Efficace, Me Jérôme Bouscan, conseil de Florence Lamblin, l’élue EELV adjointe au maire socialiste du 13e ar. de Paris coincée pour avoir utilisé un circuit de rapatriement de fonds en Suisse qui se confondait avec un réseau de blanchiment d’argent sale ? Ou plutôt soucieux de se mettre en avant et de faire une carrière à la Me Collard ? À trop vouloir faire de sa cliente une colombe de la dernière pluie, il risque de la faire passer pour une faisane.
Les bisbilles des milieux politiques à propos de l’affaire policière et judiciaire visant Florence Lamblin ne m’ont guère intéressé. Peut-être parce que, tant que les liens entre le clan El Maleh et ces mêmes milieux ne seront pas établis – s’ils le sont jamais – cet aspect des choses est dérisoire.
Bien évidemment, il a été relevé que Nicolas Sarkozy avait décoré de la Légion d’honneur un membre de la communauté israélite genevoise, d’origine iranienne, dont la société de gestion de fonds était située à la même adresse, soit la Maison des paons à Genève, que la société des frères El Maleh (dont l’un est le gendre d’Ernest Sasson).
Nous le relevions dès le 12 octobre dernier (« Blanchiment et drogue : bobos chics, bobos chocs ».
Nul doute que les policiers suisses se soient aussi livrés à une simple enquête dite de voisinage.
Nul doute aussi qu’au sein de l’UMP, alors qu’il avait été établi que Florence Woerth, épouse d’Éric Woerth, était très fréquemment en Suisse, logée par la famille Bettencourt, le simple rapprochement des prénoms a suscité des interrogations. Mediapart rappelait à l’époque qu’Éric Woerth, trésorier de l’UMP, se rendait aussi en Suisse pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Sans en tirer la moindre relation de cause à effet, on relèvera que, dans l’affaire Lamblin, très vite, l’UMP a préféré laisser socialistes et écologistes se chamailler entre eux.
Effectivement, c’est plus judicieux tant cela devient farce. Yves Contassot (EELV), qui considère que Florence Lamblin a été « sans doute très naïve », évoque à présent les cas de « trois élus socialistes parisiens encore responsables » de faits délictueux (un renvoyé devant le tribunal correctionnel, deux jugés, et tous trois encore en fonctions électives).
Bientôt, on reparlera aussi du cumul des mandats ? Lesquels ne sont pas toujours aussi simples qu’il pourrait y paraître à première vue. Il y a aussi le cumul des casquettes, entre fonctions électives et délégations, emplois « réservés » ou avantages divers.
Jérôme Coumet, maire PS du 13e arrondissement, qui avait précédemment fait savoir que, dès ce lundi, il retirait toute délégation de signature à son adjointe, estime à présent que « chacun devrait réagir en fonction des faits. ». Il semble à présent faire volte-face. La démission de Florence Lamblin en tant que conseillère municipale ne lui est pas exigée, au titre de la « présomption d’innocence. ». Attendrait-on, comme pour Georges Tron, dont l’affaire reste à l’instruction depuis juin 2011, que cette affaire Lamblin s’enlise ? Notons qu’une plainte d’une employée municipale d’Évry, visant Georges Tron et classée sans suite en octobre 2011 vient d’être réactivée car l’élu violerait allègrement son contrôle judiciaire.
Florence Lamblin, élue de second plan
Florence Lamblin est loin d’être une élue de premier plan, ni d’ailleurs même une responsable EELV très impliquée dans le fonctionnement de cette formation. Citoyenne lambda en quelque sorte, dont son avocat fait une mise en examen très simplement implique dans « une problématique fiscale ».
Admettons. Il poursuit : « Quand on a 400 000 euros d’un héritage, faut-il le déclarer ? ». Autant que l’on s’en souvienne, même, théoriquement, pour un euro, il faut déclarer un héritage, quitte à y renoncer, et nul ne semble, jusqu’à nouvel ordre, pouvoir ignorer la loi.
L’héritage en question serait de 350 000 euros, tandis que la somme indiquée par le parquet est de 375 000.
Mais elle a été écornée.
Un militant EELV a confié à Libération que Florence Lamblin règlait systématiquement en numéraire et que, si l’on s’en étonnait, elle se déclarait « interdite bancaire ».
Une « naïve » aurait-elle laissé de telles sommes être érodées par l’inflation ? N’aurait-elle pas plutôt alimenté des comptes d’épargne, profité du premier relèvement du livret A ?
