BAT YE'OR  

Historienne britannique d'origine juive de renommée internationale /
Universitaire en archéologie (Londres) et sciences sociales (Genève) /
Conférencière en Europe, aux Etats-Unis et en Israël /

Elle a signé de très nombreux article, notamment dans la National Review, l'Observatoire du Monde juif, Midstream,  Nativ, The Jerusalem Quarterly, Frontpagemag, Les Temps Modernes, Les Cahiers de l'Orient, Commentaire…

Bat Ye'or a été entendue devant le Congrès américain (le Senate Foreign Relations Committee et le  U.S. Congressional Human Rights Caucus ) lors de différents colloques consacrés à l'islamisme en 1997 et 2002.


DRZZ : Bat Ye'or, votre livre a eu une grande influence sur le débat de l'islam, autant en Europe aux Etats-Unis. Voyez-vous une prise de conscience du problème de "l'Eurabia" chez les élites européennes ?
 
BAT YE'OR : Il y a eu certainement chez les responsables politiques la réalisation d’un ras-le-bol des peuples européens et le sentiment que les invectives de racisme et de xénophobie dont on les abreuvait se craquelaient. Mais ce résultat provient d’un ensemble de facteurs parmi lesquels le pouvoir médiatique d’internet qui contourne la censure de la presse officielle. Mon livre qui fut accueilli par le silence, le rejet et le boycott officiel des grands médias, explosa sur internet. Le Point à Paris publia même à deux reprises des attaques virulentes contre moi. J’ai dû recourir à un avocat pour obtenir le droit de réponse autorisé par
la loi. Ceci provoqua aussitôt la publication d’une réaction acrimonieuse et totalement erronée. Mon avocat me persuada d’y répondre une fois encore, ce qui me valut une condamnation par le tribunal au paiement d’un dédommagement au journal. Ceci parce que je me défendais contre des allégations personnelles purement fictives.

Le mensuel La vie des idées (Mai 2006, n° 12) édité par La République des Idées publia un article sur mes «élucubrations», tout en s’excusant auprès de ses lecteurs de faire figurer mon nom dans les pages de cette revue de haute volée intellectuelle et éthique. D’autres attaques mesquines de nature personnelle et sans aucun fondement me furent lancées par des journalistes peu informés du New York Times  et un ou deux autres journaux américains. Mon travail fut pillé et mon nom dissimulé par omission délibérée. Mais tout cela est de bonne guerre et constitue le débat d’idées des démocraties. Par contre l’Italie, où le mot liberté a encore un sens, se montra beaucoup plus réceptive. Des politiciens et des journalistes influents me firent connaître. En Allemagne je n’ai trouvé aucun éditeur et le livre fait l’objet d’une réprobation scandalisée. Mes thèses sont mieux acceptées en Hollande où le livre fut publié et au Danemark parmi ceux qui soutiennent le journaliste Flemming Rose et la liberté d’expression

Comme je n’ai pas de contact avec « les élites européennes », j’ignore si elles ont lu mon livre. En fait je n’ai fait qu’analyser, comme c’est le devoir d’un écrivain, le malaise diffus des Européens. J’ai tenté d’en décrire les sources, les causes et les modalités. Ceci a peut-être contribué à la prise de conscience d’une mutation sociale et civilisationnelle déjà bien avancée à l’échelle d’un continent. Les problèmes sociaux qui semblaient fortuits et sans liens apparents, apparaissaient soudain dans une trame structurelle stratégique avec son idéologie et ses objectifs économique et politiques exécutés par des cohortes d’agents et de réseaux.

Mes critiques de l’antisémitisme culturel et politique européen s’ajoutaient à celles de beaucoup d’autres intellectuels et aux nombreuses conférences internationales sur ce sujet dans les années 2004-05. Ceci fit beaucoup de bruit aux Etats-Unis où même Bush en parla. Les dirigeants européens qui orchestraient la diffamation d’Israël et niaient l’antisémitisme chez eux en furent humiliés et l’en détestèrent davantage. Avec le départ de Chris Patten et de Romano Prodi de la Commission européenne, la violence diffamatoire contre Israël se résorba quelque peu. Les dérives racistes de l’anti-américanisme et de l’antisionisme d’Eurabia furent corrigées par Angela Merkel. En France Nicolas Sarkozy déclara vouloir rompre avec «la politique arabe» autrement dit alignée sur celle du bloc arabe, ce qui n’était guère un secret. C’était aussi une reconnaissance officielle indirecte de mes thèses. De son côté le ministre italien des Affaires étrangères sous le gouvernement de Berlusconi, Gianfranco Fini, reconnut la partialité démesurée de l’Europe pour les Palestiniens et cette attitude fut adoptée par d’autres leaders européens.

