Or donc, nous apprend Le Figaro, la Ségolène aurait eu des mots d’oiseaux à l’égard du royal Fillon, dit le petit François Ier de Solesmes. Si, souvenez-vous, Solesmes. C’est de là que Fillon rejoint les avions du Glam pour rentrer à Paris. Il pourrait monter dans un TGV à Sablé, et s’y rendre à pied. Mais voilà, ce n’est pas digne de lui. Et quand il s’agit d’aménager une ligne TGV pour les manants de Navarre (et Poitiers, ou Ségolène est reine), le voici bien chiche des deniers de… qui déjà ? Cela desserrerait-il les cordons de la bourse présidentielle de mieux financer un TGV Sud-Europe atlantique ?

Ségolène Royale végète, donc elle nous « tégévète », voici donc en substance l’angle adopté par Le Figaro pour nous expliquer les enjeux des liaisions ferroviaires rapides (les lignes LGV) entre l’Europe du Nord et la péninsule Ibérique et au-delà, le Maroc. Alors que nous nous attendrions, en ces temps de trêve estivale, à gentil reportage sur le Golf de Sablé-Solesmes, proche de Beaufort en Anjou, et si bien desservi par la gare TGV-Golf de Sablé-Solesmes… (merci à François Fillon, au passage, pour cet équipement bien pratique).

 

Le Fig’ nous en fait tout un ramdam-randam-radam, et nous en gonfle l’écho comme si nous devions être l’oreille collée au ballast d’un TGV lancé entre Poitiers et Matignon. Sous la plume quelque peu perfide de Nicolas Barotte qui « angle » sur une Ségolène en mal de pub et prête à tout pour faire causer dans les voitures de première classe, Le Figaro nous présente un Fillon impavide sous les insultes. Le titre en est « Royal, déjà en campagne, accuse Fillon d’immoralité ». Nous avions cru que c’était notre bon prince François, en ses terres angevines de Solesmes, qui se prélassait non loin des châteaux de la Loire après un petit trajet en Glam. Eh non. Ce serait la Reine du Chabichou et des Charentes-Poitou qui la battrait en peine de ducats pour sa voie TGV Sud-Europe atlantique.

 

Or donc, « vendredi dernier », alors qu’il était en vacances et peu inquiet de la succession de son vagal suzerain, Fillon se serait vu adresser une « lettre cinglante » par la reine du Poitou, la Ségolène. « Nous avons décidé de céder à votre chantage immoral, » débuterait-elle sa missive. Et en avant les missiles : « mépris », « irresponsabilité ». Et sous une photo d’un Fillon impavide, la légende décrit sobrement l’outrage : « François Fillon a reçu une lettre de Ségolène Royal dans laquelle celle-ci l’accuse de “ chantage ” ».

 

Le TGV et l’irresponsable Fillon – selon les termes de Ségolène Royal –, c’est parfois une histoire qui défraye la chronique. Souvenez-vous de ce pilote traîné devant les tribunaux pour avoir retardé un peu un avion du Glam transportant Son Excellence. Quand on s’étonna qu’il ne puisse monter à bord d’un TGV à Sablé-sur-Sarthe, le Manceau, ancien conseiller du canton, ancien maire de la ville, actuel conseiller de sa bonne ville de Solesmes, François Fillon Ier donc eut une réplique de bon sens. Selon lui, il s’agissait de ne pas vexer les passagers montés à Angers et Nantes en leur infligeant de draconiennes mesures de sécurité telles que fouilles, sécurisation des voitures, &c. On en veut donc tant à Son Excellence !?!

 

Solesmes et Sablé sont voisines et se partagent un golf, celui de Sablé-Solesmes, tout proche de la gare TGV. Tandis que le Prytanée national militaire de La Flèche est lui, distant d’une cinquantaine de kilomètre de la gare TGV de Sablé. Son millier d’élèves et leurs proches, les commerçants qu’il fait vivre, peuvent aller se risquer sur les routes, ou rejoindre Le Mans et sa gare TGV. Pourquoi fallait-il donc faire passer des TGV par Sablé et surtout, y marquer un arrêt alors que Le Mans n’est distant que de 44 km ? Parce que… Fillon est tout pour Sablé. C’est son fief.

 

On rétorquera que, pour desservir Angers depuis Le Mans, il n’existait pas de ligne ferroviaire convenable passant par La Flèche. Eh oui, quand on fait une autoroute, la E501, on passe par Durtal et on surmonte la route nationale reliant Sablé à La Flèche telle une bissectrice. Une autoroute serait-elle moins onéreuse à tracer qu’une ligne TGV ?