Florence Lamblin percevait environ un millier d’euros mensuels du fait de son mandat, a-t-on pu lire. Que l’on sache, pour une adjointe d’une ville de plus de 200 000 h, cette indemnité peut atteindre un plafond de près de 2 500 euros. Elle se retrouve logiquement à présent avec une simple indemnité de conseillère municipale parisienne sans délégation.
Elle reste directrice des projets et responsable des expositions du Lieu du Design. Cette association, dirigée par un ancien du Conseil régional d’Île-de-France, aurait bénéficié de la Région d’une subvention de lancement, en 2010, de 2 851 557,54 euros, qui inclut sans doute des frais d’équipement initiaux. L’association préfère communiquer sur une subvention régionale de 1,645 M€ pour 2010, puis 1,7 l’an dernier et 1,8 pour cette année. L’équipe emploie neuf personnes, bénéficie de ressources en propre (mécénat de partenaires, cotisations de stylistes et de cabinets de stylisme pouvant aller de 179 à 2 400 euros annuels, de locations d’espaces pour réunions ou expositions, &c.). On y tient des ateliers, on y fait de l’événementiel.
Une association, que l’on sache, peut recevoir des dons… Quand on consent 8 % de commissions à des intermédiaires (tarif de GPF SA), pour recevoir de l’argent en liquide depuis la Suisse, on peut se fendre d’une petite donation (selon les cas, permettant ou non de bénéficier d’un abattement fiscal).
Bientôt, Me Bouscan nous fera passer sa cliente pour une nécessiteuse, une démunie, mais comme on le sait aussi, les pauvres sont bien plus généreux que les mieux nantis.
Charité bien ordonnée
Mais on ne peut pas donner à tout le monde, c’est un fait. Il y a des causes plus prioritaires que d’autres. Ainsi, rapporte Me Josiane Stickel-Cicurel, avocate de Meyer El Maleh à Genève, comme le consigne Le Temps, l’argent remis en liquide à des clients parisiens « a été récolté auprès des communautés israélites de France qui souhaitaient faire des dons à diverses personnes ou écoles religieuses. ». On comprend mal. Florence Lamblin relayant les dons auprès de religieux israélites nécessiteux et assurant le goûter des enfants des écoles confessionnelles juives ?
Mes Maurice Harari et Laurent Baersiswyl, du barreau de Genève, soutiennent que leur client, Nessim El Maleh, gestionnaire de fonds à HSBC Suisse, « est étranger à tout trafic » (de stupéfiants, de toutes autres valeurs).
Pour faire la charité, il faut procéder discrètement. C’est d’ailleurs pourquoi les conversations téléphoniques interceptées entre les frères El Mayeh étaient fortement codées. L’évasion fiscale au service des bonnes œuvres du consistoire, mais sans risquer de froisser les bénéficiaires ?
« L’argent remis aux clients parisiens de la société (qui souhaitaient disposer de liquidités sans alerter la curiosité du fisc français par des virements) provenait de dons récoltés par le troisième frère [ndlr. Mardoché, en France]. », résume Le Temps. Mais dans ce cas, pourquoi l’argent transitait-il par un compte HSBC à Londres, lequel alimentait « une vaste galaxie de sociétés ». Relevons que le beau-père d’El Maleh, Ernest Sasson, a été administrateur de multiples sociétés, au Royaume-Uni, en Afrique et ailleurs, certaines liquidées, d’autres encore en activité. Il suffit de consulter les registres suisses du commerce pour se faire une opinion.
Notons encore que GPF SA était présidée par Me Haissly, du cabinet genevois Mayor. Carole El Maleh-Sasson, employée de la société, chez laquelle on a retrouvé des valeurs pour un copieux montant, tout comme Fanny, la sœur de Mardoché El Maleh, n’ont pas été placées en détention provisoire comme les trois frères. Leur charité semblait commencer par elles-mêmes.
« La presse fait son travail quand elle reprend les propos de l’avocate, » (celui de Meyer El Maleh), a commenté Johanne Gurfinkiel, secrétaire général de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (Cicad).
Effectivement, et que les personnes impliquées – de près ou de loin – se nomment Lamblin ou Sellam importe peu. Mais on concevra volontiers que les Bretons (comme, un exemple au hasard, les Corses) réagissent quand il est fait état avec insistance du milieu breton.