Beaucoup d’Européens se désolidarisèrent de la politique d’Eurabia; ils comprenaient que la menace jihadiste concernait l’Europe autant qu’Israël. De plus les Européens dans leur large majorité ne sont pas antisémites. La pression antisémite actuelle provient de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) et de ses nombreuses composantes qui agissent par Européens interposés. Il faut distinguer la culture antisémite qui est imposée et diffusée par les «élites européennes» politiques contrôlant par les réseaux eurabiens, les universités, les medias, les publications et la culture – et les populations européennes victimes de cette politique. Nous revivons les années 1930s. La guerre contre Israël est une guerre contre la civilisation. Elle meut contre un peuple minuscule de quelques millions, des forces planétaires et des alliances monstrueuses comme celles de l’OCI et de l’Europe dont Eurabia est le fruit. 

DRZZ : Daniel Pipes voit dans la polémique sur "Fitna" un sursaut des Européens et un retour aux fondements de leur civilisation judéo-chrétienne. Partagez-vous son optimisme ?

BAT YE'OR : L’affaire des caricatures, l’article du professeur Redeker comme ceux de Guy Millière et le combat d’autres intellectuels s’inscrivent dans la résistance pour défendre les droits démocratiques de nos sociétés fondées sur les valeurs judéo-chrétiennes. Ce combat n’est pas nouveau, il s’est déjà manifesté au cours de l’histoire sous des formes différentes bien sûr et avec des fortunes diverses. Il a suscité la résistance à l’islamisation de sociétés conquises par le jihad en Asie, en Afrique et en Europe, la lutte contre les totalitarismes modernes, le nazisme, le communisme, le fascisme. Ce sont des combats à la fois militaires et idéologiques couvrant des décennies avec des avancées et des reculs et dont l’issue est difficilement prévisible. C’est pourquoi je ne partage pas l’optimisme de Daniel Pipes. Dans le contexte moderne il ne s’agit pas seulement des « Européens ». On doit aussi considérer la dislocation des institutions des Etat-nations européens et leur remplacement par une entité transnationale, l’UE, l’asservissement européen aux flux de l’énergie et de la puissance monétaire pétrolière, l’implantation en Europe des lois de la chari’a concernant les femmes, les apostats, le blasphème et enfin la conjugaison du terrorisme extérieur et indigène. C’est dans ce contexte à la fois idéologique, institutionnel et économique que les sociétés européennes piégées par le multiculturalisme et en phase transitoire d’euro-islamisme démographique, devront réagir.

  

  
DRZZ : Quelle est votre opinion sur les voix critiques de l'islam, particulièrement celles de Geert Wilders, Ayaan Hirsi Ali et Wafa Sultan ?


BAT YE'OR : Geert Wilders a fait preuve d’un courage remarquable bien que je ne me prononcerai pas sur sa politique car je ne la connais pas. Il a en effet tenu tête aux pressions énormes du monde musulman et à celles de son gouvernement. Il a ainsi démontré à lui seul qu’il suffit de résister et d’être ferme dans ses convictions pour faire reculer les menaces et que la politique de concessions permanentes de l’Europe menait à la déconfiture et à la honte.  

Ayaan Hirsi Ali est une femme qui mène un combat courageux, elle connaît bien le dossier des femmes et se bat là-dessus. Wafa Sultan est une femme extraordinaire pour laquelle j’ai une admiration et une sympathie sans bornes. Elle se bat comme un lion sans avoir peur de rien et connaît bien semble-t-il la chari’a, elle répond vertement à ses contradicteurs sans s’embarrasser de politesses. Ces hommes et ces femmes témoignent d’un courage qui fait d’autant plus ressortir la lâcheté de nos politiciens et de nos médias.   

DRZZ : Comment les gens réagissent-ils à vos conférences ?


BAT YE'OR : En général de façon très positive, mais il y a aussi des éléments hostiles. Il est vrai qu’en général je parle à des gens qui ont lu et apprécié mes livres. Les autres me boycottent et je ne les recherche pas car en vérité, tout le monde connait cette situation. Ceux qui la nient le font par choix et de façon délibérée et non par ignorance. Je ne les ferais pas changer d’avis, tout comme les nazis et les stalinistes gardèrent leurs convictions devant les fours crématoires et les goulags. Il s’agit ici de perversités criminogènes pathologiques. Les gens qui manœuvrent pour la disparition de l’Etat d’Israël sont des génocidaires en puissance. 