 

Le TGV Europe-Sud-Atlantique placerait Paris à quatre heures et quelques d’Hendaye. Je n’entre pas dans les détails des projets de LGV (ligne à grande vitesse) Bordeaux-Toulouse ou Bordeaux-Hendaye, de la concurrence du projet Nîmes-Montpellier-Perpignan et donc Barcelone. Ce dernier projet mettrait aussi l’Espagne à 4 h 30 de Paris et comblerait, comme le dit le « socialiste » (à « appartenances géométriques variables ») Georges Frèche, « le chaînon manquant entre Amsterdam et Séville ». Pour la présidente du Poitou-Charentes, les questions de concurrence entre Bordeaux-Toulouse-Narbonne et Bordeaux-Hendaye sont, sinon secondaires, du moins peu primordiales par rapport aux ponctions sur les finances régionales. Car l’État, nous toutes et tous, donc, qui résidons à Lille, Brest ou Strasbourg, n’allons pas en Espagne. Seules et seuls sont intéressés les « régionaux du tracé ». Ils devront donc majoritairement payer. C’est « irresponsable », tonne la Ségolène. Elle n’a pas vraiment tort. En tout cas, on peut consulter ses arguments sur le blogue-notes de son fan club, Désirs d’avenir.

 

C’est vrai qu’elle y va sec. « Je déplore cette attitude politicienne » ; « la poursuite du chantage que vous faites » ; « votre menace de ne pas engager immédiatement ces raccordements (…) est contradictoire avec les exigences de rentabilité » ; « chantage immoral » ; irresponsabilité d’un gouvernement qui « gère mal les caisses vides et rançonne la Région qui gère bien ». En fait, c’est poli de sa part. On sait qui rançonne le Budget et met les caisses à vide… au profit des amis du suzerain et de lui-même, ou du Carlyle Group de sa famille. Mais passons…

 

Elle a du culot, la Royal, d’invoquer aussi « la vie chère ». Mais non, on roule carrosses comme Hortefeux, on se commande des limousines blindées rallongées et un Airbus, comme Nicolas Sarközy, et on Glam à tout-va tel un François Fillon Ier. Un silence méprisant a donc, jusqu’à nouvel ordre, répondu à la hobereaute du Chabichou. Les vagales vapeurs, le sort du futur Grand Porte-Coton préposé aux selles et sanies, Lefebvre, sont des choses autrement plus éminentes.

 

De toute façon, n’ayant plus à emprunter le TGV, n’ayant plus besoin pour longtemps de détourner une LGV vers sa campagne, François Ier du Bocage manceau et d’Anjou septentrionale n’en a cure.

 

Et selon le Fig’, qui accorde bien peu de lignes à l’incident et beaucoup à la rivalité Royal-Aubry, au statut « perdu après sa campagne présidentielle », au rang de reléguée derrière Dominique Strauss-Kahn, à l’indécente « rupture de la trève estivale », il aurait bien raison de ne pas répondre à cette futile provocation. C’est du moins ce que j’ai lu entre les lignes.

Mais, dites donc, cher confrère, vous rendez-vous compte ? Après cette dégringolade, on s’attendrait à ce que Ségolène Royal nous fasse un malaise, non ? Elle aurait pu trouver autre chose, vous avez raison, qu’une banale histoire de sous des contribuables pour tenter de se remettre sur le devant d’une scène occupée par un Michael Jackson et une arrivée du Tour de France. On vous le concède bien volontiers. On ne doute pas non plus qu’elle saura faire mieux la prochaine fois. Ségolène détournant le petit train de Montmartre pour descendre apporter les doléances de la plèbe à Matignon, ce serait une idée. Et une meilleure opportunité photo si elle optait pour le maquillage charbonneux de La Bête humaine.

 

Royal termine par la formule d’usage assurant François Fillon Ier de sa « haute considération ». Tiens donc… Quelqu’un aurait donc encore la moindre considération pour lui ? Voilà qui a dû surprendre Nicolas Ier, le nouveau tsar… Les Morano et Lefebvre, personnages de bien plus haute importance car plus proches de l’Ermitage de La Lanterne, s’en esbaudissent encore…

 

Le Figaro avait, naguère, dans sa rédaction, des journalistes spécialisés dans les transports, l’aménagement du territoire, &c. Bah, personne ne les lisait, finalement. Un Nicolas Barotte, qui sait, lui, ce qui doit intéresser le lectorat et les annonceurs, fait beaucoup mieux l’affaire.

Et pourquoi donc rappeler le précédent de la construction de la gare de Sablé à propos d’un équipement ferroviaire quand on peut amorcer un futur duel Royal-Raffarin et la « campagne pour sa réélection comme présidente de Région l’année prochaine ». Il convient de mettre en relief qu’user de carabistouilles de si bas étage en pleine trêve estivale n’est pas digne d’une future présidente de région française. Pensez donc, alors que toute la vie française est suspendue à la « lettre de menaces contenant une munition adressée à Sarkozy » (titres de Une un peu partout) et aux « combattants de la cellule 34 », alliés des Talibans, des narcotrafiquants, d’on ne sait qui encore (les triades chinoises ?), le procédé fait tache. Madame Royal, c’est bien petit…

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