Depuis le 26 octobre, Lille est, la cité de l’Étrange, du Bizarre et du Fantastique. Le surréalisme côtoie le concret, le mystérieux cohabite avec l’intelligible. Au gré des expositions et des métamorphoses urbaines, les lillois ont la chance de voyager dans les délires fantaisistes d’artistes venus des 4 coins du monde. Les halls dédiés à ce genre d’évènements ont fait place nette pour accueillir en leur sein les créations issues de ces cerveaux fertiles et fantasques. Les amateurs d’art contemporain trouveront leur bonheur, ils pourront s’émerveiller devant des créations qui, pour des esprits imperméables, ne représentent rien. Où le sens, l’élément provocateur de sensation leur parait totalement absent. Ainsi, ceux qui ne portent pas l’art moderne dans leur cœur, passez votre chemin. Aujourd’hui, l’exposition à l’honneur se nomme Phantasia et se déroule au Tri Postal, à deux pas de la Gare Lille Flandre.


Cette ancienne partie de la gare était autrefois allouée au triage des courriers, elle fut réaménagée en salle d’exposition en 2004, quand Lille a assumé son rôle de capitale européenne de la Culture. Nous avons pu y voir les œuvres de Saatchi, la route de la soie, les photos de Zhu Yi, regards sur la Chine ou bien Lille XXL, une biennale consacrée à l’Europe de l’Est.


Au cours de la visite, nous voguons sur une mer nous faisant aborder des mondes divers restant néanmoins reliés par un fil rouge, le fantastique. L’ensemble de la collection est repartie sur les 3 étages du bâtiment, du RDC au second. Dès l’entrée, nous sommes accueillis par un monstre énorme, une sorte de yéti, mais qui aurait en guise de pelage, une quantité phénoménale de nouilles. S’en suit une collection morbide, inspirée du mouvement des Vanités, où la mort et la vie se tutoient, donnant l’impression qu’il n’y a pas de frontières entre elles. Squelettes carbonisés continuant de cloper, famille de fantômes posant pour qu’on les prenne en photo, terreur enfantine décomplexée. Nous gravissons les marches nous menant au premier étage et nous pénétrons dans la Chambre des Murmures de Marnie Weber.


Ambiance lourde et malsaine, monstres animaliers, photomontages combinant clichés de jeunes filles portant un masque et décors kitch faits de peinture. Nous perdons le sens des réalités et nous savons plus ce qui est vrai et ce qui est faux. Sur un lit gît une fille, seulement est-elle réelle ou bien est-elle une poupée avec ses jambes articulées laissant apparaître un axe de rotation ? Pour les amateurs de cinéma, au premier coup d’oeil, ils y verront un univers lynchien.


Continuons pour arrivons dans une grande salle servant d’écrin à une œuvre colorée faite de tissages, dont la particularité est de changer d’apparence selon l’endroit où l’on se trouve. Dans cette même salle, on remarque des personnes faisant la queue et il serait idiot de ne pas faire de même. Elles attendent leur tour pour pouvoir assister au spectacle de jeux d’ombre du japonais Ryota Kuwabuko. Nous sommes dans une pièce noire avec pour seule source de lumière, un petit train avançant sur des rails. Au fur et à mesure de son trajet, il passe à proximité d’éléments placés le long de son chemin, dont les ombres projetées sur les murs, les font paraître beaucoup plus grands qu’ils ne le sont réellement. Le reste de l’étage est destiné à des projections de clips abracadabrantesques dont le sens a du s’évaporer en même temps qu’ils ont été réalisé.


Vient ensuite le tour du 2ème étage. A peine, le souffle remis après les quelques marches, le voilà de nouveau coupé à la vue de l’interprétation personnelle du Radeau de la Méduse par Folkbert de Jong. Nous y voyons une embarcation de fortune faite de plastique, une table au centre et des convives dont la réunion semble impossible. Qui pourrait imaginer qu’une reine puisse partager un dîner avec un militaire et un kamikaze. Une scène pénible si on se fie aux traits de leur visage esquissant de la colère et de la peur.


Dans l’aile gauche, nous faisons un pas dans les croyances bouddhiques. Plusieurs films signés par le thailandais Apichapong Weerasethakul, connu des cinéphiles pour sa palme d’or en 2010, permettent de nous y initier. Ce qui marque, c’est la longueur des scènes, le silence et une ambiance sonore planante, nous sommes comme dans un rêve où, une fois de plus, les morts ne sont jamais très loin des vivants. La jungle semble être le refuge des esprits trop attachés aux à l’existence terrestre.


Toujours au même endroit, dans une petite salle, Anton Ginzburg nous fait partager son voyage dans le Grand Nord. Son Hyperborea, nous hypnotise par ses vidéos de déserts glacés, de chalutiers se croisant mais ne se rencontrant pas, naviguant sur des mers déchainées par les éléments. On peut rester assis des heures, l’esprit vampirisé par ces images témoignant de la puissance de la Nature.


Juste à côté, on perd ses repères dans les cages d’ascenseurs de Leandro Erlich. Nous ne savons plus qui nous sommes, le miroir reflete-t-il notre image ou bien est ce une autre personne qui apparaît devant soi ? On aura jamais autant aimé être coincé de ces ascenseurs. La visite se clôt dans un univers futuriste très inspiré par Star Wars et 2001, l’odyssée de l’espace. Tout d’abord un long couloir avec des miroirs coulissants provoquant une drôle de sensation, nous ne savons plus ce qui est loin et ce qui est près. Ensuite pour finir, un nouveau couloir recouvert des dalles blanches avec des excroissances par endroits, un table avec des poste de télévision minuscules retransmettant des symboles étranges et au fond, un vitre rouge et par de là, une étrange licorne assise, dévisageant les spectateurs qui tentent de l’apercevoir.


Phantasia est une virée aux confins du réel. Nous sommes plongés dans un monde magique et terrifiant où se mêlent sublime et repoussant, fascination et dégoût. Une ballade à faire du mercredi au dimanche, de 10h à 19h, où nos émotions sont mises à contribution. Une chose est sûre, en quittant les lieux, vous n’en ressortirez pas indemne, dans le bon sens du terme.