Ce n’est qu’un début…
Je relevais hier que le Square Mile, la City de Londres, ne s’intéressait pas déjà à cette ou plutôt ces affaires. John Lichfield, de The Independent, va peut-être réveiller son confrère du Financial Times. Cette affaire de money laundering a été aussi reprise par, entre autres, la presse néo-zélandaise, l’Oman Tribune, le Gulf Times…
« The assistant mayor, the Swiss bank accounts and the €350,000 of Moroccan drugs money, » titre-t-il, centrant son récit sur la personne de Florence Lamblin. Mais il relève que les fonds finissaient par transiter par des « shell companies in London and offshore tax havens to purchase assets for the drug barons in Marocco, Dubai or Spain. ». Le principe « follow the money » va sans doute mettre en lumière les connexions de ces sociétés avec la place londonienne.
La GPF SA avait aussi une activité d’agent de change. Fati Mansour, du Temps, remémore aussi que des opérations de change sur le peso avaient permis « de recycler 3 à 5 milliards de dollars par an. ». De même, des agents du fisc brésilien alimentaient leurs comptes en Suisse « sans faire sourciller leurs banquiers. ». Rappelons aussi qu’HSBC a plusieurs défrayé la chronique, notamment au Royaume-Uni, pour diverses affaires soldées discrètement.
Comme l’avait établi Denis Robert, lors des affaires Clearstream, le fonctionnement de la compensation est particulièrement opaque. C’est, au fond, là l’essentiel.
Réactions… en touche
On ne sait comment a fuité le nom de Florence Lamblin. Mais on savait sans doute qu’en mettant l’accent sur une élue, la classe politique allait réagir, et peut-être devoir ultérieurement se prononcer sur l’action publique visant les circuits de l’évasion fiscale et de l’argent noir.
L’Allemagne agit, de manière controversée. Après avoir passé des accords avec la Suisse, elle vient d’en ratifier d’autres avec Singapour qui, avec Hong-Kong, semble avoir remplacé la Suisse en tant que destination première d’argent provenant de l’étranger, notamment d’Europe.
Dans ce vaste contexte, qui importe bien davantage que le sort d’une élue de quartier, les agissements d’une partie – sans doute très réduite – de la communauté juive internationale ne sont peut-être que marginaux. Mais les déclarations de l’avocate de l’aîné des El Maleh sont tout aussi maladroites que celles de Me Bouscan.
Elles interviennent alors que le rabbin Yoshiyahu Yosef Pinto et son épouse, Dvora, se sont fait arrêter pour blanchiment d’argent et corruption de fonctionnaires. Le rabbin, bien connu dans la communauté haredim israélienne, récoltait des fonds dont, selon certaines sources, le tiers finissait dans les mains de la criminalité organisée. Le très pieux rabbin, selon le Jerusalem Post ou Israel Hayom, auraient proposé des dizaines de milliers de dollars à un général de la police, Efraim Bacha, « pour couvrir le traitement médical de l’un des membres de sa famille ».
Il faut croire que « les bonnes œuvres » servent à tout. Le partir républicain étasunien était aussi, cette fois tout à fait ouvertement, destinataire des dons charitables du rabbin Pinto, tandis que l’un de ses adjoints, Ofer Biton, incitait, aux États-Unis, les étrangers dépourvus de carte de séjour à consentir des dons en espèces.
Selon Shmarya Rosenberg, de Failed Messiah, le bon et pieux (mais aussi millionnaire) rabbin aurait aussi été proche d’Avrohom Mondrowith, du mouvement Gerrer Rebbe, qui aurait donné« dans la pornographie pédophile ». Ce qui alimentera sans doute davantage la rubrique des faits divers que des histoires de financement de partis ou de montages financiers complexes, via des établissements, banques ou autres, ayant pignon sur rue (et consentant des publicités).
Philippe Kennel, avocat spécialisé suisse, relève que le système de compensation « parallèle au monde bancaire » (hmm…) se développe constamment et que les destinations sont de plus en plus lointaines. Le problème n’est pas seulement que les fonds proviennent de la drogue, de la pornographie, des commissions sur des ventes d’armes, de la corruption, &c. Ce qui importe est qu’il est encouragé par des gens de toutes origines (et qu’il s’agisse d’Israéliens, de Berrichons, de Molo-Valaques ou autres, est secondaire) et de toutes affiliations. C’est beaucoup plus inquiétant.
