Magistral ! A voir de toute urgence !
« T’inquiète pas Stan ! Mieux vaut une petite qui frétille qu’une grosse qui roupille » me répétait ma grand-mère quand je lui parlais de la taille de mes critiques.
Me voilà rassuré car à cause d’un déménagement imminent me privant de mon ordinateur, il va falloir que je vous convainque en quelques lignes d’aller voir « Exilé » de toute urgence.
John Woo est (créativement) mort ! Vive Johnnie To !
Je ne vais pas essayer de me la jouer expert car à part « Fulltime Killer » qui ne m’avait pas trop marqué à l’époque, je n’ai rien vu de Johnnie To. Mais « Exilé » m’a tellement emballé qu’il ma donné envie d’aller dévorer sa filmographie dès que possible comme un gros glouton cinéphile.
Selon le maestro, sa dernière production est un film mineur, un film de vacances.
Si c’est cette attitude qui a insufflé un tel vent de liberté dans le film, un tel plaisir de filmer qui transpire de chaque image, un tel jeu sur les codes des genres, tout en récupération et rupture, on ne peut que recommander à la plupart des cinéastes actuels de partir en vacances de leur œuvre et nous livrer quelque chose d’aussi formidable, maîtrisé et rafraîchissant.
Je vais arrêter d’enfiler les superlatifs comme des perles et vous donner un peu plus de concret: …/…
« Exilé » , ça commence sur les chapeaux de roue avec une introduction « le film de yakuza rencontre Sergio Leone » à couper le souffle et vous faire tomber la mâchoire devant ce mélange de genres, de tension et de burlesque (si, si) qui culmine dans une gunfight homérique. Et là, le film bascule dans le film de potes avec des histoires lourdes de nostalgie et de serments qu’un seul geste, une seule phrase suffisent à évoquer. On efface les dégâts, sauf un (géniale transition !) et on tape la causette.
Ensuite le film continue son bonhomme de chemin en creusant cette veine du Western yakuza qui lorgne chez Leone et Peckipah avec même une version moderne de l’attaque de la diligence. Le tout ponctué de fusillades magnifiquement amenées et tendues comme des rasoirs. Et puis de temps à autre, pouf ! une petite trouvaille brillante dans la mise en scène, dans la narration qui sort de nulle part mais qui par miracle s’inscrit à merveille dans le film. Vers la fin, on admire les prouesses d’un flic sniper avec des petits « ouah » admiratifs de gamins émerveillés avant de se retrouver autour d’un feu de bois dans « les yakuzas sont en vacances » et que le destin ne rappelle brutalement à l’ordre nos héros.
Car nous sommes bien ici dans le cinéma de Hong Kong avec ces héros tiraillés entre l’amitié, l’honneur et la loyauté, écrasés par le destin même quand il est aussi léger qu’une pièce de monnaie et qui sont dès le départ condamnés pour avoir osé briser les règles du jeu.
Sauf qu’ici, la marche vers la mort s’effectue en toute connaissance de cause dans une sorte d’ivresse fraternelle, bruyante et joyeuse.
En arrière plan de tout cela, il y a les femmes qui de simple fantômes aux yeux tristes ou charmeurs finissent par occuper un rôle de premier plan dont la gravité offre un saisissant contraste avec l’insouciance de leurs partenaires masculins.
Vers la fin du film, un personnage s’interroge tout à tour sur le poids puis la valeur d’une tonne d’or.
C’est là le paradoxe et le génie d’ « Exilé » : être un film léger à la densité extrême qui en dit plus qu’il n’en a l’air.
Un film libre qui est sans conteste le film du mois et dont la gravité s’exprime en un seul flash bouleversant sur une photo jaunie.
Etre sérieux, c’est parfois juste être lourd.
Etre léger, c’est souvent être libre.
Merci Monsieur To.