Je situe le sujet d’Eurabia dans un contexte historique qui peut être difficilement contesté: l’extension planétaire au cours d’un millénaire de deux institutions corrélées qui se renforcent mutuellement, le jihad et
la dhimmitude. Après 20 ans de démentis véhéments, la dhimmitude est aujourd’hui généralement reconnue. Les Eglises d’Orient, surtout iraquiennes et palestiniennes, qui s’ingéniaient à s’inventer un âge d’or avant l’Etat d’Israël, et approuvaient le terrorisme jihadique contre Israël, sont aujourd’hui pourchassées par ce même jihad et contraintes de se plier aux lois millénaires de la chari’a qu’elles nièrent et qui font fuir leurs fidèles. Les persécutions contre les chrétiens d’Irak sont motivées par la même idéologie haineuse qui s’acharne à détruire Israël.


 
DRZZ : Certains pensent que la fureur eurabienne est encore latente, et qu'un retour isolationniste des Américains, par exemple s'ils élisaient Barack Obama, pourrait jeter de l'huile sur les braises qui couvent. Le pensez-vous également ?


BAT YE'OR : Eurabia est toujours là, autour de nous, avec nous, dans les lois, les institutions, les politiques occultes, les réseaux opaques qui nous enveloppent, les médias qui censurent et désinforment, les hiérarchies universitaires qui imposent leurs directives et finalement, toujours aux commandes ceux qui ont créé Eurabia. Les Européens ne se rendent pas compte de l’ampleur de la toile eurabienne qui touche tous les secteurs: politique, économique, culturel, religieux, médiatique, universitaire, tissé depuis quarante ans. 


Je crois que Barack Obama ne fera pas une politique isolationniste mais plutôt une politique tiers-mondiste, multilatérale et multiculturelle semblable à celle d’Eurabia et qu’il engagera l’Amérique dans ce même processus de fausse paix obtenue par des concessions et des reniements.

 
DRZZ : Israël est aujourd'hui en difficulté. Comment pourrait-il retrouver le soutien de l'Europe ?


BAT YE'OR : C’est Eurabia qui détruit Israël par le financement d’ONG palestiniennes, européennes et israéliennes antisionistes et par son soutien à une cause palestinienne inexistante avant 1969 et qu’elle a créée pour combattre et supplanter Israël. Ces ONG promeuvent et stimulent en Israël même un processus de pourrissement intérieur semblable à celui de l’Europe.


Eurabia est fidèle à elle-même: elle ne réclame d’Israël que ce qu’elle s’impose à elle-même, c’est-à-dire l’ouverture des frontières, le renoncement à l’auto-défense, l’auto-culpabilité pour justifier sa reddition et finalement sa disparition par auto-reniement. Cette politique commune pour l’Europe et Israël résulte de l’idéologie jihadiste qui applique une même stratégie à ces deux entités. Pour que l’Europe soutienne Israël, il faudrait d’abord qu’elle puisse s’aider elle-même et qu’elle retrouve l’indépendance et l’autonomie qu’elle a perdues par couardise. Il faudrait surtout qu’elle cesse de confondre le crime et l’innocence, l’agresseur et la victime, le droit imprescriptible d’Israël de vivre et le droit imprescriptible du jihad de tuer. L’Europe s’est intellectuellement empoisonnée en s’inventant des fausses symétries entre Israël qui existe depuis trois mille ans dans son pays et les forces jihadistes planétaires de destruction et d’apartheid religieux.


 
DRZZ : Nicolas Sarkozy a envoyé un millier d'hommes supplémentaires en Afghanistan. L'Europe maîtrise-t-elle encore sa politique étrangère ou est-elle, sans se l'avouer, déjà prise en otage ?

BAT YE'OR : L’Europe a choisi sa position d’otage dès le moment où elle a nié la réalité du jihad. Et l’origine de cette négation réside dans son alliance avec Arafat, l’incarnation du jihad. Elle a perdu la maîtrise de sa politique étrangère en cédant au terrorisme palestinien en 1973. Elle n’a pas compris que le palestinisme était le bras du jihad global comme le déclare un texte des Frères Musulmans rédigé le 1er décembre 1982 intitulé « Le Projet » et exposé dans le livre de Sylvain Besson, La conquête de l’Occident. Le projet secret des islamistes, Seuil 2005.

