Faire son boulot de Journaliste… Est-ce actuellement possible ???

El Hadji Gorgui Wade Ndoye

 

Il devient de plus en plus difficile, pour beaucoup d’entre nous, de nous faire accréditer dans des colloques, les conférences…, que ce soit au niveau national, ou au niveau international…

Aussi, tout journaliste encarté qui se respecte, peut être confronté un jour à ces difficultés là, l’effet ‘’11 Septembre 2001’’ n’étant pas étranger à cette situation…

 

 

Mais, quand il s’agit d’une toute autre raison… Là, il y a de quoi s’inquiéter !

Pour beaucoup de gens, « il ne fait pas bon vivre en Suisse, surtout si on n’est pas d’ascendance européenne »…

El Hadji Gorgui Wade Ndoye, un journaliste sénégalais, un des plus grands qui soit dans la presse, l’aura appris à ses dépens, alors que le 25 juillet dernier, il venait assister à la Conférence de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), en compagnie d’autres journalistes accrédités comme lui à l’ONU…

Cependant, des vigiles et des attachées de presse en ont tout simplement décidé autrement en lui refusant l’accès à cette organisation internationale…

« Alors que le monde entier a les yeux tournés vers les rives du Lac Léman afin de scruter une probable percée permettant de mettre sur les rails le Cycle de Doha, ce round qui dit-on a pour ambition de faire profiter les pays sous-développés des bienfaits de la mondialisation, des personnes s'ingénient à outrepasser leur devoir en interdisant l'accès de l'OMC à un journaliste africain (votre serviteur), le seul Sénégalais à être accrédité depuis la création de l'ONU en 1945 comme correspondant de presse au sein des Nations Unies. L'incident s'est passé ce week-end ; aujourd'hui, je me rendrai à l'OMC. Et je tiens l'opinion internationale à témoin car la discrimination n'a pas sa place dans une institution multilatérale et dans une Ville comme Genève qui promeut les Droits de l'Homme et la Justice pour Tous. (Voici la lettre adressée au Français Pascal Lamy). », Explique-t-il, à qui veut l’entendre sur son blog, ‘’Le Blog de Continent Premier’’[1]…

Décidé à faire la lumière sur cette ténébreuse affaire, El Hadji Gorgui Wade Ndoye, Correspondant pour la BBC-Afrique-Londres, et pour Sud-Quotidien- Sénégal, a décidé de ne pas en rester là, comme il l’explique si bien dans cette lettre, également reproduite sur son blog[2], à Pascal Lamy, Directeur Général de l’OMC :

 

Monsieur le Directeur Général,

Il m’a été donné de constater, à maintes reprises, et avec regret, une discrimination de votre Service de Presse à mon égard.

La dernière en date : le vendredi 25 juillet où je me suis rendu à l’OMC le soir pour suivre les travaux, comme une bonne partie de la presse internationale accréditée à l’ONU.

Quelle ne fut pas ma surprise quand, arrivé au seuil de la porte et après avoir bien montré mon badge – ONU, du reste très visible car accroché au cou, un des agents m’a dit « OK, c’est bon ». Et au moment de franchir la porte, un autre est intervenu pour me demander de montrer mon badge, ce que je fis, alors qu’il était à 50 cm de son collègue.

Le deuxième homme proposé à la sécurité m’a dit que j’avais « besoin d’une deuxième accréditation ». J’ai alors dit « Ok, et c’est où? ». Il m’a montré le bâtiment préfabriqué à hauteur de l’entrée.

J’y ai trouvé deux femmes et deux hommes, l’une au téléphone, les trois autres en train de parler. Je me suis alors, présenté et ai expliqué la situation. Celle qui s’occupait de la presse était au téléphone, m’a –t- on signalé. J’ai demandé si les autres pouvaient s’occuper de moi.

On m’a dit que pour la presse, il y a une personne indiquée : celle, donc, au téléphone. Après son coup de fil, cette dernière, m’a tout simplement dit qu’elle attendait un téléphone. Elle ne m’a même pas demandé ce que je cherchais. Je suis sorti, le temps d’une attente au délai improbable, joindre au téléphone mes collègues qui étaient déjà à l’intérieur du bâtiment pour savoir si des conditions nouvelles avaient été édictées à mon insu.

