Née en mars 2011, la révolution syrienne n‘en finit pas de traîner en longueur. A l’époque, elle s’était empressée d’emboîter le pas à celles que l’on avait affublées du nom de « printemps arabe ». A l’inverse de la Tunisie, de l’Egypte ou de la Libye, la Syrie elle, n’a toujours pas réussi après plus de deux ans de guerre, à déboulonner son président lequel doit, sans doute, jouir d’un certain potentiel de sympathie auprès d’une frange de sa population.
La violence en cours a généré jusque là plus de 70000 morts, plus d’un million de réfugiés. C’était parti pour n’être qu’une sorte d’insurrection populaire destinée à satisfaire certaines revendications devenues urgentes sur le tard, mais des brèches se sont mises à s’ouvrir tous azimuts : de gré et surtout de force à coups de ces pétrodollars injectés sous la tutelle des monarchies et de leurs parrains.
Et comme d’habitude, quand avec plus de turbulence, le vent a tourné, le nombre de dirigeants bénévoles, prompts à conjuguer leurs efforts en vue du lynchage inexorable du Raïs, s’est fortement accru. Bachar el Assad, l’ami d’hier que l’on avait piédestalisé, devient donc du jour au lendemain l’ennemi numéro à abattre. Et c’est la manifestation inédite d’une soudaine empathie débordante à l’endroit du peuple de Damas, celui-là même qu’on avait pris soin de bien museler, pendant si longtemps.
Le scénario à force, nous est devenu familier ; il est tout simplement réédité : tous les moyens aussi bien diplomatiques que matériels sont mis à contribution pour la réussite du projet. Pièce incontournable du plan : les opposants. Qualifiés tour à tour de résistants ou de terroristes, selon, ils finissent, sous le poids de soutiens, par se coaliser sous le sigle de l’ASL, avec à leur tête Ahmad Moaz Al Khatib.
Ce dernier qui vers la fin du mois de janvier se démarquant de ses partenaires, avait eu le courage de solliciter le dialogue avec le régime en place, vient de créer une nouvelle surprise en annonçant sa démission ; au motif que « des lignes rouges avaient été franchies », que sa liberté d’action avait pris un coup, il préfèrerait œuvrer pour son pays, en électron libre. Les membres de l’Assemblée générale de la Coalition nationale syrienne lui ont opposé une fin de non-recevoir. Le Qatar par la voix du cheikh Hamad Ben Jassim al Thani, Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, s’est offusqué devant une telle annonce, déployant tous ses efforts en vue de graisser la patte du chef.
Les pressions exercées sur Ahmad Moaz al Khatib ont eu de l’effet car on vient d’apprendre que ce dernier se serait quelque peu ravisé : il sera présent aujourd’hui au Sommet de la Ligue arabe réuni à Doha sous la présidence qatarie, au cours duquel il prononcera un discours au nom du peuple syrien.
En effet, le régime de Bachar, suspendu de la Ligue arabe depuis novembre 2011, l’opposition syrienne s’est vue, en échange, octroyer le siège ; conviée au Sommet, la Coalition nationale de l’opposition sera représentée par son Premier ministre intérimaire, hautement controversé, Ghassan Hitto, chargé de l‘administration des territoires sous contrôle rebelle.
Une décision qui n’a pas manqué de faire réagir Damas qui s’est outrée devant cette distribution gracieuse de prérogatives par des émirs venus se substituer à la volonté du peuple ! Et ces derniers jours, la machine semble s’être emballée, tout va très vite, plus rien ne semble pouvoir l’arrêter.
Sous l’effet de vases communicants, l’échec de l’un participe à la réussite de l’autre : et la série des coups portés au régime ne cesse de grossir faisant gagner du terrain à l‘opposition ; il y a cet attentat suicide en plein cœur d’une mosquée au Nord de Damas, à l’heure du prêche de Mohammad Saïd al Bouti, haut dignitaire religieux sunnite et fervent défenseur de Bachar el Assad ; le plateau du Golan devenu théâtre de tensions sporadiques israélo-syriennes avec tout le flou qui va avec ; les Nations Unies qui pour des raisons de sécurité, sont sur le point d’évacuer la moitié de leurs employés en fonction sur le terrain ; et il y aussi et surtout la rumeur qui circule selon laquelle Bachar aurait été tué par son garde du corps iranien. Qui se cache derrière ce Ponce Pilate ? Laurent Fabius a fait savoir que l‘info n‘était pas confirmée. Info, intox ?