  

DRZZ : Que doivent faire les Juifs européens aujourd'hui pour combattre cette mutation eurabienne qui leur est hostile ? Etre plus présents sur la scène politique ? Utiliser l'étranger (Etats-Unis, Israël) pour faire pression sur l'Europe ? Faire leurs valises ?

BAT YE'OR : La mutation eurabienne n’est pas hostile aux Juifs seulement. Elle représente la destruction de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés comme fondements de la dignité humaine. Elle s’attaque aux bases de la civilisation judéo-chrétienne érigées sur le rationalisme, l’objectivité de la recherche et de la vérité, le sécularisme, l’égalité des sexes et des droits, la sacralité de la vie et de la liberté, pour nous imposer les normes des sociétés structurées par la chari’a, c’est-à-dire la paix-soumission du jihad et l’apartheid de la dhimmitude. C’est pourquoi cette mutation est combattue vigoureusement par des musulmans qui ont émigré en Occident parce qu’ils ont choisi nos valeurs universalistes. Eux aussi sont menacés par des fatwas, il est scandaleux de devoir assurer leur sécurité par une garde policière parce qu’ils manifestent un droit normal: leur liberté de pensée.


L’eurabisme recourt à des politiques inspirées par le communisme et le fascisme – toujours présents en Europe – et dégurgite la haine nazie et les théories conspirationnistes dont la dernière accuse les Américains d’avoir fomenté les attaques du 11 septembre. Ce canard, à l’origine limité à des milieux marginaux, revient maintenant en boucle dans de grands quotidiens comme pour habituer les gens aux contre-vérités. Le but de ces manipulations d’opinion est de diaboliser l’Amérique pour exonérer les criminels jihadistes et victimiser les musulmans. Comme le dit Doudou Diène, le rapporteur spécial sénégalais au Conseil des Droits de l’homme, ce sont les musulmans qui furent victimes du 11 septembre car ils sont stigmatisés par les mesures de sécurité. Doudou Diène ne voit pas les victimes du jihadisme, les contraintes imposées aux Occidentaux par les terroristes, il ignore les victimes des attentats, les bébés privés de leurs biberons dans les avions, les malades obligés de se séparer de leurs médicaments, les longues heures d’attente aux contrôles sécuritaires, les frais énormes des contribuables européens pour maintenir leur droit naturel à la sécurité mais qui désormais leur est contesté par les islamistes dans le contexte d’un jihad global qui menace n’importe qui n’importe où. C’est la politique du chaos initiée par Arafat contre Israël et qui ravage maintenant ses promoteurs, l’Algérie, l’Irak, le Liban, le Pakistan, l’Afghanistan, la Somalie.


La mutation eurabienne ne concerne pas Israël et les juifs exclusivement. L’islamisation de l’Occident et d’Israël constitue un même objectif, et il n’est pas sûr que l’Europe puisse résister mieux qu’Israël. Ce qu’il faut faire ? résister en protégeant la démocratie, les libertés et les droits de l’homme et cela inclut la résistance de nos amis musulmans dont vous avez cité quelque noms. Et surtout s’abstenir de banaliser des idéologies génocidaires par le dialogue avec leurs promoteurs, comme l’a fait Jimmy Carter avec le Hamas. La subversion de l’Europe a commencé par la reconnaissance et le dialogue avec le chef terroriste Arafat. On ne discute pas avec ceux qui vous imposent la guerre ou la soumission de la dhimmitude-apartheid.

DRZZ : Un parti conservateur suisse propose d'interdire les minarets tandis que le parti de la liberté aux Pays-Bas demande aux musulmans de déchirer les sourates violentes du livre saint… Ces réactions sont-elles saines ? Utiles ? Quelles seraient les mesures adéquates selon vous ?


BAT YE'OR : Le Coran et les hadiths (textes sacrés musulmans) comportent des passages extrêmement hostiles aux autres religions. Occultés par les spécialistes jusqu’à ces deux dernières années, ils s’étalent maintenant dans internet et sont largement et fièrement claironnés et revendiqués par des islamistes pour justifier leur politique ou leur haine d’Israël et de l’Occident. On doit naturellement connaître ces textes puisqu’ils nous concernent et non les dissimuler comme on l’a fait depuis les années 1970 afin de nous culpabiliser en nous accusant de provoquer une hostilité qui émane de textes religieux plus que millénaires et dont nous sommes finalement les victimes. Plus on en parlera et plus on incitera les musulmans à s’en désolidariser et à tenter de les contextualiser. S’ils refusent, il est clair que la cohabitation dans la paix et l’estime réciproque sera très difficile sinon impossible. Mais beaucoup de musulmans en Occident s’attachent à ce travail qui n’est guère facile. On doit respecter leur effort et les encourager.    