C’est à ce moment qu’un autre Monsieur de la sécurité est venu me demander d’un ton sec et arrogant, et en me poussant, de sortir du périmètre de l’OMC. Je lui ai dit que j’attendais une réponse. Il a continué à me pousser. Je lui ai dit de ne pas me toucher et de ne pas, par ailleurs, me parler sur ce ton. J’ai rejoint alors le bâtiment pour les accréditations. Il m’a poursuivi et là, les deux hommes qui y étaient et qui disent, finalement, travailler pour la sécurité, m’ont empêché de pénétrer dans le bâtiment. D’ailleurs, l’un d’eux a proclamé qu’il était Sénégalais comme moi. Il m’a dit que comme « je suis énervé, il ne me laissera pas entrer ». Je lui ai dit « je m’en fous qu’il soit Sénégalais, pour moi ce qui importe, ce sont les principes. Ai-je le droit ou non d’entrer dans l’immeuble comme mes confrères ? ».

Un des responsables de la sécurité est alors venu me demander ce que j’attendais ; je lui ai expliqué ce qui se passait et lui ai fait part du comportement agressif de son collègue. Il m’a dit « vous voyez que moi, je ne le suis pas ». J’ai acquiescé. Il m’a dit d’attendre qu’il aille se renseigner. Il est revenu pour me dire qu’on lui a dit que « l’accès m’a été refusé ». Par qui ?

JE N’AI ALORS OPPOSE AUCUNE RESISTANCE NI PROFERE AUCUNE PROTESTATION.

JE SUIS SORTI SOUS LES REGARDS, COMME UN MALFRAT, DU BATIMENT DE L’OMC.

Sur le chemin du retour à l’ONU, des collègues européens rencontrés se sont indignés et m’ont dit « NON, seul le badge ONU suffit ». Ce que je savais, du reste, car lors de nos briefings à l’ONU, ce fait nous a été rappelé.

Le Service de presse de l’ONU m’a dit que j’étais bien dans mon droit.J’ai laissé par ailleurs un message à M. Rockwell. Sans réaction de sa part.Monsieur le Directeur Général, je voudrais vous demander :

-1- Une confrontation d’homme à homme avec ceux qui m’ont interdit l’accès pour corroborer ou infirmer mes propos

-2- Si c’est vous qui avez donné des ordres discriminants envers moi, pour quelles raisons ?

Dans l’espoir d’une clarification de cette situation, je vous prie d’agréer, M. LAMY, l’expression de mes sentiments distingués.

L’Intéressé :

M. NDOYE, El Hadji Gorgui Wade
Directeur de publication
"ContinentPremier"
Site Internet : http://www.continentpremier.com
Tél- B- +41 22 917 37 89
Mobile +41 76 203 61 62
Salle de Presse No 1
Palais des Nations – Unies
BOX – NO – 35
8 Avenue de la Paix
1202 Genève – Suisse

 

El hadji Gorgui Wade Ndoye vit à Genève depuis 1999. Il a fait ses études à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (Sénégal) et à l’Université de Genève.

Très jeune, il s’est intéressé au journalisme et ses articles sont publiés dans des différents journaux au Sénégal, à Paris et en Suisse.

Fondateur du magazine panafricain en ligne Continent Premier qu’il dirige depuis 2004, le journaliste sénégalais anime par ailleurs un cours au CRFJ, l’école de formation des journalistes à Lausanne sur « l’image de l’Afrique dans les médias en Occident : le cas de la Suisse ».

Son combat consiste à placer l’Afrique dans l’agenda international avec un traitement de l’information qui tient compte des vraies réalités africaines au-delà de l’image virtuelle véhiculée par certains médias occidentaux.