Florence Lamblin ne fait nullement figure de bouc-émissaire, et si on peut déplorer son attitude, on regrettera surtout le fait qu’au lieu de s’inquiéter du cœur du problème, la classe politique ne fait même pas mine de s’intéresser – pour le moment du moins peut-on espérer – à l’essentiel. Les aspects communautaires (ou partisans dans le sens de l’appartenance à telle ou telle formation) de ce dossier parmi tant, trop d’autres, ne doivent occulter le fondamental, soit une fois de pire, l’apparente collusion entre des milieux d’affaires et la délinquance, qu’elle soit fiscale ou autre.
Voir aussi :
« Florence Martin-Lamblin et MyBioShop, une vieille histoire »
Notez qu’Èva Joly et Noël Mamère ont exigé de Florence Lamblin qu’elle démissionne sans délai.
Dans [i]Rue89[/i], Èva Joly précise :
« [i] Mais l’avocat de l’élue incriminée, lui même, semble concéder un délit fiscal de sa cliente. Dans sa stratégie de défense, cette concession semble visiblement atténuer les fautes de sa cliente. Cela n’est aucunement le cas.
L’évasion fiscale est un délit, nul ne peut l’ignorer. C’est en parfaite connaissance de cause que Florence Lamblin a décidé d’écouter les conseils frelatés de conseillers en évasion fiscale. Quel qu’ait pu en être le motif, cette décision est un délit au regard du droit et une faute au regard de la morale publique.
L’avenir dira si Florence Lamblin est coupable de blanchiment ou si elle est victime de sa cupidité.[/i] »
[i]Atlantico[/i] et Serge Federbusch préfèrent s’intéresser au Lieu du Design.
« [i]Cette danseuse joliment coûteuse est censée organiser de temps à autres des expositions et distribuer un peu d’argent à des PME voulant améliorer la ligne de leurs produits par la biais d’une[/i] « aide à l’innovation responsable ». [i]Chacun appréciera cet énième usage de la novlangue écosocialiste[/i]
[i]Le directeur dudit Lieu, un dénommé Laurent Dutheil, est également militant socialiste très actif, fonctionnaire territorial à la Région IDF et ancien directeur du cabinet d’Huchon[/i] ».
[b]un petit « carrefour du développement » se prépare …[/b]
Tout à fait, CdE.
J’en avais trouvé d’autres, liquidées ou en activité, sur les registres suisses.
Mais la liste panaméenne est intéressante, pour le moins.
Là, je m’intéresse à Sexecolo et à MyBioshop où l’on retrouve Florence Lamblin et Isaac Khaski, tout aussi écolo que F. Lamblin. Des personnages peut-être plus cosmopolites qu’on l’imaginait.
République… quoi ? Irréprochable ? Ah bon ?
En fait, elle disposait en Suisse d’un héritage de 400 000 euros qui remonterait à 1920 et, sur le conseil de ses banquiers, aurait simplement voulu rapatrier cette somme, qu’elle avait mise dans un coffre à la banque. Mme Lamblin a été mise en examen (il y a, pour le moins, fraude à l’ISF) et placée sous contrôle judiciaire contre une caution de 80 000 euros. Elle a refusé de démissionner, contre l’avis du maire de Paris, Bertrand Delanoë.
C’est une histoire plus qu’embarrassante pour le parti Europe Écologie-les Verts qui, notamment sous la houlette d’Eva Joly, a toujours porté sa vertu en sautoir. Bien entendu, c’est aussi un nouvel os à ronger pour la droite qui s’est jetée sur l’affaire comme la misère sur le pain. On n’a aucune envie d’accabler Mme Lamblin, mais personne n’oublie les leçons de Mme Joly et de nombre de ses amis sur la complaisance de la plupart des Français, sauf la gauche, bien sûr, pour la corruption. Voilà nos professeurs d’éthique éclaboussés par une des leurs. Nous éviterons tout triomphalisme facile et laisserons nos censeurs d’hier se livrer à une longue méditation sur l’humilité.
[b]ripoublique ? c’est ça quidam ?[/b] 😉 🙂
Oui, bien sûr, quand c’est la droite, nous pouvons (et devons) nous gausser, mais quand c’est la gauche… prière de s’abstenir !!!
Hélas oui zelectron : ripoublique…
Quoi qu’en en pense, c’est une affaire juive du début à la fin : Lamblin est juive (son profil facebook – désactivé dès sa sortie de garde à vue – était très « communautaire »), le cabinet de l’avocat Jérome Boursican l’est tout autant :
http://www.cabinetboursican.com/avocats.php