 
DRZZ : Etes-vous de ceux qui considèrent qu'il existe "islam" et "islamisme" (
Daniel Pipes) ou de ceux qui considèrent que "nous sommes en guerre contre l'islam" (Ayaan Hirsi Ali) ?


BAT YE'OR : Islam et islamisme …. C’est couper les cheveux en quatre. L’Islam c’est une civilisation qui s’est répandue sur 3 continents depuis treize siècles. Elle se caractérise par une religion fondée sur un livre, le Coran, par une juridiction: la shari’a établie sur le Coran et la Sunna (Traditions du Prophète), et une politique unissant ces deux éléments. Ses manifestations sociales et culturelles se différencient en fonction de la diversité des peuples qu’elle a supplantés et colonisés. Ce que Pipes appelle « islamisme » c’est l’élément jihadiste, les combattants pour la foi, les fedayy présents dès le début de l’islam, chargés de mener des razzias dans les pays infidèles (dar al-harb) pour y semer la terreur, prendre du butin et faire fuir les habitants infidèles afin de faciliter l’expansion de l’islam. Cette stratégie a toujours existé dans le cadre des Etats musulmans, elle jouit d’une légitimité sacrée dans la politique islamique de conquête mondiale. C’est pourquoi l’on n’a pas vu de démonstration monstre ni dans les pays musulmans ni parmi les millions de musulmans émigrés en Europe pour protester contre les attentats aux EU, à Madrid et à Londres. Sur ce thème j’approuve totalement les opinions de
Anne-Marie Delcambre, islamologue chevronnée et à l’érudition impeccable. Je crois qu’il ne faut pas confondre la civilisation islamique établie sur des textes sacrés et les musulmans, population appartenant à divers courants et qu’on ne peut classer dans une seule catégorie immuable.


Par contre je conteste l’idée que nous sommes en guerre contre l’islam. Je crois que l’Europe agressée par le jihad cherche la paix en combattant l’Amérique et Israël.      
 

DRZZ : Quelle est votre opinion de Tariq Ramadan ?


BAT YE'OR : Il appartient à l’école de feu Ismail Rajji al-Faruqi qui cherche à islamiser la modernité plutôt que de moderniser l’islam. Il est très contesté par des musulmans européens qui s’efforcent au contraire de libérer l’islam d’un corpus juridique étouffant et de formuler des principes religieux conformes à une éthique moderne. Par son rejet total de la légitimité de l’existence d’Israël et sa haine de l’Amérique, il adhère à l’idéologie jihadiste. Comme les traditionalistes d’autres courants religieux, il cherche à justifier la tradition et à la maintenir en recourant à des arguments modernes, ce qui donne un caractère spécieux à un discours qui se veut moderne mais qui est traditionnel.   
 

DRZZ : La proposition de Nicolas Sarkozy d'"Union méditerranéenne" entérine-t-elle le concept eurabien ? 

BAT YE'OR : Difficile à juger maintenant. Elle continue la politique qui créa Eurabia. C’est un gouffre financier pour les contribuables européens contraints de payer des institutions mastodontes qui se reproduisent sans cesse pour dissimuler les transferts de fonds aux pays de la Ligue arabe, y compris ceux qui ne sont pas méditerranéens. Il est normal de vouloir maintenir des relations pacifiques avec ses voisins. Mais l’on ne doit pas sacrifier ses valeurs et la sécurité de son territoire à l’illusion de
la paix. Je vous renvoie à l’article excellent et détaillé de Gabriel Lévy.



DRZZ : Comment voyez-vous le futur de l'Europe et ses minorités musulmanes ?
Daniel Pipes propose trois scénarios : une intégration réussie, une guerre civile à la bosniaque ou un retour au fascisme.
Laquelle vous semble réaliste ?

BAT YE'OR : L’intégration réussie me semble le plus souhaitable, mais ce qui est souhaitable n’est pas toujours réaliste. De nombreux musulmans sont parfaitement intégrés en Europe. Quant aux deux autres scénarios, ils me paraissent possibles mais pas souhaitables, d’autant plus que la guerre civile sera à l’irakienne plutôt qu’à la bosniaque.


   
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