Il a bien voulu, pour Come4News, répondre à mes questions

 

En lisant cette information, qui m’a été communiquée par l’Association de la Presse Panafricaine (APPA)[3], je ne me doutais pas que vous puissiez être victime d’un tel acte, surtout au sein d’une organisation internationale comme l’OMC, de surcroît, en Suisse, pays réputé pour sa démocratie et son Etat de Droit… Vous avez précisé que ce n’était pas la première fois que cela vous arrivait… Pourriez-vous me donner des détails, ainsi que ceux relevant de cette affaire du 25 juillet dernier ?

Vous savez Dominique Dutilloy, je refuse d’être à l’ONU pour répercuter la pensée dominante. Ce serait comme accepter ce qu’on appelle ailleurs « une présence alibi ». Nous devons tous nous engager pour rendre effective la diversité culturelle et linguistique qui est pour moi une pétition de principe. Dans ces institutions, on prend quelques Noirs dont certains d’ailleurs font le sale boulot contre leurs propres frères. Ils se rappellent qu’ils sont Noirs quand ils sont eux- mêmes discriminés ou que leur gagne pain est menacé. Beaucoup d’Africains qui sont dans les institutions internationales, font notre fierté : on le dit très souvent ! Mais, peu d'entre eux font quelque chose de concret ne serait que pour aider un seul Africain à s’en sortir. Et les Maîtres du monde, savent comment s’y prendre pour maintenir leur domination sur des Africains non organisés. Je dis souvent que je ne dois rien à personne et je refuserai d’être ce mendiant qui s’est fait insulter et qui doit dire malgré tout : « Merci ».

 

Au-delà de cet acte incontestablement raciste et discriminatoire, n’avez-vous pas l’impression que le recrutement des vigiles devrait être modifié, sachant que ces derniers ne sont pas réputés pour être psychologues, courtois et respectueux de la personne humaine ?

Beaucoup de personnes regagnent ces officines dont on sait aujourd’hui qu’une bonne partie pratique illégalement de l’espionnage. On l’a vu en Suisse avec « l’Affaire Sécuritas-Nestlé contre ATTAC ».

Certains sont aussi recrutés en exhibant leur biceps. Beaucoup de ces gens manquent de tact, de civilité et d’éducation. D’où la nécessité de revoir le profil des agents recrutés. Pendant l’Euro 2008, j’ai pu rencontrer des agents privés très compétents, mais aussi de véritables brutes, qui pensent être du reste intouchables ! Certains pensent qu’ils sont des Rambo.

Il faudrait mieux professionnaliser ce secteur qui prend de plus en plus des domaines réservés à la Police.

 

Par rapport à ma précédente question, vous serait-il possible de me dire votre sentiment sur le recrutement des attachées de presse ?

Si vous prenez le secteur de la communication et de l’information à l’ONU et dans beaucoup d’autres organisations internationales, vous verrez qu’il y a peu ou pas de porte-parole Africains. Pas de journalistes Noirs, les journaux du Continent doivent recopier des dépêches d’agence de presse ou des articles de leurs confrères avec une perspective purement occidentale. Mais il faut dire que nos Etats africains, même s’ils se réveillent petit à petit, négligent l’information. A Cannes, lors du dernier Sommet France Afrique, les Chefs d’Etats africains ont demandé à Jacques Chirac d’intervenir pour que les médias notamment français traitent autrement l’information africaine. Cela fait sourire, mais c’est la vérité !

L’Afrique a un problème de perception, de relais et finalement le Continent premier est incompris. Ceci dit, il faudra attirer l’attention des responsables des organisations sur cette réalité et les leaders Africains devront se réconcilier avec leur presse nationale et dans le cadre de l’Union Africaine, aider ces journaux pour qu’ils aient de vrais correspondants de presse dans ces institutions. Sans cela, qui donc doit rendre compte de l’attente, des questions des Africains ?

 

Je suppose que vous allez déposer plainte contre ces personnes qui vous ont refusé l’accès à cette conférence de l’OMC… En matière de discrimination raciale, les lois suisses, sont-elles aussi sévères et répressives que les lois françaises ?

