progresser, qu’il gagne du terrain. »

 

La Francophonie s’envisage aujourd’hui comme un pôle géoculturel tendant à influer sur les échanges mondiaux, notamment en favorisant le développement durable, l’économie sociale et solidaire, mais ses ambitions géopolitiques évolueront sans doute selon l’orientation que ses principaux membres insuffleront. L’écueil pourrait consister à créer une nouvelle grande organisation internationale dont les besoins budgétaires de fonctionnement siphonneraient les fonds prévus pour des actions de terrain. Tant Michel Guillou, qui a vanté les actions de coopération décentralisée, que Lionel Lassagne qui a relevé la réactivité des collectivités territoriales, ne peuvent exclure ce risque mais ils estiment qu’il n’est pas à présent en germe et que l’actuelle dynamique devrait l’éviter.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

2 réflexions sur « Francophonie : déperdition ou renforcement ? »

  1. [b]Il serait intéressant d’aller visiter le site Internet de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) [ [url]http://www.francophonie.org/[/url] ], dont le Secrétaire Général est Monsieur Abdou Diouf, [i][i]ancien Président de la République du Sénégal[/i][/i]…
    Il est à noter que l’OIF fêtera, le 20 mars 2010, les 4O ans de son existence, grâce à la diffusion, à cette date-là, d’une émission sur TV5 [ [url]http://www.francophonie.org/20-mars-TV5MONDE-celebre-les-40.html[/url] ]…

    Dans de nombreux pays africains, notamment la RDC…, nos anciennes colonies de l’AEF et de l’AOF…, le Français est la langue officielle, administrative et politique !
    Il faut savoir que la langue officielle de l’ONU, de l’UNESCO, des Jeux Olympiques, de la Fédération Internationale d’Escrime… est le Français !

    Mais, ne conviendrait-il pas, dans notre propre Pays, d’interdire l’intrusion de mots anglais, cette intrusion ayant cours dans la publicité, les médias, les technologies, Internet, le commerce ?[/b]

  2. A propos de francophonie, le moment est historique , il apparait que le pays qui compte le plus de francophones, ce n’est plus la France mais la République démocratique du Congo…..
    Vive l’Afrique!

    😉

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