Le 18 mars, Marc-Olivier Fogiel, dans son émission "T'empêche tout le monde de dormir", relançait le débat sur l'euthanasie en démontrant, témoignage personnel à l'appui, les manques et les conséquences de la loi Leonetti. Effrayant ! Un père, Paul Pierra, racontait comment il avait retrouvé et décroché son fils pendu avant de le "ramener" grâce à un massage cardiaque et du bouche à bouche. Le père était en effet pompier. Malheureusement, le cerveau de Hervé, 28 ans, trop longtemps privé d'oxygène, était "mort". L'histoire commence le 30 mai 1998

En état neuro-végétatif durant plusieurs années sans AUCUNE chance de retour à la normale, le cerveau étant endommagé de manière irréversible, Hervé ne peut pas mourir, d'autant que la loi Leonetti n'existe pas encore !  En 2006, après passage de la loi et après une lutte acharnée avec les médecins, qui ne veulent pas euthanasier Hervé, les parents obtiennent que ceux-ci laissent enfin partir leur fils dans le cadre légal. Mauvaise idée, ils en souffrent encore aujourd'hui…

Le médecin a alors retiré la sonde gastrique, laissant leur fils mourir de faim et de soif, de soif plutôt d'ailleurs. Au bout de quelques jours, il était, des propres mots du père, "comme branché sur du courant". Malgré son profond coma, il était secoué de violents spasmes et se soulevait du lit. Imaginez la détresse de la famille devant ce spectacle terrorisant ! Voir son fils dans cet état sans qu'on ne puisse rien faire. C'est ça la loi Leonetti. Au bout de 6 jours, le père décide de prendre son camescope et de filmer ces spasmes pour montrer au monde les conséquences de la législation actuelle. On lui apprendra le même jour que son fils est mort. Une mort que le père pense avoir été "aidée", sans qu'il ne puisse le prouver, mais allant jusqu'à remercier celui qui l'aurait fait dans l'hypothèse où…

Entre temps, un rapide sujet envoyé par Fogiel réévoque la phrase de Christine Boutin envers Chantal Sébire. Une Ministre qui se dit "scandalisée qu'on puisse envisager de donner la mort à cette femme parce qu'elle souffre et qu'elle est difforme". Des propos honteux dénoncés par diverses personnalités. Madame la Ministre, qui n'a, rappelons le, aucun lien avec la médecine, a été trop loin et scandalise a son tour l'opinion publique. Paul Pierra, le père témoignant sur le plateau répondra d'ailleurs que si Chantal Sébire était laide de l'extérieur, la Ministre l'est "de l'intérieur".

Il rappellera ensuite que la femme politique se vante sur son site internet, d'avoir fait changer Nicolas Sarkozy d'avis quant à une législation pro-euthanasie. Fogiel mettra l'accent sur les "raisons religieuses" qui se cachent derrière les propos de Boutin, dont Wikipédia dit qu'elle est également… Conseillère pontificale ! Que de neutralité !

Clovis Cornillac a d'ailleurs dénoncé la "stupidité" des propos de la Ministre, tout comme les autres invités apparemment atterrés par une telle cruauté. "Y'a de quoi s'inquiéter" ajoutera t-il, voyant que des gens "à des postes importants" puissent tenir ce genre de discours. 

Cette émission, que l'on peut encore regarder pendant quelques jours sur le site de M6 en cliquant ici, démontre bien l'étrangeté du "débat", si l'on peut réellement parler de débat. D'un côté, des gens qui veulent mourir, c'est un choix personnel, de l'autre des gens qui souhaitent les en empêcher. Pourquoi ? Dans le cas de Madame Boutin, il est évident que la religion n'est pas pour rien dans sa "croisade" anti-euthanasie, mais les idées religieuses ont-elles leur place dans un débat républicain laïc ? Clairement non. Ceci évidemment sans aucun mépris à l'égard des croyants. Il est important que les citoyens puissent choisir sans que la foi d'autrui ne vienne interférer, tout simplement, d'autant que ces croyances ne sont pas toujours partagées.

Comment dans un pays comme la France, en sommes-nous encore à interdire ce droit fondamental à choisir sa vie et sa mort ? "Je ne conçois même pas que ce soit interdit" disait Clovis Cornillac. Nous non plus !

Mis à part la religion, il existe d'autres camps opposés à l'euthanasie. Beaucoup parlent d'une peur des abus alors que la Belgique et la Suisse prouvent que la loi encadre très bien les patients et que les dossiers sont sélectionnés et traités avec soin. De plus, le nombre d'euthanasies demeure assez marginal, bref, pas de "nettoyage" ni de "meurtres en série". Il n'existe en fait aucun argument "réel" contre l'euthanasie ou le suicide assisté, mais plutôt une peur profonde ou l'impression d'une atteinte à la vie.

"Le médecin est là pour donner la vie, pas pour donner la mort". Un argument souvent repris et auquel Monsieur Pierra répondait "qu'on me dise quelle est la différence entre enlever une sonde gastrique et faire une piqure ?", faisant référence à la différence entre l'euthanasie passive de la loi Leonetti et une injection léthale à la belge. Il est vrai que dans les deux cas, l'acte est médical qui mène à la mort. Quelle hypocrisie ! Dans l'euthanasie "passive" pratiquée en France, on ne peut qu'être scandalisé à notre tour de voir qu'on n'aide pas le patient, mais qu'on le laisse mourir à petit feu, de déshydratation. Est-ce vraiment plus humain que la mort en toute conscience, entouré par les siens, des suites d'une injection léthale prévue de longue date ? On en doute…

Vu le tollé provoqué par l'entêtement d'un gouvernement anti-euthanasie face à la souffrance, et il n'y a qu'à lire les centaines de pages de commentaires des grands journaux et des forums pour se rendre compte de l'avis général, il est évident que la loi va devoir s'améliorer. Cela sera le cas très bientôt soyons en sûr.

Bernard Kouchner, co-fondateur de Médecins Sans Frontières, était pour aider Chantal Sébire et les gens dans le même cas. Jean-Luc Romero membre de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, soutenait également le combat de cette dame, mais également celui de Monsieur Pierra, dont il parle sur son blog. Le Monde a également publié un article retraçant le combat de ce père pour qu'on puisse permettre aux malades au stade final de partir dignement. Quant à Gaëtan Gorce, ex-Président de la Commission sur la fin de vie, il est également pour une réforme et la création d'une "Haute Autorité Morale", permettant de traiter de tels dossiers. Il semble que ce ne soit plus qu'une question de temps avant que la nouvelle loi prenne effet. Gorce espère d'ailleurs qu'elle voit le jour avant la fin de l'année.

Bref, le plus sage serait d'accorder à ceux qui le veulent ce droit à mourir, ce qui n'empêchera pas les croyants ou les anti de refuser l'euthanasie. Mais interdire à tout prix ce droit à tous, reste une méthode liberticide qui condamne certains à mourir comme des rats, en se cachant et en ingérant des produits divers voire en utilisant d'autres méthodes brutales pour se supprimer. Les belges et les suisses sont donc sur ce point un exemple à suivre !