J’attends que la situation soit clarifiée. J’ai envoyé ma lettre définitive le samedi matin, le soir l’OMC déclarait son échec. Je pense que Pascal Lamy doit avoir beaucoup de regrets malgré sa bonne volonté. J’ai un plan "B" si l’on veut étouffer cette Affaire ou me faire passer pour un con.

Il y a en Suisse, l’article 261 bis de la Loi pénale qui condamne toute forme de discrimination. Mais cette Loi est sujette à beaucoup d’interprétation. « Elle est assez ambiguë », disent des organisations des Droits de l’Homme. Par ailleurs, la Suisse officielle avait de la peine à reconnaître le racisme comme un problème. Aujourd’hui après avoir accepté du bout des lèvres le rapport du Sénégalais Doudou Diène, Rapporteur de l’ONU contre le racisme, les autorités suisses, je pense, sont beaucoup plus ouvertes à lutter contre le phénomène, qui, selon SOS-Racisme, est même institutionnel.

Je me suis engagé personnellement à lutter contre le racisme au sein de la Police à Genève dans le cadre d’un Comité qui a été mis en place par l’ancienne ministre de la justice et de la Police Micheline Spoerri.

Au niveau des médias, je suis souvent l’invité de la Tribune de Genève pour parler du racisme et d’autres sujets relatifs aux grandes affaires internationales pour lesquelles l’Afrique devrait avoir un mot à dire.

La Suisse a une obligation et une grande responsabilité de lutter contre le racisme, la xénophobie, l’homophobie, toute forme de discrimination, car elle est le siège des organisations humanitaires des Nations Unies. Ce pays a fait sa réputation autour de sa qualité d’accueil et son ouverture, et là, l’Histoire l’interpelle.

 

Par la suite, avez-vous l’intention de suivre les travaux de l’OMC ?

Mais Oui, ce combat, je vais le mener pour que les Africains ne se sentent plus obligés de courber l’échine alors qu’ils ont tous les Droits qu’un être humain sur terre peut disposer. L’OMC n’appartient pas à Pascal Lamy ni à la Suisse.

Ce que je demande ce sont des règles claires applicables à toutes et à tous sans distinction surtout de la couleur de la peau. J’espère que les Chefs d’Etats africains et l’Union Africaine sont assez conscientisés sur le danger de vouloir exclure une voix africaine au sein du corps de la presse des organisations internationales. Nos journaux et nos lecteurs n’ont plus besoin au 21ème siècle de recopier des dépêches d’agence alors qu’ils peuvent être bien représentés là où l’avenir du monde se joue. Et c’est pour ça que ma voix libre tonnera à l’OMC tant que je resterai journaliste. Inch'Allah !

 

Que recommanderiez-vous à nos confrères et à nos consoeurs victimes d’actes racistes de la part d’organisateurs de salons ou de conférences internationales ?

De garder surtout le calme, de savoir leurs devoirs et leurs droits, de contacter les organisations des Droits humains et d’être prêt à se battre. De saisir au besoin les Tribunaux qui, de plus en plus, ont des juges honnêtes et libres. Si on se laisse faire, on ne libérera jamais les Noirs. Barrack Obama fait de son mieux là où il est. Que les Africains de la Diaspora s’organisent. L’heure est venue de libérer le Monde du grand Monstre du racisme. C’est un combat pour l’Humain.

 

En conclusion, en écrivant cette lettre à Monsieur Pascal Lamy, qu’attendez-vous de concret de sa part ? Demandez-vous des sanctions exemplaires ?

Je voudrais d’abord que le monde sache qu’on ne peut pas parler de l’Afrique dans des institutions internationales en excluant des Africains, qui ne sont ni des terroristes, ni des espions, ni des violents, alors que certains peuvent tout avoir en même temps et disposer dans ces institutions de journalistes qui relaient leur propre vision du monde et leurs intérêts. Je souhaite enfin que Pascal Lamy soit personnellement informé de l’ostracisme dont j’ai été victime de la part de certains de ses collaborateurs. A lui de juger ce qui s’est passé. J’attends sa réaction pour mettre en œuvre, comme cela existe à l’OMC, mon Plan "B".